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Biographie

Sordide

Sordide est une formation Black Metal issue de Rouen composée originellement de Nehluj, Nekurat et Nemri. Deux de ces membres ont entre autre collaborés à d'autres projets comme Mythrim, Ataraxie ou Void Paradigm. Le premier album du groupe, La France A Peur, voit le jour fin 2014 et acquière dès lors une certaine notoriété car sorti chez les Italiens d'Avantgarde Music. Le titre est inspiré de l'affaire Patrick Henry et de son traitement médiatique. En 2015, Sordide sort une cover de Crève Salope de Renaud, tandis que Nekurat (basse) se voit remplacé par Nebhen. Le deuxième effort Fuir La Lumière sort fin 2016 chez Avantgarde Music à nouveau. Après un split avec Sataŋ, le trio signe chez Throatruiner records pour leur troisième album Hier Déjà Mort (2019). A cette occasion, ils ouvriront pour Sunn o))) à Rouen et tourneront une fois de plus en Europe.

17 / 20
3 commentaires (9.83/20).
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Hier Déjà Mort ( 2019 )

Depuis l'explosion de la seconde vague Black Metal au début des années 90, l'histoire a progressivement réhabilité la France comme un contributeur important au genre, ayant poussé son esthétique dans ses derniers retranchements, aussi bien au niveau visuel et musical qu'en terme de recherche sonore. Ça a commencé avec les Légions Noires, qui ont rapidement été suivies par Deathspell Omega et Blut Aus Nord, puis Peste Noire et d'autres qu'on trouve plus profondément dans l'underground. Ces musiciens ont tous marqué de leur triste sceau cette musique qui dépeint les recoins les plus dérangés de l'humain.

Dans cette dense forêt noire de riffs, Sordide se place comme un nouveau porte étendard de cette AOC Black Metal français. Enfin, pas si nouveau que ça en fait, puisqu'ils sortent déjà leur troisième album, et depuis La France a Peur (2014) paru chez les respectables Avantgarde music, les rouennais n'ont jamais déçu. Un trio incandescent constitué par une basse qui vous hérisse les poils, une batterie martyrisée et surtout un vrai savoir-faire du riff, qu'ils ont su travailler et ciseler avec les années. Que ce soit pour faire une reprise corrosive de Renaud ou un split avec les enragés Sataŋ, Sordide fait mouche à chaque fois et Hier Déjà Mort va même au delà des attentes en dépassant ses prédécesseurs, à tous les niveaux.

Affichant des chansons globalement moins longues, Hier Déjà Mort marque par sa force de frappe. La peur du noir résume bien la nouvelle formule alchimique qu'expérimente le trio, avec une guitare sous-accordée et une production plus riche qui donnent à Sordide un timbre allant lorgner vers le Sludge. Cette approche sonore différente permet également de mieux distinguer les voix écorchées des trois musiciens, et offre enfin à la basse toute l'assise dont elle avait besoin pour prendre de l'ampleur dans le mix et doper la puissance des compositions. Et cette production plus nette est contrebalancée par le fait que l'album a été enregistré en live, lui donnant une authenticité qui ne trahit pas l'aspect "raw" si essentiel à leur son, qui resplendit particulièrement quand on les voit sur scène. Sordide n'a jamais aussi bien sonné, dans le bon sens du terme. Ils ont accentué la lourdeur sur cet album et ce registre leur va comme un gant, comme on peut très bien l'entendre sur la chanson-titre. Cette signature de riff, qui leur a valu d'être salués par Fenriz lui-même, est toujours là et fait des ravages, aussi bien dans l'attaque à la main droite qu'avec quelques éruptions de tapping et autres fioritures de guitare bien pensées, qui accentuent l'impression de vitesse, d'urgence que véhicule Hier Déjà Mort.


Sordide signe donc ici quelque chose qui pourrait être observé comme l'aboutissement d'un cycle. En changeant encore de peau, ils laissent derrière eux un certaine nostalgie du son des années 90 pour adopter une approche plus personnelle. Qui peut bien savoir où ils iront ensuite ? Peut être quelque chose dans la veine des énigmatiques Prélude et Postlude ? En tout cas, c'est certain, nous tenons ici un album remarquable et ce serait dommage de s'en priver. Mais surtout, on ne saurait trop vous conseiller d'aller les voir en concert, car c'est bien là que tout le sordide de leur musique se ressent le plus.

A écouter : La peur du noir, Hier déjà mort, La Saveur de la fièvre

La France A Peur ( 2014 )

La France A Peur. Sentence télévisuelle lancée sur TF1 en 1976 au sujet du meurtre d'un enfant, cette allocution de Roger Gicquel ne sonne malheureusement pas faux, même trente ans après. Sorti fin 2014, ce premier album aura trouvé involontairement un écho fort funeste quelques semaines plus tard. Panique dans l’hexagone, état d'urgence, crise sociale, intellectuelle, perte de repères. Bordel, rien ne va mieux.

Un simple coup d’œil au coq menaçant de la cover suffit pour comprendre que Sordide ne joue pas un Black Metal qui va puiser son fiel dans les abysses infernales. Le trio est plutôt du genre à s'égratigner face au réel de notre douce France. Homo homini lupus est comme dirait l'autre. Défiant les hautes sphères de la crasse de son caniveau, le groupe sert un Black bâtard, violemment influencé par le Punk et ses gros sabots. Quoi de mieux pour peindre une réalité nauséabonde qu'un son brut et corrosif ? Live recording, no cut'n'paste, no editing nous dit-on, et ça se ressent méchamment entre la basse ultra-présente et le grain erraillé de la guitare, secondés par une batterie sonnant bien authentique. On pose là-dessus du riffing sans complications mais drôlement personnel qui va chercher les cordes fines pour les faire tourner en boucle (Pauvre Histoire). Pas question de faire dans le raffinement ou la virtuosité, ici on cause de la rue et on singe les puissants, on chérit le chaos et la dissonance des instrus pourvu que l'on tape plus fort que juste. 
 
En l'espace de sept morceaux, Sordide décline ses facettes Black/Punk partagées entre mid-tempos où la voix se fait une place de choix pour y cracher sa bile (Gloire, Violence) et les accélérations menées de front pas une basse en cavale et un tremolo-picking entraînant (L'Innocence). Mélange suffisamment efficace pour que chaque piste trouve sa place sans redite, équilibrant habilement l'opus. 
Mais là où les Rouennais se révèlent davantage encore c'est lorsqu'ils poussent l'auditeur à tendre l'oreille vers des textes définitivement cohérents avec la saleté de la musique. La chose est suffisamment rare pour être soulignée : Sordide, qu'on aime ou pas, nous parle sans détour, sans masque ou métaphores. Ni Nom Ni Drapeau rappelle les divisions du pays, Blâme la ségrégation sociale, ou Pauvre Histoire et notre passé sanglant.  Nehluj, Nekurat, Nemri nous poussent à remettre en question l'ordre social et sa hiérarchie, construction factice et désuète face à la condition humaine (A marcher sur les cadavres / De vos noms, vos gosses oublieront / Vos idées de grandeur / Vos visages, votre sang). Animée par une soif de justice, la formation va y chercher toute sa verve pour nous la balancer sans aucune forme de politesse. 

Par son verbe ou ses compos, Sordide clame haut et fort ses origines de la France d'en bas, crachant sur les privilèges et faisant fi de tout esthétisme superflu. La France A Peur marque un début de carrière singulier pour ces Normands, qui devraient dévoiler leur deuxième effort d'ici peu de temps. Espérons qu'ils ne décolèrent pas.

A écouter : L'innocence, Ni Nom Ni Drapeau