Schyzophrène et caractériel, le grindcore lunatique de The Fantastikol Hole avait, à défaut d'avoir convaincu tout le monde, posé les bases d'une marque de fabrique originale à la croisée de nombreuses influences assumées. ESB semble emprunter les mêmes travers versatiles et imprévisibles, ce qui fait de ce split album de pas loin de 30 morceaux, un pur concentré de haine nourrie d'une énergie primitive et immédiate mais également marqué par des digressions surprenantes mais bienvenues.
Les premières salves d'ESB sont sans détour, viriles et brutales ; retournement de cervicales assuré. Riffs heavy à la Pig Destroyer, batteur surhumain (celui de Elysium) jouxtant la boite à rythme insatiable d'Agoraphobic Nosebleed, ESB serre la gorge à deux mains et vomi son acide par grandes gerbes de hurlements gutturaux pas humain pour un sou et d'attaques vocales plus insidieuses, aboyées et virulentes. Un tact certain pour en mettre plein la vue donc, mais également pour prendre à revers via des breaks complètement incongrus jouant sur les silences et des mesures rock dégraissées jusqu'a l'os qui semblent "donner le La" aux déferlantes qui font bien souvent suite. ESB utilise les contre temps à la perfection tout en maitrisant rigoureusement l'alternance des mélodies sombres et prenantes au tempo ralenti avec les catapultages de parpaings en pleine face ("Carne"). Le combo se permet même d'engager un morceau épique ("Target"), à placer pas bien loin des ténors de la scène crust galicienne (Ekkaia, Blünt, Madame Germen), avec un certain succès. Sans jamais s'essouffler, en suscitant la curiosité en chaque instant et en maintenant une certaine spontanéité, ESB marque le coup et les esprits.
The Fantastikol Hole, dont la progression est discernable dès les premiers morceaux, régurgite une musique davantage typée "metal", fortement marquée par la virulence héritée de Pig Destroyer et la rétention haineuse d'un Today is The Day. Le trio semble avoir trouvé sa place en se débarrassant de la plupart de ses influences grossières tout en conservant sa nature versatile. Bien plus cohérents, les morceaux prennent cette fois ci le temps de peindre une véritable atmosphère. A l'image des précédents assauts d'ESB, Fantastikol Hole, s'appuie largement sur les breaks répétés tissant une toile entre les pilonnages et les ambiances ténébreuses joliment servies par l'effort de sampling. En restant créatif et imprévisible, The Fantastikol Hole évite le piège de la violence gratuite et facile. Ce n'est pas chose donnée à tout le monde dans le genre.
De part sa radicalité certaine, ESB / Fantastikol Hole contentera sans mal les vieux briscards sifflotant Nasum sous la douche comme les amateurs de choses davantage nuancées, pensez Genghis Tron, pensez Trencher.
A écouter : Les 2 groupes