Voilà plusieurs années maintenant que Subrosa creuse indéniablement le sillon de son succès, notamment en proposant à chaque nouvelle sortie la qualité et l’exigence des plus grands. Ses deux précédents opus, consacrés par la critique, étaient déjà les témoins vivaces de cette si rare capacité à créer l’émoi des fans d’une scène Stoner/Doom pourtant obstruée par le nombre de sorties de ce type. S’ils y parviennent si aisément, c’est surtout parce qu’ils proposent et cultivent la différence. Celle qui, une fois encore, confère à For This We Fought The Battle of Ages toute sa qualité.
Cette singularité évoquée plus tôt, Subrosa la peaufine album après album. La base est ainsi claire pour quiconque ayant déjà jeté une oreille sur la musique des Américains. Un Doom plombé aux riffs inventifs et acérés, une voix féminine capable de se promener avec aisance entre graves et aigües ainsi qu’un violon virevoltant, jamais seul mais toujours bien présent.
Subrosa c’est aussi un travail soigné sur les pochettes, toutes plus belles les unes que les autres, notamment avec cette femme dépeinte dans un clair-obscur classieux.
Ainsi, For This We Fought The Battle of Ages respecte l’intégralité de ces critères et ne déboussolera guère l’auditeur averti. Dans la forme d’abord, six morceaux dont quatre dépassent facilement les dix minutes, rien de bien surprenant pour la formation. La recette fonctionne, nous le savons. Mais ce qui fait tout l’intérêt de ce groupe -et de n’importe quel autre- c’est bien sa capacité à se renouveler, à proposer encore et toujours la qualité qui ravira l’exigence toujours plus grande des fans à mesure que la discographie s’étoffe. Ce nouvel opus s’inscrit pleinement dans cette démarche.
Si le son Subrosa est bien là, les compositions ne se dévoilent pourtant pas de la même manière qu’autrefois. En effet, un acoquinement vers le Post-Rock se démarque aisément ici, tant les morceaux semblent plus aérés encore que sur l’excellent More Constant Than The Gods. Un côté progressif plus accentué qui ne peut que nous ravir, d’autant plus lorsque le niveau de composition est si élevé. Car s’il y a une chose dont nous sommes sûrs avec Subrosa, c’est bien l’attention portée à chaque instrument. Ce nouvel album ne déroge pas à la règle : la production est épatante de profondeur, jouant en permanence sur la dichotomie lourdeur/légèreté si chère au groupe. Pour autant, la violence des guitares semble ici globalement atténuée pour laisser plus d’ampleur à la mélodie. Pensons notamment à l’interlude Il Cappio, ou encore le morceau final Troubled Cells. Ne sous-estimons toutefois pas la puissance de feu des Américains, certains passages sur Despair Is A Siren ou Killing Rapture ravirons les amateurs d’un Doom plombé. La présence marquée de growls sur Wound of The Warden ou Black Magic viennent confirmer la volonté d’accentuer le contraste entre beauté mélancolique et passages déchirants. Une sorte de violence étouffée se met alors en place pour l’auditeur qui se voit emporté au cœur de cet écrin atmosphérique, à la fois épique, sombre et profond.
Subrosa ne semble pas prêt à nous délivrer un mauvais album. Succéder à More Constant Than The Gods n’était pourtant pas une mince affaire, mais le pari est ici relevé avec un album classieux et extrêmement travaillé dont les ambiances Doom feutrées ne pourront que ravir fans et non-initiés.