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Biographie
The Armed est un groupe américain de punk rock un peu
violent, originaire de Detroit dans le Michigan. Leur identité reste et demeure un
mystère mais on suspecte que les membres soient en réalité des anciennes stars
de la chanson opérant incognito. Des rumeurs vont même jusqu'à prétendre que le
groupe a été fondé par Elvis Presley et Mickael Jackson lors d'une soirée
organisée par Bob Marley. Il semblerait toutefois que cette rumeur reste
infondée. D'autres encore, témoins de certaines prestations live disent avoir
reconnu, lors d'un concert en 2016, Janice Joplin et Kurt Cobain. Ces
témoignages bien que plus crédibles que les autres ne sont pas assez étayés et
n'offrent pas assez de preuves pour pouvoir affirmer leur présence au sein de
The Armed. Une chose est sure : Axel Rose n'en fait pas partie.
The Armed a sorti jusqu'à lors 4 Démo : Common Enemies en juillet
2010, Young&Beautiful en octobre 2011, l'excellentissime Spreading Joy en
décembre 2012, ainsi qu'An Ode to no one en décembre 2014, mais également un split CD avec Tharsis They en décembre 2013, un album live Unanticipated en
juin 2016 et leur premier album éponyme en Juin 2015. Outre la qualité de ses sorties,
The Armed est connu pour avoir sa discographie complète en téléchargement libre
sur leur site officiel (lien bandcamp dans la colonne de droite en haut). Les adeptes de
Converge, Botch ou The Red Chord devraient se délecter de ce groupe qui deviendra
surement un jour une référence incontournable du genre. En 2018, après un ajout de line up sort Only Love, deuxième album du groupe, et premier album pressé physiquement et distribué à l'internationnal. Il faudra attendre avril 2021 pour entendre son successeur, Ultrapop.
Déstabilisé, étonné, déçu … Voila les adjectifs qui
qualifiaient ma première écoute de Perfect Saviors, et qui a été conditionnée
par les quelques morceaux que le collectif du Michigan a laissé paraitre au
préalable. Pourquoi un tel ressenti ? Pouvait-on s’y attendre ? Et
qu’en est-il au final ?
Lorsqu’un groupe que l’on connait et qu’on apprécie sort un
nouvel opus, on a déjà implicitement une idée de ce à quoi l’album va
ressembler, basée sur plusieurs facteurs, son actualité, le reste de la
discographie, le changement de line-up etc. Un peu à la manière des suites de
films au cinéma. Si vous allez voir le dernier Gardien de la Galaxie, c’est
pour voir la suite des précédents, retrouver le même casting, ou le même réalisateur,
ça semble logique non ? Et vous avez des attentes vis-à-vis de ceci, à savoir
le développement de l’histoire que vous connaissez et qui vous plait ainsi
qu’une touche de nouveauté qui ajoute une pierre à l’édifice. Parfois ça se
passe bien (Terminator 2) et parfois ça se passe mal (Terminator 3). Pour la
musique c’est pareil et les exemples de sorties controversées sont
nombreuses ; The Burning Red de Machine Head, Sempiternal de Bring Me the
Horizon, l’éponyme de Suicide Silence … Brrr ! Ça fait froid dans le
dos ! Tous les exemples cités précédemment ont le même point commun, ils
marquent un changement de style musical opéré par leur groupe. Il en est donc
de même sur Perfect Saviors. S’il faut vous en convaincre, la dixième piste se
nomme Liar 2, elle fait selon toute vraisemblance référence à Liar que l’on
trouve sur Common Enemies. Je vous laisse écouter les deux pistes l’une après
l’autre, ça devrait suffire à vous convaincre qu’il y a eu un léger changement
stylistique (ici et là). Même chanteur (si si) plus ou moins les mêmes membres, par contre niveau
style on est aux antipodes. Alors autant dire qu’à la sortie de Perfect Saviors, pas mal de monde a été surpris de découvrir les nouveaux morceaux.
