Avant de parler musique, attardons-nous quelques instants sur le propos porté par Tenue avec Territorios. Comme cela est en général le cas avec la scène Emo-Crust / Screamo, le message occupe en effet une place centrale à côté de laquelle il est difficile de passer. A bien lire les paroles (en tout cas à bien essayer de les interpréter), plus que la notion de territoire, qu’il soit physique ou dans nos fors intérieurs, c’est la question du pouvoir qui est au cœur de ce nouvel album. Celui des nations européennes, qui se sont construites sur l’héritage sanglant de l’esclavage et des guerres, mais également celui de la brutalité des sociétés post-modernes. Pour lutter contre la connivence passive des populations, qui laisse cette violence sans opposition, Tenue appelle à une déconstruction des barrières qui nous habitent. En d’autres termes, à trouver une force intérieure tournée vers les autres. Comme vous l’aurez compris, la question de l’engagement politique ne se pose ici pas.
Initié à l’été 2019, ce n’est qu’un an plus tard que Territorios s’est finalement concrétisé, le temps que le concept mature et prenne vie, d’autant plus que ce nouvel album se présente sous la forme d’un morceau de 29 minutes. Quel que soit le style de musique, cet exercice reste un pari et un challenge tant pour le groupe que pour l’auditeur, notamment lorsqu’il s’agit d’Emo-Crust / Screamo prompt à casser les structures et à passer d’un instant à l’autre du chaos apparent à l’accalmie non moins apparente. De fait, l’absence de motif ou de mélodie récurrente ne donne pas vraiment l’impression d’écouter un seul titre mais plutôt d’assister à un concert au cours duquel les morceaux s’enchaineraient sans interruption. Cette sensation d’entendre trois ou quatre mouvements se succéder de façon très fluide est d’ailleurs renforcée par la lecture des paroles qui sont elles-mêmes divisées en blocs séparés par des injonctions en majuscules.
Au final, peu importe que Territorios ait été véritablement pensé comme un unique morceau ou qu’il soit le résultat d’un habile collage. Œuvre à l’indéniable dimension épique, ce second LP est un véritable condensé de l’Emo-Crust actuel. Tout en puisant ses racines dans les formations phares des années 90 Tenue incorpore, à l’image de Respire ou Gillian Carter, des influences venues de scènes autrefois opposées (Black, Post…) pour donner vie à un ensemble remarquable de cohérence et de fluidité.
Territorios s'écoute en intégralité ici.