Plus de vingt ans après leurs débuts, le groupe porte
étendard de la scène underground française, Sublime Cadaveric Decomposition
sort un nouvel opus du nom de Raping Angels in Hell. Comment les parisiens
ont-ils adaptés leur sauvagerie avant-gardiste de l'époque aux temps modernes ?
Réponse en chronique.
Il faut déjà un peu replacer les choses dans le contexte. Les
années 90 c'était un peu l'âge d'or de la scène underground. Difficile à
concevoir aujourd'hui avec facebook, soundcloud, youtube et la pléthore
d'autres moyens de diffusion, mais à cette époque écouter une musique et
découvrir un artiste était un petit événement. Les cassettes tournaient
beaucoup sous les manteaux, et les bootlegs s'échangeaient comme des maladies
vénériennes. Aussi quand on tombait sur un groupe comme Sublime Cadaveric
Decomposition on allait de surprise en surprise. C'était inédit, lourd, rapide,
brutal, anarchique et jouissif, aussi je ne saurai que vous conseiller de jeter
une oreille sur I et sur l'Album II. (Oui on ne s'emmerdait pas
avec les titres à l'époque. Avec les paroles non plus d'ailleurs)
Mais aujourd'hui l'adage "Grind is Dead" est
devenu plus ou moins une réalité. À l'heure du numérique, du trigg, des
simulations d'amplis, de pièces, d'enceintes, bientôt pourquoi pas simulation
de bassiste, après tout c'est bien connu, ils ne servent qu'à conduire le van
et ranger le matos, comment un groupe qui a fait du garage, du crade et du non
conventionnel son fond de commerce peut-il survivre ? Sublime Cadaveric
Decomposition a la réponse : retravailler l'identité sonore en gardant l'esprit
grind. Ça passe par une guitare, avec un son très axé médium, qui a été doublée
pour l'enregistrement, une batterie avec la grosse caisse et les cymbales très
mises en avant, la caisse claire plutôt en retrait pour ne pas sonner
deathcore, une basse qui passe un peu à la trappe pour permettre d'aérer les
morceaux et l'ajout de paroles et de variations vocales au chant. Il n'y a qu'à
voir sur le dernier morceau, partageant son nom avec l'album, petite pépite au
demeurant, les différentes intonations et les différentes techniques employées
pour rendre les effets pour comprendre là ou je veux en venir.
Mais du coup n'est-on pas perdu par tant de changement ?
Non, car l'esprit est toujours présent. C'est surement une des choses les plus
difficiles à expliquer dans une chronique, ça dépend d'ailleurs peut être plus
du sentiment que du sensitif, mais c'est ce qui fait la différence entre une
musique qui tient un propos, et une autre un peu plus artificielle. Non pas
qu'une catégorie soit meilleure que l'autre, il peut y avoir objectivement des
morceaux très incarnés qui sont assez maladroits (Je suis sur que Fadadès a une
démarche originale et sincère), et d'autres qui respectent une mayonnaise déjà
connue et qui fonctionnent très bien ( Before I forget de Slipknot) On pourra
du coup citer les riffs hachés et en contre temps de The Day They Dissect Me qui
ne sont pas sans rappeler la piste 11 de l'album I (quand je vous disais qu'on
ne s'emmerdait pas avec les titres) La reprise mid tempo en sortie de riff
complètement typique du style sur Apostate Angels. Les magnifiques arpèges en
legato de Grumbling Hive.
Peut-on encore parler de grind pour autant ? Premièrement,
je suis convaincu que les membres de SCD s'en battent joyeusement les valseuses
de savoir s'ils collent encore à l'étiquette qu'on leur a donné ou non.
Deuxièmement, on est dans une catégorie de style où il y a tellement de
variations et de fusions dans tous les sens qu'il est compliqué de définir des
codes précis et si quelqu'un tentait d'imposer un guide, la plupart des
musiciens s'empresseraient sur le champ d'envoyer valser en l'air cette
contrainte. Cependant si l'on s'attarde sur l'imagerie et les champs lexicaux
de Raping Angels in Hell, avec des titres comme The Torture Chamber,
Medico-Legal Psalmody, on est clairement dans cet état d'esprit typique à cette
musique. Les changements radicaux de rythme et la guitare toujours à mi chemin
entre powerchord et arpège se revendiquent également légitimement de cet
héritage musical.
C'est un sentiment très positif au final vu qu'on retrouve
les bonnes idées, la brutalité et l'esprit d'avant avec des nouveautés dans la
recherche de son, de structures et d'énergie. Certes du coup on perd la notion
d'imprévisibilité et de chaos des opus précédents, mais Raping Angels in Hell est une bonne porte d'entrée pour ceux qui ne connaîtraient pas encore Sublime
Cadaveric Decomposition ou le grindcore au sens large.
A écouter : The Day they Dissect Me, Raping Angles in Hell