Il y avait quand même quelques indices qu’on avait déjà
relevés sur Ultrapop quant à l’évolution de The Armed en tant que groupe, et du
changement de personnalité et d’habitudes parmi ses membres. Si vous les suivez
sur les réseaux sociaux, vous vous apercevez bien qu’ils ont changé et qu’ils
ne sont plus mêmes qu’ils étaient il y a une quinzaine d’années quand ils ont
démarré l’aventure The Armed (ce qui est bien évidemment normal). Ils se sont
toujours considérés en revanche comme un groupe de punk rock, chose qui se
vérifie désormais bien mieux qu’au préalable. On s’inscrit maintenant musicalement
dans la contre culture à la quelle le groupe se rattachait déjà visuellement
depuis Ultrapop et socialement sur ses réseaux sociaux, c’est donc logique
qu’un opus tel que Perfect Saviors, très différent de ses prédécesseurs voit le
jour. Bien moins de saturation, de fureur et de brutalité, mais on continue
avec les questionnements existentiels, la remise en cause des valeurs
transmises par les générations précédentes et le mal-être ambiant de la
société.
Une fois admis ces changements et après s’être détaché
émotionnellement de ce qui nous plaisait chez The Armed avant Perfect Saviors,
qu’en est-il réellement musicalement ? On est quelque part entre une sorte
de Franz Ferdinand un peu grungy, et un The Strokes un peu énervé. Avec des
morceaux assez inégaux à la fois sur leur fond et sur leur traitement. Personnellement
je suis également adepte de ce genre de musique et une fois la dissociation
faite entre le passé et le présent, il était assez évident de se rendre compte
de ce qui est proposé sur Perfect Saviors. Dans ce style, la touche singulière
de The Armed apporte une plus value certaine, un peu comme si on était venu
gommer certaines lignes et venu y déposer des contours cotonneux et flous. Les
deuxièmes voire troisièmes guitares délivrent parmi les morceaux les plus
droits, des dissonances subtiles qui témoignent du passé erratique du groupe et
on a quand même le droit, une fois de temps en temps à une mélodie un peu plus
éraillée qui nous fait dire qu’on n’écoute pas quelque chose de totalement
aseptisé. Quelques morceaux tels que Everything’s Glitter, Burned Mind ou FKA
World passent bien, sous peine qu’on soit d’humeur à écouter du pop/rock. En
revanche pour ce qui est d’autres morceaux comme Liar 2, on se pose la question
de la pertinence musicale, ou même du bon gout artistique. Libre à eux de proposer du contenu musical
pour que des marques comme Fanta puissent faire des pubs avec, mais de là à
proposer un titre comme ça sur un album de compositions artistiques, il faut
quand même oser.
Qu’en dire en définitive ? Musicalement il y a quelques
morceaux sympas, mais pas mal d’autres moins bons voire carrément ratés. Pour
un groupe qui était jusqu’à lors considéré comme des génies par beaucoup,
autant dire que ça la fout mal. Maintenant plusieurs questions se posent. A
quoi vont ressembler les concerts ? Va-t-on avoir droit à des lives à la
Nine Inch Nails où les jeunes et les vieux assistent le même soir à deux
concerts différents et se regardent les uns les autres, les yeux écarquillés en
attendant son tour en fonction du morceau joué par le groupe ? Est-ce que
The Armed vont jouer uniquement une partie de leur répertoire ? Et ensuite
arrivent les questions un peu plus profondes. Vers quoi vont-ils évoluer ?
On peut décemment s’attendre à tout. Aussi bien qu’ils restent dans leur
mouvance actuelle, aller encore plus loin, revenir aux sources ou aller
explorer encore d’autres univers. Seul l’avenir nous le dira.
