Ils étaient les futurs gloires anglaises mediatico-proclamées, un boys band façon rock garage baignant dans la soupe revival, so british, so marketing, authentiques comme des kids campagnards pris en charge par la machine artistique indie londonienne, comme tant d’autres, et même plus ennuyants. Les voilà avec un nouveau disque, Primary Colours, qui met tout le monde d’accord, et remet en question la très galvaudée définition de « future gloire » qui voulait légitimer l’arrivage annuel par charrettes de formations de rock’n’roll anglais. Les types de The Horrors sont de retour, relookés jusqu’aux influences, pas moins prédestinés à vendre, mais avec un album qui, par un facétieux mélange, toujours revival mais bien senti cette fois, est l’une des surprises de 2009.
Primary Colours est une envoutante spirale caverneuse et désabusée. Désabusée au sens de cette sensation qu’ont laissé les formations post-punk, la rythmique hypnotique, les yeux hagards, la mélodie grinçante et poussive, gothique à souhaits. La référence n’est pas cachée loin de là, la musique de The Horrors version 2 est imbibée de Joy Division, des Cure (l’artwork fait indéniablement penser à celui de Pornography) et de leurs enfants. Le post-punk est ici un spectre très présent, un fantôme puissant et rythmé. La basse est son guide, simple et ronde, servant une musique froide et abrasive, jusqu’à la production, le chant est désemparé, possédé, monotone et triste, avec son accent anglais populaire (Ian Curtis, es-tu là ?), et se fait sa place puissante et dépressive au sein de titres qui revêtent clairement une dimension psychédélique. Chaque mélodie vit étrangement, chaque avancée tonale vit d’elle-même et de ses résonances, et pour cause, The Horrors a savamment intégré à sa musique des distortions shoegaze, type Loveless (My Bloody Valentine), qui ondulent les sonorités dans le temps et l’espace, donnant un côté aérien aux transfuges rock’n’roll que sont les titres de Primary Colours. En résulte un album puissant et noir, résonnant d’énergie négative, et qui, malgré les influences clairement affichées, laisse éclater une personnalité particulière et finalement assez inédite. Les 10 titres du disque, épurés, entêtants, floutés par les sonorités distordues et puissantes et le synthé cold-wave sont tous des pépites qui nous ramènent aux plaisirs simples du passé, en étant tournés vers l’avenir.
The Horrors, toujours so british, toujours une bande d’imposteurs, accouche d’un deuxième disque remarquable, un manifeste de musique post-consumériste (pour consommateurs fauchés), peut être un écho à cette nouvelle crise, comme l’avait été le post-punk, et peut-être bien le shoegaze, deux familles désemparées, désabusées et profondément noires. Primary Colours n’a pas de famille, au mieux plusieurs, par procuration, même plus celle des groupes lofi en « The », et signe pourtant l’un des disques les plus remarqués de cette année 2009.
A écouter : Sea Within a Sea