La partition en flammes, la rage à la marge, le désespoir dans l’interstice. Comme un Van Gogh dévoré par le feu.
You Will Not Survive.
Ceci n’est pas un avertissement, ceci est une épitaphe.
Les surréalistes s’étaient proclamés en insurrection contre l’Histoire. The Saddest Landscape emboite le pas et déclare la guerre à la nostalgie. Au cœur de la lutte, la question de la survie de l’Homme, de celui qui ne veut pas mourir rongé par la souffrance ; de celui qui tout en se sachant condamné livre l’ultime bataille. De tout cela, il est question dans You Will Not Survive ; de tout cela, il en ressort une manière de jouer sans pareille, qui jette littéralement toutes ses forces dans l’échauffourée. Car il existe des groupes techniques qui atteignent des sommets d’intensité dans l’emoviolence ou la powerviolence ; mais c'est le plus souvent grâce et par les instruments. The Saddest Landscape est le propre mât de son pavillon. C’est avec les corps qu’il rame, c’est avec les corps qu’il exhume toutes les frustrations, les peurs et les douleurs. Et ceci est la spécificité du groupe de l’est-coast. Il ne joue pas. Il est.
Alors tonne le canon. Défilent les déflagrations. Furieuses et incontrôlables, dans un tourbillon de riffs fiévreux qui collent des clocs aux murs et obstruent les conduits d’aération. The Saddest Landscape étouffe l’espace, se torture les membres, s’use la gorge à force de hurlements déchirés ("So Lighty Thrown"), d’explosions fast-punk-hardcore ("The Shadows I Call Home") et de coups de sang(le) épiques ("Torn, Broken, Beautiful"). Tout ce qu’on trouvait dans la discographie du groupe et qui le plaçait tout en haut du panthéon screamoïque refait surface. Cette manière de se pousser li-tté-rale-ment à bout ; (Le stupéfiant "and I ask you, who stole our hearts and who left us so hollow" délivré dans la conclusion de "Eternity Is Lost On Dying"), de donner l’impression de monter sans cesse en crescendo dans l’intensité, d’aller toujours un peu plus haut et un peu plus fort à chaque reprise de séquences quitte à finir exténué, sans souffle, à moitié mort, les mâchoires serrées ("So Lighty Thrown"), le phrasé hoquetant, la parole blême.
A bride abattue, animé par ce mélange si puissant de mélancolie et de colère, capable de finir son opus par un véritable hymne ("From All Of Those"), You Will Not Survive est une combustion totale. Alors qu’on le dise haut et fort : ceux qui voulaient être enterrés avec les vinyles de Saetia, Pg 99, Portrait, The Spirit Of Versailles et City Of Caterpillar vont devoir se faire une place pour la discography de The Saddest Landscape, car l’enfer ou le paradis ne se gagneront pas sans eux.
A écouter : car il n'y a pas deux groupes comme eux