« Tiens un colis ! Sûrement mes commandes de OM et
Electric Wizard,…Ah bah non, qu’est-ce que c’est que ça ? Jamais entendu
parler de ce groupe, The Dear Hunter. Avec un nom pareil et vue la pochette, ça
sent le Folk Metal à plein nez : les arbres, les esprits de la forêt qui
jouent de la flûte, tout ça…pas trop mon truc. Et avec ça même pas un
mot ? Ah si, un sticker qui compare le groupe à Muse et Panic At The Disco, chouette. C’est pas avec les
récents skeuds des British et ce que je connais de la discographie des autres
que ça va me faire rêver. »
Faux. Faux sur toute la ligne, de A Ã Z. Cet opus des
Américains de The Dear Hunter aura eu raison de votre serviteur et de ses
jugements hâtifs, et c’est tant mieux comme ça.
Act II : The Meaning Of&All Things Regarding Ms.Leading (ouf !)
c’est avant tout la suite logique de son prédécesseur, second volet d’une
histoire étalée sur trois albums, où l’auditeur suit un enfant de ses premiers
pas à l’âge adulte, de sa naissance à sa mort. Fils d’une prostituée, le jeune
garçon (« the boy ») a connu
ses premiers printemps dans un monde en vase clos, « The lake and the
river », qu’il quitte lors des premières tracks pour un périple vers la
ville où il jettera son dévolu sur Ms. Leading, également fille de mœurs légères,
qui comme son nom l’indique, va jeter le trouble dans le cœur de notre héros.
De sa voix claire, et presque juvénile (de circonstance),
Casey Crescenzo nous narre donc les déboires de ce personnage et de ses
émotions vives et changeantes, dues à son jeune âge : à grands coups de
refrains plaintifs mais hyper-prenants (« The Lake And The River »,
« Dear Ms.Leading ») soutenus par des chœurs accroissant encore
davantage l’émotion, la première écoute suffit pour que l’on veuille appuyer Ã
nouveau sur « Play » une fois les 77 minutes écoulées. Musicalement,
on ne voit que très peu d’ombre au tableau, tant l’habituel triplé gagnant
guitares/basse/batterie est brisé et s’ouvre à de nombreuses incursions de
notes de piano (« The Bitter Suite 3 »), et même de violoncelle ou de
trompette (« Blood On The Rose »). S’affranchissant de tout respect
d’un quelconque carcan stylistique, The Dear Hunter n’hésite pas alors à aller
fouiller du côté du Rock n’ Roll ou du Gospel sur « The Oracles Of The
Delphi Express » tandis que « Smiling Swine » surfe sur une
énergie très Pop lorsque le refrain ne demande qu’à être chanté à tue-tête. Pas
de règle, pas d’interdit, et l’éclectisme pour seul credo, voilà un projet que
l’on peut saluer pour son audace qui se révèle très payante.
Car avec comme source d’inspiration une histoire si
théâtrale, il se fallait dépeindre de nombreux masques sonores, revêtus un à un
par ce Candide du cœur. Naïve (mais belle) romance (« The Bitter Suite
3 : Embrace »), désillusion (« Red Hands ») puis guérison
(« Vital Vessels Vindicate »), l’album se vit comme un voyage
initiatique où chaque étape est pleinement exploitée (pour une moyenne de 5
minutes par titres) pour un rendu Progressif sans être prise de tête et
cette tendance Opéra-Rock où scénario et bande-son ne font plus qu’un.
The Dear Hunter se montre tout à fait à la hauteur de ses
ambitions. Si l’EP introductif était plein de promesses, cet Act II les
concrétise et les dépasse, si bien qu’il en est difficile de se jeter
immédiatement sur le dernier pilier de la trilogie tant la barre est haute. En
17 titres, les Américains nous offrent ainsi une excellente leçon de Rock comme on
n’en voit presque plus de nos jours : rare, belle, et précieuse.
A écouter : au moins une fois dans sa vie