Al Azif est le genre de disque très ambitieux de par son propos et son contenu. C'est d'autant plus casse gueule dans son rendu qu'on on sort souvent déçu. Néanmoins, le pari est réussi pour les bordelais. Dans un style proche de Wolves In The Throne Room ou de Deafheaven, l'écoute se révèle passionnante, les ambiances très prenantes. De toute manière, tout sent le boulot de pro : la puissance des guitares, le travail des compositions, l'artwork etc. Après Pensées Nocturnes, Les Acteurs De L'Ombre ont le nez pour dénicher de petites perles noires.
The Great Old Ones
Post-Black-Metal

Al Azif
1) Al Azif
2) Visions of R'lyeh
3) Jonas
4) Rue d'auseil
5) The Truth
6) My Love for the Stars (Cthulhu fhtagn)
Chronique
Lovecraft et le metal, c’est une longue histoire d’amour. Le plus vieux titre s’inspirant de l’univers de l’auteur culte que je connaisse est la superbe "Call of Ktulu" de Metallica, parue sur Ride the Lightning. D’ailleurs si vous en connaissez des encore plus vieilles, mettez des liens dans les commentaires !
Qu’est-ce qui attire donc les metalleux chez Lovecraft ? Je veux dire, au-delà du fait que Chthulhu, le mauvais dieu le plus adoré du monde, ait la super classe ? Probablement car les metalleux se retrouvent dans ce personnage à part, mystérieux et empreint d’un mal-être qui se retrouve dans ses écrits. D’autre part, le metal, je ne vous apprends rien, est également le domaine de l’imaginaire par excellence. Entre les univers d’heroic fantasy ou de SF portés notamment par le power et le symphonic metal, les artworks gorissimes du death, les ambiances glauques et macabres du black metal, en passant par les concepts totalement tordus de certains groupes expérimentaux, le spectre des thèmes du metal n’a pour limite que l’imagination de ses acteurs. Pas étonnant que la mythologie de Lovecraft en fascine autant tant elle est fouillée, exacte, détaillée, crédible. Crédible car la moindre nouvelle écrite par le misanthrope phare des années 1920 s’ancre dans un contexte à priori totalement normal et que petit à petit le protagoniste va tomber sur LE détail, l’OBJET singulier aux contours ou à la couleur indéfinissables, LA demeure qui le fera revenir sur les fondamentaux de son existence et de celle de l’Humanité entière. Sans compter les multiples créatures répugnantes et les divinités vindicatives qui sont aux portes du royaume du réel que décrit l’auteur et qui rendent son univers oppressant, inquiétant, comme si on était constamment observés par des puissances que l’Homme ne peut même appréhender.
Ça vous la coupe hein ?
The Great Old Ones (TGOO) fait partie de ces inconscients qui ont cherché à percer les plus innommables des secrets du Necronomicon. Le black metal brumeux des bordelais sied à merveille au thème abordé. Cette impression de nappe éthérée et menaçante, on la doit aux trois guitaristes qui délivrent leurs riffs ambiant sur lesquels ne cracherait pas un certain Wolves In The Throne Room (WITTR). On retrouve d’ailleurs cette même volonté de peindre dans l’esprit de l’auditeur une fresque poignante, épique, démesurée. Mais quand WITTR veut perdre son auditoire dans la forêt profonde, The Great Old Ones préfère le faire embarquer sur une barque de fortune ballottée par une mer en pleine tempête. Le travail remarquable sur ces trois couches de guitare qui s’entremêlent et qui foisonnent de détails rend la musique de TGOO envoûtante, voire obsessionnelle sur les breaks les plus épiques (celui de "The Truth" est à pleurer).
L’une des autres forces de l’album est son équilibre. Les titres ont beau s’étirer entre 7 et 10 minutes (52 minutes d’écoute en tout), l’ennui n’a jamais le temps de s’installer tant les plans que sort le groupe saisissent instantanément nos sens. Comme chez WITTR, les blast beat sont de rigueur sur la plupart des pistes, aérés par des descentes de tom toujours judicieusement amenées. Mais il serait injuste de ne pas noter les efforts qu’a fait TGOO pour proposer des plans plus surprenants, à l’instar du pont mélodique flirtant avec le jazz de "Rue d’Auseil" pendant lequel la basse s’affirme par-dessus les guitares, les premiers riffs totalement apocalyptiques de "Visions of R’lyeh", ou encore l’accalmie de "Chtulhu Fhtagn (My love for the stars)" qui fait monter la tension jusqu’à un final des plus épiques.
Le format des titres donne également à Al Azif un air de recueil de nouvelles. Comme dans l’œuvre de Lovecraft, les paroles dépeignent des hommes qui se retrouvent seuls et changés à jamais après avoir eu des visions de créatures ou de paysages venus d’ailleurs ("Visions of R’lyeh", "The Truth"), l’écriture du Necronomicon ("Al Azif")... D’ailleurs, prenez le temps de lire les paroles des titres. Bien qu’écrites en anglais, elles restent passionnantes et vous aideront à vous immerger comme il se doit dans Al Azif. Mention spéciale aux paroles et à l’ambiance de "Rue d’Auseil". Le chant hurlé évoque la folie, le désespoir des hommes devant ces phénomènes impossibles.
Même si les histoires citées plus haut n’ont à priori rien à voir entre elles, elles sont toutes liées au même univers, représenté par le son qu’a su obtenir TGOO avec l’aide de Cyrille Gachet, connu notamment pour son travail avec Year Of No Light. Ce son dense et profond qui vous happe inexorablement vers de mystérieuses profondeurs… Ce son respire le travail acharné et est la preuve vivace que les Bordelais, bien que débutant leur carrière, ont d’ores et déjà la carrure de grands et leur personnalité propre.
Que ce soit l’artwork très évocateur, les paroles, la production irréprochable ou la musique hypnotisante gorgée d’émotion, The Great Old Ones a frappé fort pour son premier album. On a déjà hâte d’entendre ce qu’a à nous proposer le groupe pour la suite. Dans la série des petites choses que j’aimerais personnellement voir apparaître (quel chieur), c’est l’exercice des paroles en français. Je suis sûr que le groupe s’en sortirait une fois de plus avec les honneurs. Je le verrais également bien s’essayer à développer des pistes plus longues, de l’ordre de la vingtaine de minutes, voire plus. Cela leur permettrait d’instaurer et de vraiment développer des ambiances fortes et qui achèveront de soustraire l’auditeur à la réalité durant l’écoute d’un album.
Enfin bon, je ne suis pas encore dans le groupe alors je ne vais pas trop en rajouter !
A écouter : 1
Les critiques des lecteurs
Al Azif est le genre de disque très ambitieux de par son propos et son contenu. C'est d'autant plus casse gueule dans son rendu qu'on on sort souvent déçu. Néanmoins, le pari est réussi pour les bordelais. Dans un style proche de Wolves In The Throne Room ou de Deafheaven, l'écoute se révèle passionnante, les ambiances très prenantes. De toute manière, tout sent le boulot de pro : la puissance des guitares, le travail des compositions, l'artwork etc. Après Pensées Nocturnes, Les Acteurs De L'Ombre ont le nez pour dénicher de petites perles noires.
Un album de facture somme toute assez classique mais irréprochable dans son exécution et d'une constance remarquable. Les ambiances sont solides, omniprésentes sans être envahissantes ni même forcées. Un joli premier coup et, à coup sur, un grower en puissance alors même que ce genre de disque, à la base ne m'attire plus vraiment. Bien joué.
Black-métal tout à fait rafraichissant dans sa dimension épique fantastique, plutôt que occulte, torturé ou trve.