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Biographie

The Body

The Body est Lee et Chip. The Body est américain. The Body va vous retourner les tripes.

16.5 / 20
3 commentaires (17.67/20).
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I Have Fought Against It, But I Can't Any Longer ( 2018 )

A force de les entendre barboter joyeusement dans les inaccessibles anfractuosités des fanges sonores les plus bouffies depuis une quinzaine d'années, l'on aurait pu craindre pour The Body, duo expérimental – sludge aujourd'hui installé à Portland, Oregon, qu'il ne s'enlise irrémédiablement dans un style qui, s'il a largement fait son succès depuis le sublime All The Waters Of The Earth Turn To Blood de 2010, pouvait aisément tourner à l'indigestion répétée... L'histoire nous prouve fort heureusement qu'il n'en fut rien : que le duo a toujours « tenter des choses », album après album, ep après ep, collaboration après collaboration, toujours gratter les parois mi-meubles d'où coulent quelquefois les idées de composition les plus inattendues.
Ainsi, avec la sortie de son sixième LP intitulé I Have Fought Against It, But I Can't Any Longer, The Body transforme semble-t-il définitivement l'essai de No One Deserves Happiness (2016) qui avait laissé, il faut bien l'avouer, quelques fans de la première heure dans les cordes. Si No One Deserves Happiness lorgnait sournoisement et quelquefois avec maladresse vers les sonorités « popisantes*» et les arrangements electro, cette nouvelle offrande réalise une parfaite concaténation** en élevant d'un degré, le degré nécessaire à l'adhésion des plus indécis, l'audacieux glissement entamé trop timidement il y a deux ans. Car là où l'on pouvait se demander quelle était la finalité des déroutants atermoiements (un peu de ceci, un peu de cela) de son prédécesseur, I Have Fought réussit un premier tour de force : aller plus loin, oser davantage et, paradoxalement, trouver le parfait dosage de toutes ces petites touches qui, désormais, ne semblent plus du tout hésiter.

Le second tour de force de cet album est son casting. A côté des habitués de la première heure, Chrissy Wolpert aux vocaux, Seth Manchester et Keith Souza à la production, le duo a eu le nez fin en invitant Michael Berdan (chanteur de Uniform) et, par dessus tout, Kristin Hayter, qui a frappé fort en 2017 avec son Lingua Ignota en proposant All Bitches Die, l'un des meilleurs albums de cette année écoulée... Et pour être clair, cette nouvelle recette est stupéfiante. The Body offre dix titres condensant impeccablement son nouveau cap, où les intros de tous les titres trouvent immanquablement leur cible dans un registre electro - drone – noise, voire harsh noise (An Um), où Kristin Hayter éclabousse de son aura Nothing Stirs et rend coup pour coup à Michael Berdan sur le sublime Sickly Heart Of Sand ; où Chrissy Wolpert, par quelques vocaux aériens, tempère comme d'habitude fort joliment la crasse sonore ambiante et où Lee Bufford et Chip King font ce qu'ils font le mieux : ils disséminent les nuisibles, ils éliminent les indésirables et disloquent les grimpantes importunes !
Ainsi The Body affirme son cap. Et au-delà. En assumant pour la première fois de n'utiliser que des samples électroniques pour les drums et les guitares, délaissant pour de bon leurs instruments pour des synthés programmés, le duo de Portland « change » de style pour proposer un album de noise indus electro. I Have Fought est un savant mélange du meilleur de Skinny Puppy (Partly Alive), de Gnaw (Off Script) ou de Godflesh (Sickly Heart Of Sand)... rien de moins ! I Have Fought est tellement audacieux que l'on est a deux doigts de se demander si The Body n'est pas en train de devenir aussi important que le Nurse With Wound de Steven Stapleton. L'avenir proche nous le dira.
Attention, le duo frappé par la grasse*** continue à remuer la glaise de quelque dégoulinante montagne inexplorée et I Have Fought Against It, But I Can't Any Longer est un fascinant nouveau chapître.