A écouter : Everything's Glitter, Burned Mind
The Armed s’opposent encore une fois férocement avec Ultrapop au courant le plus populaire de
cette dernière dizaine d’année tous styles confondus, devenu même la norme dans
certains genres :
le minimalisme. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec cette notion, il ne
faut pas la confondre avec la musique minimaliste apparue dans les années 60 aux États-Unis dans laquelle on classe Philip Glass &cie, même si la démarche de base est somme toute similaire. Alors quoi que c’est le courant
minimaliste ? C’est épurer au maximum la musique afin de faciliter
l’écoute. Structure simple, quatre temps, aucun changement de rythme, peu voire
pas de climax ou d’intensité musicale afin de privilégier un texte, une mélodie
ou une impression, et donner beaucoup de légèreté au tout. Bref, faire quelque
chose d’extrêmement accessible ou d’extrêmement épuré. C’est caractérisé dans
le rock par exemple par Twenty One Pilots, Mogwai ou encore Sigur Ros, dans le metal par en gros toute la
scène Drone (Sunn O)) tout ça), dans une certaine mesure le post black ainsi
que toute une frange bien plus commerciale dirigée par des gros labels. (Notez
que la démarche minimaliste pour ces trois genres là n’a pas le même objectif)
Pour le rap français et la pop, c’est devenu la norme absolue depuis un certain
temps déjà, ce qui fait qualifier d’avant-gardiste toute démarche musicale un
peu poussée.
Alors,
comment procèdent-ils ? Quelle est la démarche d’Ultrapop ? Eh bien, il n’y a pas
qu’une seule réponse ici et on distingue plus ou moins deux axes forts dans
l’album. On est dans une certaine continuité d’Only Love dans le fait d’en
mettre partout, tout le temps et d’intriquer entre elles des mélodies qui
n’apparaissent pas de prime abord compatibles. La production est en revanche bien
moins oppressante que sur l’opus précédent car la démarche créatrice n’est pas
la même. Les deux albums, comme l’intégralité de la discographie de The Armed,
ont pour but de brouiller les pistes et les codes, Only Love faisait le pari de prendre quelque chose de
fondamentalement beau et le faire paraitre très inaccessible et très chaotique.
Ce procédé consistait à rajouter des pistes sonores au dessus d’autres pour
bouleverser l’écoute et la faire se perdre dans un marasme sonore. Avec
Ultrapop on est quasiment sur la démarche inverse. Tout apparait propre et
lisse alors que pas du tout. Les dissonances paraissent s’accorder, ça parait
régulier mais ça ne l’est pas. Essayez de battre le rythme d’Average Death, vous
vous en rendrez compte assez rapidement. Pour les textes c’est pareil, les
sujets sont très lourds mais choisis avec des mots légers et traités avec douceur. Leur démarche est donc ici de déguiser leur
maximalisme en ce qu’il n’est pas, afin d’avoir un résultat qui semble être commun mais qui laisse
toujours un goût
amer, comme si
cette cacophonie joyeusement fortuite est tout sauf ce qu’elle semble être en
réalité et cachait une sombre vérité.
L’autre axe majeur de leur démarche sur cette itération est
de prendre un riff minimaliste, et le développer et le déconstruire à outrance afin qu’il se
complexifie et que ça parte dans tous les sens. Ce qui a surement pour but de
cueillir l’auditeur alors qu’il ne s’y attend pas. Cette opposition et ce
mélange des oppositions est une véritable démarche punk qui aurait sa place
dans n’importe quel livre de Chuck Palahniuk, infiltrer le système de
l’intérieur pour le faire s’effondrer. Tyler Durden serait fier. D’ailleurs, quand on s’attarde un
peu sur le visuel des clips qu’ils ont sortis pour l’heure, on retrouve bien cette volonté de reprendre et
détourner les codes avec ce petit quelque chose de fibre révolutionnaire qui
aimerait bien tout faire péter de l’intérieur.
