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Biographie
Sons Of Apollo est né du désir de Derek Sherinian de créer
un groupe avec son ex-camarade de Dream Theater, Mike Portnoy, après que les
deux musiciens aient partagé la scène lors d’un projet (uniquement live) avec
Billy Sheehan (Mr. Big, The Winery Dogs) à la basse et Tony MacAlpine à la
guitare. Le bassiste sera d’ailleurs rappelé pour former Sons Of Apollo ;
et le supergroupe est complété par Ron « Bumblefoot » Thal aux
guitares (ex Guns 'N Roses entre autres) et par Jeff Scott Soto derrière le
micro (Trans Siberian Orchestra, ex Journey, ex Yngwie Malmsteen).
L’annonce de ce line-up de tueurs est faite à l’été 2017.
Très vite, des premiers titres sont révélés sur YouTube, et un premier album
sort à l’automne de la même année. Sons Of Apollo indique vouloir jouer un
Metal sans l’aspect démonstratif propre au genre Progressif mais tout en
restant technique, voire virtuose.
Ne nous voilons pas la face : Psychotic Symphony était "juste bien". Pas à la hauteur du potentiel de ses auteurs, mais néanmoins un bon album. Mais surtout, il s'agissait d'un premier disque pour Sons Of Apollo (même si ses membres sont tous des vétérans), et pour cette raison il était permis d'espérer une meilleure prise de repères et une évolution intéressante pour la suite. A ce stade, vous voyez déjà où va cette introduction : disons que le bon point, c'est que si vous aviez aimé l'effort de 2017, alors MMXX ne vous décevra pas, tant il est similaire.
Cet opus "annéponyme" (MMXX en chiffres romains, vous l'avez ?) se place toujours dans l'exacte lignée "entre-deux-eaux" de son prédécesseur : on est tout à fait à la frontière entre Prog virtuose et Metal mainstream un peu groovy. Si les titres sont tout de même qualitatifs, on ne peut pas s'empêcher d'en attendre un peu plus que ça, venant d'une clique pareille. Surtout qu'encore une fois, les Sons Of Apollo forcent à la comparaison avec Dream Theater dès l'intro du premier titre (le solide Goodbye Divinity) et son intro qui fait écho à la période Falling Into Infinity de DT, et plus particulièrement à New Millenium. Mais donnez-nous des structures plus complexes, donnez-nous des riffs plus chiadés, nom d'une pipe mixolydienne en 13/16 ! Surtout qu'il y a des passages comme ça, ce qui prouve que ça fonctionne ; mais il y en a si peu... On dirait Dream Theater qui fait des reprises des Foo Fighters, ou l'inverse, on ne sait plus.
Mais en soi, les morceaux fonctionnent, même s'ils frustrent les plus "progueux" d'entre nous. Comme le premier album, MMXX a lui aussi son lot de mélodies qui marquent (le thème principal de Resurrection Day, la rythmique au son indus dès l'ouverture de Asphyxiation, l'intro et l'outro déjà évoquée pour Goodbye Divinity...), et un paquet de refrains qui sont super efficaces (dans Fall To Ascend, Goodbye Divinity, Wither To Black, Resurrection Day, New World Today...). La formation reste concentrée sur ces aspects et s'évertue à faire marcher leurs titres, ce qui fait que malgré les 7 grosses minutes de la première piste, on a des repères d'entrée de jeu et on comprend vraiment où le groupe veut en venir. Même les quasi 16 tours de trotteuse de New World Today passent à vitesse grand V, et seule une courte partie issue du passage instrumental pourrait être amovible.
Il y a néanmoins deux morceaux "temps mort" dans MMXX, qui sont Desolate July et King Of Delusion et qui se trouvent malheureusement être l'un juste après l'autre, formant un "quart d'heure chiant" qu'on passera facilement après quelques écoutes. Les deux ont des airs de fausse ballade, de mid-tempo se permettant des sorties vers une dimension plus saturée, la seconde étant plus sombre que la première. Clairement, Sons Of Apollo brille largement plus pour ses capacités (sous exploitées !) à schreder des solos trop rapides et à faire groover des mesures assymétriques, ou même à créer des énormes riffs brise-nuques, que pour ses power-ballades. Pourtant, le timbre grave et chaleureux de Jeff Scott Soto est parfait pour cet exercice, dommage que le rendu ne suive pas.
