Avec son exceptionnel premier opus Sink or Swin, The Gaslight Anthem avait fait s’asseoir à sa table une bonne partie des amateurs de punk rock crépitant. Bon hôte, le groupe du New-jersey remet donc le couvert un an plus tard avec The '59 sound.
The Gaslight Anthem, c’est du punk rock de taverne, du son venu des docks, composé sous scotch et tabac à chiquer. Un peu déviant, un peu mélo, avec juste ce qu’il faut de rage et de sentiments pour faire avancer le rafiot. "The night is our own" dit l’étendard. Sur le rivage en amont, on reconnait rapidement ceux qui ont poussé les américains à se lancer dans l’aventure; les guides, les influences, les repaires : Against Me! bien sûr, The Lawrence Arms, 500 Miles To Memphis également ; The Loved Ones aussi, autrement dit tous ceux qui appréhendent le punk rock comme une histoire à (ra)conter et qui veulent le partager au milieu des salles marbrées par les volutes de fumée.
Car c’est bien connu, la tabagie laisse des traces. Brian Fallon chante donc avec ce timbre éraillé et légèrement rocailleux si cher aux illustres références que sont Tom Gabel ou Chuck Ragan. Le béret bien vissé sur la tête, le frontman reprend ainsi l’héritage des vieux trappeurs qui savaient faire de la musique rien qu’avec le dos des cuillères, ce grâce à un sens extraordinaire du rythme ("Casanova, Baby !"), une modulation vocale de toute beauté ("Great Expectations", "Old White Lincoln") et un swing ravageur ("The 59’s sound"). Et c’est pile poile cette pointe de nostalgie et de moments folk old school qui animent tout l’opus, que ce soit donc dans l’esprit ("Even Cowgirls Get the Blues"), le son (crépitement typé vinyle, effets-échos sur la voix) ou les compositions, ce qui conduira peut-être les fans de la première heure à une forme de circonspection vis à vis des ballades que constituent "Film noir", "Here’s Looking at You, Kid" ou du tempo global de l'effort.
Bien plus smooth et mélodieux en effet que son prédécesseur, The '59 Sound joue ici la carte du vintage et nous concocte une ambiance retro-bluesy tout droit sorti d’un jukebox poussiéreux. Peut-être moins immédiat et efficace que Sink or Swin donc, il confirme néanmoins la nécessité qu’il y a pour tout un chacun de se pencher sur le groupe. The Gaslight Anthem, c’est des punks qui aiment Bruce Springteen et Neil Young, que voulez-vous que je vous dise.
A écouter : "Great Expectations", "The'59 Sound", "Meet Me by The River�s Edge"