Le monde de l'extrême se porte bien. Ces derniers temps, chaque année voit sortir son lot de prétendants au panthéon des musiques sombres et 2009 n'y aura pas échappé. Ulcerate s'est révélé, Cobalt a enfin explosé, Blut Aus Nord s'est scindé en deux et retrouvé. Cependant s'il ne fallait en retenir qu'un c'est The Ruins of Beverast qui s'imposera. Haut la main.
Le one-man band teuton sévit déjà depuis six ans lorsque Foulest Semen of a Sheltered Elite et son superbe artwork atterrit dans le paysage metallique de l'an de disgrace 2009. Attendu par les initiés, il surprend en revanche les non convertis, moi le premier. Dès les premières écoutes le seul constat est simple au possible: Comment est-il possible d'avoir pu passer aussi longtemps à coté d'un truc pareil? Rendre au Black Metal ce qu'il a perdu de sombre, dérangeant, mystérieux et incantatoire en passant par le terrain détourné d'un style étranger tient de l'audace (et du bon sens, avouons le). Le faire sans se planter comme une grosse buse tient du génie, n'en déplaise à Pyramids.
Un grand coup de talon à travers le plancher usé, donwtuned et criard de la vieille fourgonnette black qui laisse une tranchée de cinquante mètres de long: The Ruins of Beverast freine sans assistance, réduit drastiquement la cadence de son plein gré, sans crier gare. Et étoffe le propos. Foulest Semen of a Sheltered Elite c'est du Black à moteur diesel. Gourmand en oxygène, qui met le temps à chauffer, ronronne, capable de démarrer en troisième si on le pousse un peu, qui consomme moins que ses concurents pour des performances équivalentes voire supérieures. La pollution? Peut importe, on cause Black Metal, pas Post Rock. Faut bien que ça soit un minimum néfaste sinon on n'y est plus.
La botte secrète d'Alexander von Meilenwald pour parvenir ici à ce résultat improbable: le Doom, le vrai, pas un truc vaguement lent et triste. L'enfant bâtard du mighty Sabbath, vénéré depuis des générations, repris et massacré mille fois autant qu'élevé à des niveaux d'excellence insoupçonnés par une poignée de formations. Parmis celles-ci: Sleep, maitres parmis les grands, aujourd'hui affairés à une reformation blasphématoire sans Hiakus. Aussi invraisemblable que cela puisse paraitre, ce disque transpire de doom Sleep-ien, de riffs mystiques et lancinants au possible, de rythmiques jouées en apesanteur, lentes et lourdes, faussement languissantes, couplées à une grandiloquence gothique incantatoire de type O negatif (chants clairs caverneux, claviers) dans un univers Black jusqu'à l'os fait de thématiques lugubres, de guerre, et de mort. Car il est bien là l'art noir, surplombant l'ensemble de cette œuvre, étendant son ombre vorace jusqu'aux confins des 79 minutes de cet imposant édifice musical, se rappelant à nous au gré de quelques fulgurances explicites. Les influences dans le genre? On ne lesprésente plus car TRoB les a dépassées. Vous refusez de le croire? Ecoutez ne serait-ce que l'enchainement menant de Mount sinai moloch à Kain's countenance fell et on en reparlera ensuite.
Une production mi-claire mi-brute et ces influences extérieures font de Foulest Semen of a Sheltered Elite un disque de Black charnu, fluide, à la progression lente mais headbangant as hell et surtout profondément inquiétant, autre, pétri d'ambiances occultes résultant d'un travail sur les textures sonores et les structures des morceaux extrêmement poussé. Le chant, toujours, élément trop souvent sous-exploité, façonne ici à volonté des tableaux solennels et intrigants que se chargent de parachever guitares opressantes et soli dérangeants au possible. Ce disque ne s'aère jamais vraiment, même sur ses accélérations, se traine comme un damné, écrasé sous son fardeau, charriant son mal-être sur des titres interminables, entretenant ses ambiances sur des interludes Ambient tout aussi peu recommandables. Un album coincé au ras du sol qui mange la poussière plus d'une heure durant et ne laisse entrevoir un peu de lumière que sur les dernières minutes de sa conclusion lancées par un râle Fischer-ien. Inutile de dire que le travail derrière ce numéro d'équilibriste est monumental, surtout réalisé en solo. Si vous remettez la scène on est ici loin, très loin, du solo sur la colline d'Immortal ou, plus généralement du cliché des pandas qui s'entretuent et jouent les cuissardes plantées dans la neige en faisant la grimace.
TRoB parvient, par une pirouette stylistico-temporelle alambiquée, à redonner son essence à un genre fatigué que l'on pensait un peu condamné à s'enfuir vers de nouvelles contrés et à laisser ce qui a fait sa renommée derrière lui sous peine d'être rattrapé par l'ennui. A l'image d'Esoteric qui avait renvoyé la concurrence au rang de simples figurants sur la scène Funeral l'année précédente avec un The Maniacal Vale novateur et jusqu'au-boutiste, Foulest Semen of a Sheltered Elite s'impose comme une des références d'un genre pour lequel le nouveau frisson n'est visiblement plus à chercher depuis longtemps en terres norvégiennes . Masterpiece? Oui, sans aucun doute.
Que ça fait plaisir de voir que le black (quoique cette simple appellation reste réductrice pour cet album) nous réserve des pépites comme celle-ci!
Bien que difficile d'accès si on n'est pas habitué au genre, cette oeuvre mérite que l'on s'y attarde.
Un album indispensable.