Therion

Metal Symphonique

Suède

Beloved Antichrist

2018
Type : Album (LP)
Tracklist
Act I
01. Turn From Heaven
02. Where Will You Go?
03. Through Dust, Through Rain
04. Signs Are Here
05. Never Again
06. Bring Her Home
07. The Solid Black Beyond
08. The Crowning Of Splendour
09. Morning Has Broken
10. Garden Of Peace
11. Our Destiny
12. Anthem
13. The Palace Ball
14. Jewels From Afar
15. Hail Caesar!
16. What Is Wrong?
17. Nothing But My Name

Act II
01. The Arrival Of Apollonius
02. Pledging Loyalty
03. Night Reborn
04. Dagger Of God
05. Temple Of New Jerusalem
06. The Lions Roar
07. Bringing The Gospel
08. Laudate Dominum
09. Remaining Silent
10. Behold Antichrist
11. Cursed By The Fallen
12. Resurrection
13. To Where I Weep
14. Astral Sophia
15. Thy Will Be Done!

Act III
01. Shoot Them Down!
02. Beneath The Starry Skies
03. Forgive Me
04. The Wasteland Of My Heart
05. Burning The Palace
06. Prelude To War
07. Day Of Wrath
08. Rise To War
09. Time Has Come/Final Battle
10. My Voyage Carries On
11. Striking Darkness
12. Seeds Of Time
13. To Shine Forever
14. Theme Of Antichrist

Chronique

par V.N.A.

Sept ans et demi. C'est le temps écoulé depuis le dernier "vrai" album de Therion. C'est le temps nécessaire pour mener à bien le projet colossal qu'est Beloved Antichrist. Alors certes, le maître d’œuvre Christofer Johnsson a su nous faire patienter avec Les Fleurs Du Mal un album de reprises pour le moins surprenantes (et un EP de chutes, Les Épaves) ainsi qu'avec un Luciferian Light Orchestra délicieusement rétro, mais les adeptes du groupe avaient de quoi trépigner d'impatience (oui, bon, d'accord : un peu moins de huit ans, j'entends ricaner les fans des Guns N' Roses, de même que ceux d'un autre groupe dont je tairai le nom). Tout comme ils avaient de quoi redouter l'effet pétard mouillé, mais concernant ce dernier point, si vous avez jeté un œil à la note, vous savez déjà ce que j'en pense. Les attentes n'ont pas seulement été comblées, mais surpassées. Beloved Antichrist est titanesque, et sa réussite est à sa (dé)mesure.

Trois heures, deux minutes, quarante-neuf secondes : voilà la durée du monstre. Mais plutôt que de se laisser décourager d'office, mettons les choses en perspective (d'autant que l'album est bien plus accessible qu'on pourrait le croire, nous y reviendrons) : trois heures, pour un opéra, c'est tout à fait raisonnable. Prenez Wagner et son Crépuscule des Dieux, on dépasse allégrement les cinq heures et ce n'est qu'une partie du cycle de L'Anneau du Nibelung, alors en comparaison, ça semble même plutôt léger. Mais parlant de comparaison, est-ce bien judicieux d'aller chercher dans le répertoire classique ? Après tout, quand on associe Metal et Opéra, les premiers noms qui viennent à l'esprit sont plutôt ceux d'Avantasia du côté Power/Sympho et d'Ayreon du côté Prog, or aucun des deux ne propose plus que des doubles-albums. La différence essentielle, c'est que là où ces deux projets s'ancrent avant tout dans leurs genres respectifs tout en proposant une "histoire musicale" impliquant de multiples vocalistes, Therion procède ici à l'inverse : le principe de base est de concevoir un opéra dans le sens classique du terme, avec toutes les voix, les orchestrations et les chœurs que cela implique, mais en y incorporant ses aspirations Metal.

Conceptuellement, les paroles s'inspirent librement du Court Récit sur l'Antéchrist de Vladimir Soloviev, une fiction rédigée en 1899 et narrant la venue, au XXe s. (ici transposée deux siècles plus tard), de l'Antéchrist sous les traits d'un homme exceptionnel, qui d'érudit prodige devient maître adulé du monde entier (dans les grandes lignes). Une quinzaine de participants, parmi lesquels Thomas Vikström et Lori Lewis (deux habitués du groupe), donnent ainsi vie aux personnages de ce drame lyrique, dont quelques uns directement tirés de l’œuvre d'origine, les autres créés pour l'occasion. Et comme dans tout opéra, la narration s'effectue dans le livret, dont la lecture est nécessaire afin de profiter de l'histoire dans son ensemble.

Musicalement, Therion se montre sous son meilleur jour, en conservant son identité sonore, que ce soit au niveau de la composition ou de la production, tout en l'adaptant à ce format particulier. Chacun des trois actes se divise en quatorze à dix-sept scènes, et bien que l'enchaînement de l'une à l'autre soit parfaitement fluide (l'idéal restant de l'écouter d'une seule traite), la plupart se tiennent pourtant sans problème en tant que chansons à part entière. Ceux que la durée refroidit pourront ainsi se contenter des quelques titres dévoilés en ligne, à commencer par Theme Of The Antichrist, ou pourquoi pas aborder la chose un acte à la fois, avant de l'appréhender dans son ensemble. Ce découpage en morceaux de deux à six minutes, à quelques exceptions près, n'est pas seul à favoriser l'accessibilité de Beloved Antichrist. Des repères s'instaurent dès la première écoute au travers d'une mélodie, d'un riff, d'une ligne de basse... Our Destiny, Bringing The Gospel, The Wasteland Of My Heart sont quelques exemples de passages facilement mémorisés, rendant d'autant plus attrayantes les écoutes suivantes, qui dévoilent une richesse certaine sans jamais se complaire dans la complexité. À mesure que défilent les minutent puis les heures, se côtoient liesse et désespoir, grandeur et tragédie, espoir et effroi, selon les besoins de l'histoire, toujours avec une justesse exemplaire. On remarque d'ailleurs que les compositions se font plus denses, plus urgentes à mesure que l'on progresse des scènes d'exposition jusqu'au dénouement, un aspect qui se reflète dans les durées des actes, allant de soixante-cinq minutes pour le premier à cinquante-cinq pour le dernier.

Le risque était grand et la gestation longue, mais Beloved Antichrist surpasse toutes les espérances qu'on a pu placer en lui. La discographie de Therion était déjà conséquente et bourrée de pépites, pourtant cette nouvelle sortie a tout l'air d'en représenter l'apogée, destinée à s'inscrire dans la durée. Resterait à mettre l'opéra en scène dans son intégralité, mais là il y a fort à craindre qu'il ne s'agisse que d'un doux rêve...

17

Le Court Récit sur l'Antéchrist de Vladimir Soloviev se situe en dernière partie du livre Trois Entretiens sur la Guerre, la Morale et la Religion ; il est aussi disponible à la lecture ici.

Les critiques des lecteurs

Moyenne 14.5
Avis 1