The Odious
Death metal technique et progressif

Vesica Piscis
01. Scape
02. Repugnant
03. Arbiter Of Taste
04. Glowjaw
05. Hastor the Shepard Gaunt
06. Vesica Piscis
07. Heavy Rhetoric
08. 物の哀れ
09. Misuse And Malignment
10. Fix
Chronique
Vesica Piscis est l'apogée. Le grand finale d'une trilogie qui débute en 2011. The Odious, formé par quatre amis originaires de Portland, sortait alors That Night a Forest Grew. Avec ce premier épisode, le quatuor pose les bases de son univers en dehors des sentiers battus mélangeant death metal technique progressif, teinté de jazz et de funk. L'année suivante, le groupe sort son premier 'full-length' intitulé Joint Ventures. Avec ce second opus le groupe continue l'exploration du thème de la vie, cette expérience commune à nous tous, humains qui tentons d'en comprendre le sens.
Sept ans plus tard, c'est avec Vesica Piscis que The Odious clôture sa trilogie. Sept années de maturation, d'assimilations, d'influences diverses et variées utilisées dans un seul et unique but : l'expression des contradictions et des dissonances de nos existences.
Pour exprimer son propos, le groupe n'hésite pas à user et abuser d'une quantité infinie de nuances. Ce qui frappe dès les premiers morceaux, c'est cette alternance, présente tout au long de l'album, entre des passages lourds et énervés (Repugnant) et des parties beaucoup plus mélodiques et harmonieuses (Arbiter of Taste, Glowjaw). The Odious prends le temps de poser des ambiances sur chacun des titres pour mieux exploser à l'oreille de l'auditeur quand c'est nécessaire. Le niveau des musiciens force le respect et les inspirations jazzy sont disséminées avec brio grâce aux nombreuses nuances dans le jeu de chaque instrument (typique du jazz). Le titre Misuse And Malignment illustre parfaitement cela en s'amusant à une parenthèse jazzy entre deux riffs au groove difficilement contestable. The Odious étonne par sa capacité à transporter l'audience dans des élans progressifs n'ayant rien à envier à Animals As Leaders (Mono No Aware, Repugnant). Et ce n'est pas tout, car le quatuor s'aventure également dans la déstructuration complète des morceaux tel Between The Buried And Me à l'époque de Colors (Hastor the Shepard Graunt). The Odious a la faculté d'utiliser ses inspirations pour enrichir sa musique de toutes les émotions, souvent contradictoires, qu'ils souhaitent transmettre (dualité parfaitement incarnée par le titre Glowjaw), le tout sans tomber dans l'exercice de style plat et sans saveur. Le quatuor nous balance des riffs à la complexité dissimulée sous un voile de mélodie et de passages au groove mémorable, qu'on se surprend à chantonner dès les premières écoutes.
L'expression des dissonances est également appuyée par l'excellent duo vocal, incarné d'un côté par Patrick Jobe et ses growls profonds et puissants, et de l'autre Spencer Linn (qui officie également à la guitare), sur les parties de chant clair. Pour un groupe clairement orienté death technique, la présence, dans une telle proportion, de chant clair peut paraître singulière voir hors-sujet, mais c'est une composante majeure de la signature harmonique du groupe. La présence de chant clair permet au groupe d'accéder à une toute autre palette de sonorités et d'émotions s'intégrant parfaitement au voyage et à l'expérience auditive proposés. La majorité de ces passages est harmonisée à deux voix ou plus (parfois trois, voire même quatre), à quelques rares occasions, la voix criée s'ajoute discrètement aux voix claires pour sublimer l'ensemble (Fix).
À l'image de la sincérité des propos et des idées exprimées par le disque, le groupe a choisi l'autoproduction. Elle sert ici parfaitement les propos du quatuor par sa clarté, ses balances impeccables et une compression hors norme désormais légion parmi les groupes les plus djenty de la scène progressive (Repugnant). Dans le cas de The Odious, ces éléments rajoutent une lourdeur (parfois proche d'un Car Bomb avec des passages palm-mute à faire tomber des murs), à des passages clés du disque (Arbiter of Taste, Vesica Piscis). Quand c'est nécessaire, le groupe sait choisir les sonorités douces et envoûtantes (Glowjaw) pour captiver l'auditeur.
Cependant, après plusieurs écoutes, il reste des passages ou l'auditeur peine à comprendre où le groupe veut en venir. La seconde partie du morceau d'introduction de l'album n'apporte pas grand chose. Le va et vient et le fourmillement d'influences peut fatiguer ou lasser. À cela s'ajoute la clôture du morceau final, Fix, qui peut laisser perplexe par son aspect incongru et sa fin originale. Pour éviter la surcharge, The Odious a judicieusement placé des morceaux plus accessibles à des moments clés de l'album (Mono No Aware, Glowjaw). Il est évident que le disque ne résonnera pas de la même façon dans toutes les oreilles. Pour certains et certaines, le trop plein d'idées, les constructions tarabiscotées, les signatures rythmiques farfelues seront des défauts qui s'empilent les uns sur les autres, créant un montagne impossible à franchir. Pour d'autres, ces éléments seront des qualités, une mine d'or à explorer au fil des écoutes (l'incroyable titre final, Fix).
Une mine d'or, oui, car s'il y a bien un mot qui peut définir la musique de The Odious c'est celui-ci : riche. Les 50 minutes de Vesica Piscis, c'est une somme de détails dans absolument tous les coins et recoins de chaque titre. Entre les nuances de jeu, les effets vocaux (sur le titre Repugnant qui rappellent les expérimentations de Cynic sur Focus), les nappes harmoniques et claviers (Fix), chaque écoute révèle son lot de nouveautés et de subtilités. Vescisa Piscis s'écoute et se réécoute. Certes, il n'est pas à mettre entre toutes les mains mais une chose est sûre, sa personnalité profonde et unique ne laissera personne dans l'indifférence.
Dans le paysage du death actuel, au milieu des productions lorgnant sur un revival des sonorités old school (Tomb Mold, Odious Mortem) et des groupes de death technique moderne (Archspire et consort) The Odious apparaît comme l'ovni, celui qui persiste et signe en assumant ses choix, expérimentaux c'est certain, mais surtout profondément personnels.
Malgré quelques éléments discutables, la complexité du disque s'explique par les questionnements traités par le groupe au sein de cette trilogie, clôturée par ce Vesica Piscis. The Odious a réussi, et c'est plus que remarquable, à créer un album d'une cohérence toute particulière dans la sphère musicale progressive. Le disque dans son intégralité impose un thème, une ligne directrice claire et maîtrisée à l'intérieur de laquelle chaque morceau peut s'épanouir, permettant ainsi au quatuor des expérimentations et des combinaisons d'ambiances et d'harmonies que peu d'autres formations peuvent se vanter de maîtriser.
Le vesica piscis (vessie de poisson, pour la traduction littérale) c'est, par définition, l'intersection de deux cercles de même diamètre. Il n'y a pas meilleure image pour illustrer la musique du groupe. À gauche, vous prenez le cercle death technique, à droite, le cercle metal progressif moderne, à l'intersection, vous avez The Odious.
Tombé dessus au hasard de mes explorations sonore. Mélange à la nourriture riche de styles et de techniques. Un disque bipolaire