Énorme.

* M'en fous, c'est moi qui décide.
** Première fois que je peux le placer celui-là.
*** Ceci se passera d'explication.

Ascending A Mountain Of Heavy Light (with Full Of Hell) ( 2017 )

Si en 2010, à l'écoute de All The Waters Of The Earth Turn To Blood, vous vous êtes retrouvés dans les bois, à la tombée de la nuit, la tête enroulée dans un gigantesque chou pomme, à hululer comme Chip King (chanteur et guitariste de The Body) dans l'espoir un peu fou que l'imagination et l'audace débordant de cet album inégalable ne dégoulinent un peu sur vous... Si cette inquiétante connivence artistique, née de la rencontre entre le presque possible et l'interdit a chamboulé vos acquis au point de faire de ce mythique album un nouveau paradigme personnel...
Si les expérimentations noise du groupe de post-hardcore Full Of Hell sur Rudiments Of Mutilation en 2013, et surtout sur le split avec Psywarfare (vous êtes dingue de Thee Insurmountable Wall) et l'exceptionnelle collaboration avec Merzbow (en 2014) vous ont donné l'envie de créer, à votre tour, des bruits improbables en frottant des feuilles d'aluminium sur des rappes à fromage ou en aiguisant vos ongles sur du polystyrène expansé...
Si The Body vous a fait comprendre, avec son I Shall Die Here (2014), produit et mixé par The Haxan Cloak, comment le meilleur de l'électro minimale pouvait cohabiter avec le plus dégoulinant du doom expérimental... Si vous avez alors rêvé d'entendre ce son nouveau au DC10 d'Ibiza, un mardi matin vers 10h... Pour changer...
Si vous êtes passés par la case « trépanation » urgente, en 2016, après avoir écouté et réécouté le menaçant One Day You Will Ache Like I Ache, première collaboration entre les deux groupes les plus furieux de ces dernières années ; si vous avez écouté cet album « qui fait hurler les âmes » au casque, de crainte que vos voisins ne vous envoient les services sociaux... Si vous avez fait saigner votre cerveau en assistant à un concert* des deux groupes réunis sur la même affiche au printemps 2016... Si vous avez ressenti cette divine impression d'avoir assisté à un grand moment...
Alors, si seulement et seulement si, vous serrez déçus de leur nouvelle offrande, Ascending A Mountain Of Heavy Light qui sortira le 17 novembre prochain. Déçus par un album qui vient peut-être trop tôt ; trop vite après One Day You Will Ache Like I Ache que d'aucun avait considéré, à juste titre, non comme le résultat de la somme de deux habiletés musicales mais comme une entité neuve, originale, dont les audacieuses trouvailles collectives conditionnaient naturellement l'émergence. Déçus par un album qui semble confondre expérimentation et répétition ; idée et réutilisation.
Ascending A Mountain Of Heavy Light n'est pas un mauvais album en soi. On retiendra le splendide artwork, « cyber primitive alien » et sa palette de couleurs façon Klimt du XXIéme siècle. On retiendra les cinq premiers titres « façon » One Day You Will Ache Like I Ache mais qui pêchent par un song-writing par trop compact et si peu aventureux. Certes, Our Love Conducted With Shields Aloft réussit presque le bon setup entre noise et expérimental. Presque. On approuvera le saxophone free-jazz sur l'outro de Light Penetrates. On y sera presque avec Farewell Man... Pour le reste, c'est peu. Trop peu.
Où se cache Chrissy Wolpert (Assembly of Light Choir), compagne de The Body depuis 2010 et dépositaire de cette touche vocale qui équilibre tout, ce compris sur One Day You Will... ? Annoncée comme guest, il faudra chercher longtemps pour l'entendre !
Enfin, comment ne pas rire à l'écoute de la rythmique de Master's Story ? Comment peut-on envisager, lorsque l'on connaît les talents réunis autour de cet album, cette insupportable batterie programmée « façon jungle », qui ne sera pas sans rappeler cette fête, en clôture de la grande brocante de Trifouillac sur Monflougasse, lorsque DJ Findi, le neveu de l'organisateur offrait fébrilement au public endormi ses derniers « sons » créés la veille dans sa cave. C'était en quatre-vingt-quatorze !
Un album moyen, dans lequel la fanbase, qui aura du mal à trouver son compte de névrose et d'angoisse habituelle, verra huit titres peu inspirés. Huit titres pas assez bons pour figurer, en 2016, sur One Day You Will Ache Like I Ache ? Huit chutes d'album ? On n'ose le croire...
Une déception à la hauteur de l'attente.
* Pour l'auteur de ces tristes lignes (ou le triste auteur de ces lignes), c'était au Magasin4, à Bruxelles, un soir d'avril.

