Au moment où Chris Cornell sort un album pop rock sans grand relief, Tom Morello lui dame le pion avec son propre album solo. Concrétisant enfin sur disque son projet The Nightwatchman, il déboule avec One Man Revolution, un opus folk frais et plein d'émotions.
Back in the 60's, la gratte sèche en bandoulière, le poing en l'air et le coeur serré d'une juste colère, ainsi nous arrive le soliste de Rage Against The Machine. Armé de compositions dépouillées, d'un chant profond et plein d'âme et de textes évocateurs, Morello propose un voyage en arrière, au temps où un homme pouvait encore rêver de faire la différence. Ce disque si simple et sans prétentions pourrait servir de bande originale aux militaires américains et aux civils en plein bourbier Irakien (No One Left), aux immigrés manifestants dans les rues des Etats-Unis, aux travailleurs fatigués de LA au Guatemala, à tous ceux qui de par le monde se sentent usés, abimés et pourtant avides de vie et de rébellion. C'est un album plein de coeur, rempli de notes d'harmonica et de piano, de refrains vieillis, d'accords blues et de vague à l'âme, dans la révolte joyeuse (The Road I Must Travel, sympathique ballade irlandaise) comme dans la complainte amère (superbe Until The End). Les visions de l'envers de l'Amérique se succèdent, et en fermant les yeux, on traverse les décennies d'histoire, aux côtés des indiens et des esclaves noirs, des militants des droits civiques et de Malcolm X, des prisonniers politiques Leonard Peltier et Mumia Abu-Jamal, des pauvres et des opprimés aux yeux baissés, des travailleurs des maquiladoras, des wet backs du Rio Grande et des révolutionnaires sud-américains.
Avec sa musique sèche et organique et son chant chaleureux et rauque, Morello délivre des perles folk où se croisent les fantômes du passés et les ombres du présent évangéliste et oppresseur. On trouve ainsi sur ce disque de véritables hymnes comme ce vibrant One Man Revolution dont on se surprend vite à fredonner le refrain, ou bien encore Let Freedom Ring dont les images rappellent immanquablement les mots simples du pasteur Martin Luther King. Un joli morceau avec des arrangements subtils, refrain doublé, piano délicat et mélodie légère. Qui aurait pensé retrouver Tom Morello dans un tel registre? Se privant de tout bidouillage, le voilà qui touche avec infiniment de sensibilité (The Garden Of Gethsemane, toute en douceurs acoustiques et réverb' discrète), avant de s'égosiller sur sa guitare (House Gone Up In Flames ou la maison US brûle). Il évoque tant l'héritage des vieux bluesmen noirs que des protest singers des 60's et même de figures telles que Johnny Cash voire Bruce Springsteen. Ce disque profondément américain renferme l'âme d'un homme capable d'aboyer contre le racisme comme un chien un peu fou (Flesh Shapes The Day) comme de livrer des paroles de guerrier humaniste (Battle Hymns pour les morts en Irak) et de chanter l'union des sans grades (Union Song). Et toujours le souffle de la sincérité nous rappelle quel activiste il est, alors qu'on découvre un peu mieux le formidable artiste qu'il est aussi.
Avec One Man Revolution, Tom Morello signe un premier album touchant dont le dénuement et la simplicité sont des qualités magiques. Le guitariste et désormais chanteur emporte le morceau avec tout son coeur et un bel esprit et nous offre ainsi un album authentique, pont entre les époques et les communautés.
A écouter : One Man Revolution, Let Freedom Ring, The Garden Of Gethsemane, The Road I Must Travel, Battle Hymns, Until The End