Sunn O))) avait distillé les informations sur son nouvel album au compte goutte. Aucun leak sur internet avant le jour de sa sortie, aucun disque promo, rien si ce n’est des séances d’écoutes organisées dans quelques grandes villes, des reports de journalistes enthousiasmés par la première écoute, ainsi qu’un petit texte de présentation sur le blog de Southern Lord. On savait que Sunn avait tenté autre chose avec cet album et ça s’est confirmé dans quelques interviews où le groupe disait avoir exploré de nouveau territoires sonores, avoir aussi incorporé des ensembles de cordes et de cuivres dont le trombone de Julian Priester, auteur du magnifique album Love, Love sur ECM dans les années 70 et illustre collaborateur de Sun Ra, de Herbie Hancock (sur la trilogie Mwandishi / Crossings / Sextant notamment) et de John Coltrane sur l’album Africa / Brass. Et puis il y avait le nom du dernier morceau, Alice, en l’honneur d’Alice Coltrane – la femme de John – harpiste et pianiste de renom dont on imagine que les albums de jazz vibratoire à forte teneur spirituelle ont grandement apporté au duo. Avec toutes ces infos on avait en fait plus d’interrogations qu’autre chose à propos de ce fameux Monoliths & Dimensions. Et de sacrées attentes il faut bien l’avouer.
Et ces attentes n’ont pas été déçues. Pour couper court à tout faux suspens, Monoliths & Dimensions est probablement, à ce jour, l’un des meilleurs albums de Sunn O))). C’est aussi, comme ils nous l’avaient dit, leur opus le plus musical.
Aghartha, qui ouvre l’album, est à ce titre une véritable merveille. Non, ce n’est pas une référence volontaire au génial live éponyme de Miles Davis, même si tous les collaborateurs de cet album sont des fans convaincus du trompettiste. Disons que c’est plutôt un heureux hasard. Alors certes dans les premières secondes on se sent en terrain balisé : d'énormes riffs de guitare vibratoires à très basse fréquence qui font trembler les murs. Mais bien vite on remarque un travail sur le son encore plus énorme qu’il avait déjà pu l’être auparavant. En poussant le volume à niveau convenable, on entend tous ces détails, ces échos et ces nappes de son. Les vibrations diminuent, reprennent de plus belle, et le morceau respire, il prend vie. Et Attila Csihar (le chanteur de Mayhem) de broder autour d'une vieille légende qui révèle l’existence d’un continent sous les continents, à l’intérieur de la Terre, et qui répondrait au nom d'Aghartha. Ce dans la langue de Shakespeare, avec son génial accent hongrois en prime. Le morceau devient ensuite merveilleusement cinématographique, très imagé, avec un son et une ambiance ciselés. Grandiose.
Et puis il y a les deux morceaux centraux, plus courts, 10 minutes chacun, qui sont sans doute les morceaux les plus « classiques » (toutes proportions gardées) de Sunn O))). Pas péjorativement, juste que ça riffe comme jamais Sunn n’avait riffé, sur Hunting & Gathering (Cydonia) on jurerait même entendre Boris des Melvins mixé à n’importe quel morceau du Earth 2 de Earth. Tout cela ne fait rien perdre à la superbe de ces deux titres majestueux, avec leurs cœurs féminins glaçants de beauté et leur instrumentation luxuriante et parfaitement orchestrée. Cette grandiloquence fait prendre de la hauteur à l’album et lui donne une belle dimension spirituelle, païenne, mais sombre, jusqu’au profondément lumineux Alice.
Ah, Alice ! Jamais un morceau de Sunn n’avait sonné ainsi. Le récent live Dømkirke avait montré comme leur musique pouvait s’envoler. Avec Alice on est bien au-delà encore, plus haut, ou plus profond à l’intérieur. Il y a là quelque chose de presque floydien, d’aérien en tout cas. Le son des cuivres joue le jeu des larsens de guitare et même le silence, comme dans un morceau de jazz, devient musical. Au passage, comment ne pas penser à It's About that Time de Miles Davis sur l'album In a Silent Way ? Et puis le solo de trombone de Julian Priester qui conclut l’album, à tomber de beauté, inonde l’album d’une lumière éclatante. La musique de Sunn est plus que jamais vivante.
Monoliths & Dimensions est un album résolument tourné vers les hauteurs. Sa conclusion ne fait que mettre en évidence la lumière qu’il y a toujours eu dans la musique du groupe, en profondeur. Méditatif et simplement beau, Monoliths & Dimensions est une forme d’aboutissement en même temps qu’une mise à nu de la musique de Sunn O))).
A écouter : 1
Si je suis ton raisonnement burning frost je dois très mal écouter ce Monoliths & Dimensions, mais après quelques écoutes dans un espace temps séparé de plusieurs années ça reste toujours autant ennuyeux et pourtant mes horizons musicaux (que ça soit dans le metal ou pas) se sont nettement élargis.
Je ne veux pas faire mon troll mais essayer d'apporter une critique argumentée. La chronique est superbement bien écrite et pousse la curiosité du lecteur à devenir l'auditeur de cet album.
Les textures sont là, les nappes, l'ambiance travaillées dans la dentelle montrent à quel point cet album est un très bon travail artistique. Je ne vais pas nier ce point là. Ce qui me dérange le plus dans ce Monoliths & Dimensions sont les 4 morceaux... chiants comme le monde. J'y ai pris aucun plaisir à les écouter, et me forcer à chaque fois à finir les morceaux comme le skeud. Un calvaire. Je ne suis pas un fan inconditionnel de drone/doom metal mais j'apprécie néanmoins le précurseur dont le groupe rend hommage; Earth (surtout l'album The Bees Made Honey In The Lion's Skull). Je les compare sans forcément les comparer, les deux entités étant très différentes l'une de l'autre.
Sunn O)) a sorti là peut-être son meilleur album pour une grande majorité de son public qui n'est toute fois pas unanime. Je fais parti d'un public curieux, aimant la diversité musicale, bien qu'elle soit travaillée, si les compositions sont ressenties ennuyeuses à chaque écoutes il est donc intéressant de signaler que ce Monolith & Dimensions ne laissent pas de marbre chacun de ses auditeurs.
La fin d'Alice avec le duo cuivre/harpe est par contre agréable.