Un véritable chef d'oeuvre intemporel.
Le groupe qui a inventé le silence musical!
Spirit Of Eden : chronique d’un suicide annoncé. Malgré un succès fulgurant et unanime, Talk Talk n’est déjà plus lui-même depuis longtemps en 1988. Mais le groupe le fut-il un jour? Ses pièces les plus intéressantes furent toujours jusqu’alors celles qui restèrent dans l’anonymat des trois premiers albums des britanniques. Entendons bien par là qu’elles ne furent pas ou peu radiodiffusées. Tout simplement. Les masses populaires, les radios et les maisons de disques ont-elles un jour vraiment compris ce groupe? Ce même groupe qui, en 1982, lors d’un concert d’ouverture pour Genesis allait finir sous les huées et les projectiles de fans de prog’ las d’attendre la bande à Gabriel alors qu’après avoir enchaîné leur répertoire New Wave de l’époque, Hollis annonce une reprise de… Pink Floyd.
Six ans plus tard il ne reste plus rien de cette époque. Les musiciens mêmes, ne sont plus tous ceux du début : Tim Friese-Greene prend une part toujours plus importante dans la composition des morceaux d’un groupe dont il sera pourtant à jamais un membre non officiel. Changement unique mais déterminant. Le groupe a dynamité les charts et s’est taillé la part du lion dans le paysage musical mondial à la force de ses mélodies - et de son talent. Tant et si bien qu’EMI n’est pas loin de dérouler le tapis rouge à Mark Hollis et ses acolytes.
Mark Hollis, justement, est peut être la seule constante notable en fin de compte. Sa voix et ses idées, voilà ce que, toujours, nous retrouverons chez ce groupe. Talk Talk est sa création et le groupe respire au rythme de ses choix, inspirations et compromis.
Spirit Of Eden ou la rupture brutale. Constante, l’évolution a toujours été le maître mot du groupe, comme si son leader cherchait encore après autre chose, malgré le succès. Le chemin parcouru entre 1982 et 1986 est déjà grand, cependant cette maturation rapide n’est rien en comparaison du fossé que va creuser Spirit of Eden avec la première partie de la discographie de Talk Talk. Avec son époque même.
Sur Spirit Of Eden, plus rien n’est pop. Du format des chansons, à la musique. Epuré à l’extrême, cristallin, Spirit Of Eden est hors du temps, hors de toute époque. La moindre note prend dès lors une dimension immense. Précieux et délicat, étudié mais évident, se reposant sur une section rythmique discrète assimilable aux battements d’un coeur, l’album s’envole loin des carcans, loin de là où tout le monde l’attendait, loin de tout. Libre, Mark Hollis, plus que jamais, arracherait des larmes à n’importe qui par son chant fragile et maniéré. Lui et Talk Talk semblent vivre pleinement pour la première fois et, parallèlement, laissent cette impression de nous dire adieu, comme conscients d’être allés trop loin, d’être allé au-delà du Rock, heureux et tristes à la fois. Mélancolie et impression d’accomplissement.
Indescriptible Spirit of Eden.
La suite est connue... EMI ne leur pardonnera jamais cette « trahison » et le public boudera cet étrange album, comme le suivant. En 1988, Talk Talk vit déjà ses dernières heures. En 1988 Talk Talk nous montrera peut être pour la première fois l’après-rock, le « post-rock », littéralement. Et comme tout pionnier, trop en avance sur son temps, restera alors incompris. Mais, consolons nous… la musique, elle, en ressortira grandie.
Difficile de décrire l'émotion qui ressort d'un tel album, quelque chose d'immensément pur, comme si chaque note était palpable et atteignait directement votre cœur.
Spirit of Eden, non seulement de n'avoir pas pris une seule ride, peut se targuer de voler bien plus haut que la plupart des sorties actuelles (dans ce style musical), à une altitude inatteignable, le jardin d'Eden évidemment.