L’exemple qui montre le mieux
cette démarche est l’outro, The Music Becomes a Skull. Avec un début
digne d’une bande annonce de Michael Bay et qui tourne à l’orage laissant un goût amer alors qu’on
était en état et lieu d’attendre autre chose, faisant ainsi référence à l’intro
Ultrapop qui commence de la même manière et parait bien plus optimiste quant au
développement. On reprend donc au final
un gimmick et révèle qu’il est bien plus sombre qu’il n’y parait en réalité,
faisant ainsi référence à l’album comme pour inviter l’auditeur à se rendre
compte qu’il l’a peut être mal compris la première fois et l’incitant à le
réécouter autrement.
Alors OK pour ce constat et cette démarche, mais qu’est ce
que ça donne ? Peut-on faire de la pop en ne faisant pas de la pop ?
Sur le principe, réaliser ce qu’ils font sur Ultrapop est musicalement
extrêmement fort. Redessiner une approche musicale, la faire passer pour ce
qu’elle n’est pas et en sortir une critique de la manière dont est faite et consommée
la musique, c’est hyper balèze, créativement, idéologiquement, musicalement.
Pourtant, il
semblerait qu’à faire l’écueil d’un courant auquel ils s’opposent, ils en sont
devenus eux-mêmes
partie intégrante. C’est vrai, cet album peut s’écouter comme s’écoute un album
un peu léger, en fond sonore et si on n’y porte pas plus attention que ça, ça
passe. On passe en revanche totalement à côté de la notion de plaisir immédiat, et quand on
connait le background musical de The Armed et ce dont ces personnes sont
capables, c’est un
peu dommage. À
faire semblant d’être dans la norme sans l’être on le devient un peu. Le fond
et la forme sont liés en musique et à vouloir paraitre autre chose que ce qu’on
est, on oublie un
peu de soi en chemin. En l’occurrence, ils laissent derrière eux cette furie punk d'une violence inouïe qui les
caractérisait si bien. Avec un peu d’effort d’imagination on peut effacer tout
le côté pop de
l’album et des morceaux tels que Faith in Medication et Where Man Knows Want
vont être des boucheries en live.
Cet album,
c’est une graine qui ne demande qu’à germer. Une volonté de montrer que l’on
peut faire de la musique différemment et qu’avec du travail et des efforts, on peut tout faire si
l’on s’en donne les moyens. La prochaine étape en toute logique sera donc
l’éclosion. L’éclosion de quelque chose d’autre, de nouveau, qui transcende
leur travail actuel et passé pour donner quelque chose de totalement inédit.
A écouter : Faith in Medication, Masunaga Vapors
Idée reçue sur le metal numéro 522 : "de toute manière
tout à déjà été fait, c'était mieux avant, maintenant tout se ressemble." Après
avoir démystifié le hardcore chaotique, encore une idée reçue que les magiciens
de The Armed font voler en éclat avec Only Love.
Car niveau style, on ne va pas se mentir c'est difficile à
ranger dans une case. Du Post Hardcore Electro Grunge … soit du Pheg ? On est
d'accord, ça ne veut rien dire ! Une chose est sure, les Michiganais ont encore
poussé la barrière de la déconstruction plus loin. Lors des premières écoutes
on est saisis par ces éraillements synthétiques entrecoupés de voix chaotiques
et de batterie hachée. Comme si le rejeton de l'accouplement sauvage de Die Antwoord et Queens of the Stone Age poussait son premier cri. Oui, QOTSA car il
y a une grosse partie stoner rock sous-jacente, qu'on ne perçoit pas forcément
aux premières écoutes d'ailleurs.
