Tendre l’oreille et sourire ; s’imprégner de cette voix familière qui ravive de si bons souvenirs. The Draft, comme un flacon de parfum qu’on ouvre à nouveau et qui enivre comme autrefois. Le nom a changé mais les senteurs demeurent.
Après 12 ans au sein de Hot Water Music, Chris, Jason et George ont voulu changer d’air, faire peau neuve, trouver le second souffle pour créer à nouveau, comme aux toutes premières heures. Nouvelle épiderme donc, mais cœur identique. Bilan de l’électrocardiogramme: des pulsations rock à revendre et une envie retrouvée, palpable dès l’entame avec un « New Eyes Open » de haute facture (« That’s what I like about it, It’s not so complicated… »). Le plaisir leur va si bien. Guitares qui grimpent et descendent, baguettes bien impliquées, refrain perlé, The Draft séduit, très rapidement, notamment par cette capacité à ne pas forcer, à jouer juste, sans surenchère, en « laissant venir ». Apport du collectif au chant pour « Lo Zee Ros », pédale douce introductive pour « Let it Go », cordes taillées façon « Nothing’s Wrong » de Frenzal Rhomb pour « Alive or Dead », le puzzle comporte bel et bien des milliers de pièces.
Alors qu’on se le dise sans détour, The Draft n’a de novice que l’appellation. Ses années d’expérience reluisent : production de qualité, savoir-faire mélodique, variations des genres. Une nouvelle fois, Chris survole les débats au micro, avec une telle maîtrise qu’on a parfois l’impression que les instruments s’écartent littéralement pour laisser libre cours au maestro (« Not What I wanna Do »). Capable d’attacher le morceau au bout de ses cordes vocales et de le tirer à lui tout seul des rivages du hardcore jusqu’à ceux du punk mélodique, le frontman régale l’auditoire. Le combo n’est pas en reste pour autant, en apportant quelques sonorités « osées » comme cette trompette (« Wired ») ou ces chœurs efféminés (« Alive or Dead »).
Plutôt nouveau chapitre que véritable nouveau livre (sans pour autant ressembler à un plagiat de sa propre œuvre), The Draft s’ouvre avec ce premier opus un horizon déjà crépitant, fondé sur une indéniable sensation d’envie, auréolée d’énergie. Sorte de version assagie de Caution (retrouvera t on jamais une telle exécution musicale?), dans la veine de The New What Next, mais avec plus d’allant, A Million Pieces démontre que Chris and Co sont toujours en haut de l’échelle. Alors, Hot Water Music ? The Draft ? Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse.
A écouter : « New Eyes Open », « Alive or Dead », « Wired ».