16 / 20
5 commentaires (15.8/20).
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All The Waters Of The Earth Turn To Blood ( 2010 )

"Prends ta verge, et étends ta main sur les eaux des Egyptiens, sur leurs rivières, sur leurs ruisseaux, sur leurs étangs, et sur tous leurs amas d’eaux. Elles deviendront du sang; et il y aura du sang dans tout le pays d’Egypte, dans les vases de bois et dans les vases de pierre."

Il est fort dommage de posséder un potentiel tel que celui de The Body et se limiter à un nom qui fait penser à la vague revival rock déjà avortée en "The". Mais ici, on parle de Doom et Drone, et non de perfectos et jeans slims. On se plie face à un duo qui nous lâche un All The Waters Of The Earth Turn To Blood glauque, morbide, vomitif et destructeur d'ambiances chaudes et animées mais profondément excellent.
De fait, on est bien loin de la crasse d'un Death Metal ou même du Drone Doom hypnotisant, crépitant et à bout de souffle d'un Teeth Of Lions Rule The Divine. Si l'on devait tenter d'en décrire l'ambiance, The Body se callerait plutôt vers les expériences d'un Black One de Sunn O))). Cris sur A Curse et Empty Hearth, cantique dont le caractère pieux se trouve tourné en dérision sur Even the Saints Knew Their Hour of Failure and Loss ou encore sperme et vomi divins sur fond de Road-Movie pour imager Lathspell I Name You, The Body prend à contre-pied. Associant noirceur et sonorités religieuses, le duo n'a pourtant pas la profondeur d'un Deathspell Omega, se limitant aux pulsions plus primaires de l'être humain. On est heureusement bien loin de l'imagerie kitch mais diablement séduisante d'Electric Wizard ou Bloody Panda, qui auraient pu faire imploser sans candeur cet opus : The Body est épuré, ne se limitant qu'à des rythmiques pénibles entrelacés à quelques chœurs et un chant agonisant qui feraient une bande son parfaite pour Begotten.

La bête gronde et même lorsqu'elle s'éveille, elle ne se transforme pas en monstre brutal, préférant s'insinuer avec langueur et décadence jusqu'à évanouissement. All The Waters Of The Earth Turn To Blood est l'âme noire de Charles Manson, ridiculisant les ados en manque de sensations fortes qui ne vivent que pour saccager quelques tombes entre 2 films gores. The Body est la chute des Anges, se gaussant des louanges adressées par les pèlerins sur la route de Compostelle. Ce disque vous causera cauchemars et songes fiévreux, vous fera visiter les Mondes du Rêve en compagnie de Randolph Carter pour finalement vous abandonner là, au bout du chemin, le regard dans le vague.

Et sur fond de A Curse, vous pourrez pleurer comme des gamins choqués, encore et encore et encore et encore et encore et encore et encore et encore....

"Aaron leva la verge, et il frappa les eaux qui étaient dans le fleuve, sous les yeux de Pharaon et sous les yeux de ses serviteurs; et toutes les eaux du fleuve furent changées en sang. "

A écouter : Faut-il le pr�ciser ?