Passé le hachis d'oreille des premières fois, on découvre
que ce chaos bruitiste est savamment agencé en couches de son, comme l'on peut
observer des strates géologiques dans le sol. Et qu'au plus on creuse, au plus
on se rend compte de la douceur du noyau de l'album. C'est à ce moment que le titre Only Love prend tout son sens. Et après un
certain nombre d'écoutes on s'aperçoit que la première pellicule, la plus
cacophonique s'est presque complètement érodée. Du moins on y prête de moins en
moins attention. On tombe ensuite sur une couche un peu plus brute qui donne du
corps à l’ensemble, puis on perçoit après quelque chose de plus subtil qui
ajoute du plaisir à l'écoute pour finalement arriver après une spéléologie
répétée du disque à l'essence de son message. Et, croyez moi, si l'on prend de temps de
creuser, cet album est une vraie pépite.
Ces gens ont quand même réussi à faire des chansons à la
fois extrêmement chaotiques et très intenses émotionnellement, excusez du peu.
C'est comme réussir à faire de la glace chaude, on n'est pas loin du
chamanisme. En prêtant attention a Fortunate Daughter, qui est vraiment mon
coup de cœur perso de l'album, on a quatre lignes musicales différentes et
superposées, et autant de niveaux de lecture possible sur la chanson. Elle
dégage une impression de douleur et de quiétude, d'amour et de haine, de
passion et de tourments. Les différentes chapes sonores s'échangent d'ailleurs régulièrement
leurs rôles dans un ballet auditif, certes erratique de prime abord, mais
finement hiérarchisé une fois que l'on a compris la mécanique qui a été mise en
œuvre. Difficile réellement de la dénominer simplement, mais à l'image de
l'ensemble de l'album cette chanson est intense.
Une intensité qui est d'ailleurs due à la composition, pas à
la production. Car la encore lors des premières écoutes, on se dit qu'il y a un
problème. Ils ont raté le mixage, ou ils ont sabrés des fréquences au
mastering. Le son semble compact, le mix parait plat, et ils le sont. L'album a
pourtant été entièrement travaillé au God City Studios. (Pour ceux qui ne
connaissent pas, les meilleurs albums de Converge, Kvelertak, Trap Them, High on
Fire et plein d'autres ont été faits la bas). C'est donc une volonté de leur
part de produire les choses ainsi. Par lisibilité musicale peut être ? Trop de
basse rendait le son indigeste ? Par volonté délibérée d'érailler encore plus
la musique en cradant le mix ? Par originalité ? Où simplement parce que la
profondeur devait venir avant tout de la composition et non de la production ?
Difficile de répondre, mais pour sortir
un album en 2018 avec ce mix il fallait sacrément avoir des baloches.
Chose dont Only Love ne manque pas. Parody Warning est
surement la chanson la plus violente qu'il m'ait été donné d'entendre de tous les
albums de 2018 pour le moment. Si vous n'êtes pas prêts à vous prendre un train
en pleine face, ne tentez pas l'expérience, ou sinon mettez la en réveil pour
le matin, résultat garanti. Et encore une fois, cette chanson, comme toutes les
autres à une dimension autre que du bourrinisme pur. Le titre le plus facile à
écouter, autrement dit, qui matche le plus rapidement est Heavily Lined, c'est
d'ailleurs là où ce coté Queens of the Stone Age évoqué précédemment est le
plus facilement perceptible. La figure du perdant magnifique est, elle, souvent
perceptible à travers les différents titres, et notamment sur Middle Homes, et
est abordée également dans les clips que The Armed a déjà publié, allant même
jusqu'à inviter Tommy Wisseau sur Role Models, histoire d'en rajouter une couche.
Peut-on parler
d'avant-garde ou d'expérience musicale ? Trop tôt pour le savoir, mais Only Love est à tous les niveaux un OVNI. De ce genre d'albums qui sera adoré,
détesté, incompris mais qui laissera une marque sur son passage et qui fait
avancer encore d'un grand pas The Armed comme une référence incontestable dans
le milieu.
