3 ans après Wagonwheel Blues, The War on Drugs semble avoir bien changé. Quoi, un disque ambient? Certes, c'est dans le titre. Quoi, ils ne sont plus que trois? Certes, les départs de Charlie Hall et de Kurt Vile ont contribué à la cure d'amincissement du lineup, passant de quintet à trio en peu de temps.
Depuis 2008, en fait, juste après la sortie de Wagonwheel Blues, ce qui a laissé le temps à Adam Granduciel et à ses accolytes de travailler et de faire mûrir leur son. Ne vous y trompez pas, loin de sombrer dans une langueur monotone (au son des sanglots longs de l'automne), The War on Drugs a continué sur les chapeaux de roue, grâce notamment à un songwriting éclatant. Et si Wagonwheel Blues, et ses touches d'americana dénaturée par un kaléidoscope sonore, ressemblait à un appel à la liberté, Slave Ambient, toutes voiles dehors, célèbre l'échappée et l'insouciance, comme en témoigne l'enlevée Baby Missiles, cavalcade sonore dans l'Amérique des seventies.
(Ouvrons, d'ailleurs, ici, une parenthèse. Si Kurt Vile, en solo, arbore une auréole de fumée pendant que les autres combattent les drogues, il n'y pas de ressentiment entre les deux parties. L'ancien guitariste et fondateur du groupe a d'ailleurs contribué à deux titres sur Slave Ambient, et partage avec son vis-à-vis, Adam Granduciel (qui lui retourne la faveur de temps en temps), la même passion pour une Amérique déchue; passion qui se ressent fortement dans le solide Smoke Ring for My Halo sorti également cette année. Fin de la parenthèse).
Au milieu des années 70, Bruce Springsteen démarre sa carrière sous les meilleures auspices tandis que Bob Dylan signe un retour en forme convaincant avec Blood on The Tracks (1975). Nul doute que Adam Granduciel a dû téter des litres de leurs mélodies avant de toucher sa première guitare. Slave Ambient en est la démonstration la plus probante, l'album que le "Boss" et Dylan n'ont pas osé composer ensemble. Tandis que les deux premières ballades, Best Night et Brothers et la voix nasillarde de Granduciel rendent un hommage appuyé au second, impossible de ne pas penser à Springsteen en écoutant les mélodies et la ligne de voix sur Come to The City ou les élans de Baby Missiles.
Loin de jouer sur le revival de genre à la façon d'une série B, The War on Drugs mélange habilement nappes de synthé délibérément kitsch, rythmiques mécaniques à la lisière du krautrock, et mélodies pop faciles pour produire un résultat convaincant et finement mis en valeur par les arrangements spatiaux qui nimbent chacun des titres. Ainsi, à la manière de Yo La Tengo, avec lesquel ils ont sans doute plus de points communs qu'il n'y paraît au premier abord, les trois de Philadelphie aiment à fondre leurs mélodies oubliées dans des effets sonores dignes des early 90's et à en prolonger la dynamique jusqu'à l'évanouissement (Original Slave), discrètes touches d'harmonica et de piano à l'appui.
Enrobée comme un sucre d'orge, disque organique à l'écriture variée et maîtrisée, Slave Ambient est une petite réussite qu'il convient de saluer tel qu'il est : un disque ambitieux et frais.
A écouter : Avec des santiags et une voix nasillarde