Quelle est la valeur artistique d’une idée ? Est il possible de conceptualiser un album au point d’en faire une oeuvre entièrement basée autour d’un axe précis ? The Algorithm a pris le paris avec Brute Force d’ouvrir une porte, de se lancer dans la création sans barrières ni garde fou en mélangeant Metal et Électro avec finesse et intelligence.
Tant au niveau de l’écriture que du concept, Brute Force est une réussite. Tout droit sorti du cerveau de Rémi Gallego, nous avons ici une oeuvre atypique, inclassable et incontestablement accrocheuse. Reprenons depuis le début, si je vous disais qu’il s’agit d’un mélange de Dubstep et de Djent la moitié d’entre vous aura déjà fui, mais si vous avez l’esprit ouvert, aucun doute que vous serez séduit par Brute Force.
Avant tout basé autour d’un concept aussi simple que solide, The Algorithm a choisi comme axe l’informatique (quelle surprise pour un groupe qui porte un tel nom … ) pour nous propulser dans son univers. C’est pourtant au niveau de la mise en pratique que l’exploit est réalisé, la traduction concrète du concept est un mélange subtil qui est bien plus que la somme de tous ses composants.
Si l’on pouvait se douter que le Djent et la Dubstep pouvaient bien se mélanger, Rémi Gallego a choisi de ne pas rester dans la facilité et faire face à l’univers Électro dans son ensemble en incrémentant une dose non négligeable de Trance, de 8 bit et de Drum N Bass. Si tous ces noms vous sont inconnus, il s’agit de différentes styles d’Électro sous lesquels on regroupe différents artistes. Non content de nous pousser vers une exploration d’un univers électronique, Brute Force comprends aussi des éléments Black Metal ou même Hardcore (Hex), qui viennent donner de nouvelles couleurs à l’ensemble. Le mélange donne un résultat surprenant, naturel et puissant. Il ne s'agit pas d'un mariage forcé mais bel et bien d'une union profonde qui ne laisse aucune place au doute.
La post production est tout bonnement indécente. Chaque petit effet prend tout son sens, chaque variation se fait entendre clairement, mais mieux encore, la quantité de samples utilisés, empilés, déformés construisent une ambiance hypnotique, parfois à la lisière de l’hystérie. Les mélodies aussi simples qu’efficaces construisent avec brio une toile sur laquelle viendront s’ajouter les formes qui se cachent au cœur du son, à l’image de Floating Point et son solo tout en mélodie au milieu du chaos qui n’est qu’apparent.
En prenant ce qui fait l’essentiel de chaque genre, Rémi Gallego condense les compositions. L’aspect brutal du Metal en général est présent tout autant que les beats si chers à l’Électro. C’est dans les détails que se trouve la richesse des morceaux, quitte parfois à perdre l’auditeur. En effet il faudra plusieurs écoutes pour poser quelques repères et comprendre le fonctionnement de cet algorithme aussi complexe qu’intéressant.
Malgré tout, on aurait aimé pouvoir respirer un peu plus, ralentir le tempo comme c’est le cas dans Rootkit. Prendre le temps de développer cet univers plutôt que de vouloir foncer à toute vitesse quitte à rendre l’ensemble parfois un peu inaccessible. Il ne faut pas oublier que nous avons à faire à quelque chose de nouveau pour beaucoup d’entre nous, dans ce contexte, rendre l’ensemble plus clair aurait été de bonne augure.
Par ailleurs, il aurait été intéressant de pousser dans l’exploration, intégrer quelques éléments relatifs à d’autre genres, pousser le concept jusqu’au boot (oui celle là était trop facile). L’intégration d’éléments de la culture geek (big up à Eddy Malou) montre que The Algorithm s’adresse à une cible très précise et il est dommage de ne pas s’ouvrir un peu plus vers le grand public.
Le seul vrai problème de Brute Force est qu’il ouvre la porte de tellement de possibilités que l’on regrette que Remi Gallego n’ait pas encore pu aller aussi loin qu’on aurait pu le souhaiter. La qualité des créations proposées permet d’ores et déjà de placer The Algorithm comme une référence d’un genre encore si récent que l’on ignore encore ses limites.
A écouter : plusieurs fois