A écouter : Fortunate Daughter, Pardody Warning
Un sens de la composition extrêmement pointu, des breaks inattendus et bougrement bien pensés, des harmonies recherchées, des refrains mis en avant par un chant plus chanté et des guitares qui partent dans les aigus performant des gammes entêtantes et diablement efficaces … C'est ça le dernier The Armed !
Le groupe michaganais nous avait habitué avec ses démos à de la déconstruction brillante et brutale, avec cet album auquel le groupe donne son éponymie, on passe encore la vitesse au dessus. Les morceaux sont toujours aussi accrocheurs, les rythmes toujours aussi soutenus et ça tabasse toujours autant, au détail près que maintenant The Armed parvient à allier des mélodies saturées qui donnent une nouvelle profondeur aux compositions. Expression même de la fureur métallique que seule la gratte est capable de sublimer. Des chansons telles que Rythm 0 et Blessings sont juste des merveilles de création. On y retrouve tout ce qui fait un grand titre avec en plus l'originalité et l'arrogance structurelle qui caractérise les Américains. La partie technique est quant à elle toujours présente, peut-être encore même plus que précédemment notamment la guitare de Rage of Youth ou la batterie de Forever Scum.
On ne s'ennuie à aucun moment lors de l’écoute de cet album de quatorze chansons. Qu'il s'agisse des morceaux brutaux comme Future Drugs ou de ceux plus calmes tels Dead Actress (qui a vraiment un gros coté Converge) ou Paradise Day, tous ont leur place, apportent une dimension, un trait d'esprit ou même parfois une élégance qui complète les autres en un tout dont l'usage de superlatifs ne serait qu'euphémisme. Ne se fixant décidement aucune limite, The Armed tente même l'usage des effets électroniques comme sur Polarizer. Essai réussi, les musiciens se permettent même de casser complètement le rythme pour développer la chanson en la transformant en une complainte pleine de douleur et de rage. La dernière pièce de l'album Dead Artist et elle aussi riche en ambiance grâce à l'usage de samples accompagnés d'une basse sobre, se contentant de battre le rythme tel un cœur le ferait.
Le mix réalisé par Kurt Ballou, guitariste et maître à penser de Converge, est lui également magnifiquement bien pensé, offrant un large spectre entre d'un coté la batterie et la basse et de l'autre la guitare et la voix. Ces instruments dissociés les uns des autres offrent une complémentarité dans le profil des chansons. Si on écoute attentivement, lorsque l'un des instruments fait un ostinato (répétition frénétique d'une ou peu de notes) c'est un autre qui prend le relais sur la mélodie et inversement tant et si bien qu'il y a toujours une ligne mélodique en mouvement. Si vous voulez tenter l'expérience auditive c'est sur Paradise Day que c'est le plus clair.
Résolument plus réfléchi, posé, peut-être même mieux construit que les démos sorties jusqu'à lors, on pourrait se dire qu'il s'agit là de l'album de la maturité à ce détail près qu'il s'agit du premier album studio du groupe. La suite ne laisse présager que du bon pour The Armed.
A écouter : Tout
Démo publiée en 2012, Spreading Joy c'est cinq morceaux à 200 à l'heure, 9 minutes de furie à l'état pur. Ça envoie, puis ça envoie, puis ça envoie ! Le nec plus ultra de la fureur revenant au second morceau No Rest Until Ruin. Là ou le génie rencontre la folie. Les titres s'enchaînent à une vitesse folle et c'est déjà la fin de la montée d'adrénaline, sous un dernier riff tabasseur de Countervictims qui viendra faire s'achever les plus valeureux dans un "wow ... " de béatitude. Un éveil des sens à dos de pur-sang sous une cascade au cœur d'un volcan, voilà ce qu'on ressent à la première écoute de cette démo des Michiganais de The Armed. Bien sûr, nulle chose n’est parfaite en ce monde, mais si la perfection devait se rapprocher de quelque chose, ce serait de Spreading Joy.
A écouter : No Rest until Ruin
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