MMXX est donc à l'image de son artwork, au final. Il regorge de qualités, de détails ; mais c'est le même que celui de l'album précédent, et on attendait probablement un peu plus que ça. Dommage. Mais bon, après tout, ça fonctionne quand même, et on conçoit que les SoA n'aient pas voulu changer une équipe gagnante. Admettons.
A écouter : Goodbye Divinity
Une des fondations du Metal Prog se brise le 8 septembre 2010 : Dream Theater se sépare de Mike Portnoy, véritable emblème du groupe. Batteur, choriste et même quelques voix lead, membre fondateur, compositeur, producteur, directeur artistique, c’est même le père du musicien qui a proposé le nom de la formation. Après le choc de la nouvelle, le deuil : que ce soit du côté de Dream Theater ou de celui de son désormais ex batteur, plusieurs albums sont publiés depuis pour nous aider à digérer cette séparation. Sept ans plus tard, alors que les plaies semblent pensées, deux ex Dream Theater rallient leurs forces et créent Sons Of Apollo, un supergroupe dans la continuité musicale du Theatre Des Rêves.
Difficile, donc, de s’empêcher de comparer Psychotic Symphony aux travaux de l’ancien groupe de Portnoy et Sherinian, malgré leur volonté de s'en démarquer en laissant de côté la froideur d’une exécution trop technique, selon les communiqués de Sons Of Apollo. Et c’est vrai qu’on a vu le batteur s’épanouir dans un contexte plus Groove Rock, plus puissant et moins virtuose, comme dans Avenged Sevenfold, dans The Winery Dogs, ou dans Adrenaline Mob. Néanmoins, ces affirmations ne semblent pas franchement s’appliquer à ce nouveau groupe. Certes, les refrains sont catchy (God Of The Sun, Labyrinth, Coming Home, Divine Addiction…), mais le sont-ils plus que certains de Dream Theater (A Rite Of Passage est l’exemple qui me vient à l’esprit en premier) ? Les structures semblent un peu plus convenues sur la plupart des morceaux, mais pourquoi ne pas assumer complètement cette simplicité, qui semble pourtant volontaire, en évitant les gros pavés ? Eh non : Sons Of Apollo propose non pas un, mais deux titres à rallonge (God Of The Sun et Opus Maximus dépassent tous les deux les 10 minutes, d’autant plus que la seconde de ces pistes est instrumentale et met en valeur la maestria des quatre musiciens). Quant au riffing de Ron Thal au sein des titres, même s’il tricote moins qu’un John Petrucci ou qu’un Michael Romeo, le père Bumblefoot tartine quand même ce qu’il faut de sauts de cordes, de syncopes, de mesures asymétriques (le pont dans God Of The Sun en est le meilleur exemple), sans compter les solos de guitare et de claviers. Pour finir dans les comparaisons, il faut aussi noter qu’on retrouve des similitudes avec certaines pistes de Dream Theater… L’intro de God Of The Sun (oui, encore lui) a des réminiscences tantôt de Home, tantôt de Lines In The Sand ; alors que le pont délirant fait penser à la partie instrumentale au milieu de The Dark Eternal Night… Au final, la prétention de rester Prog en n’étant pas démonstratif ni sombrer dans l’excès de technique est plutôt un ratage. Ce ne sont pas les passages délibérément mainstream (le riff principal de Divine Addiction puis son refrain, par exemple) qui vont changer la donne, si ça joue ultra technique juste à côté.
Cela étant acté, Psychotic Symphony n’est pas mauvais en soi. On y dénombre même pas mal de bonnes idées : l’énorme riff principal de God Of The Sun ; les sons de claviers très typés Hammond, comme un hommage à Deep Purple ; des ambiances variées (du très Metal Lost In Oblivion au plus calme Alive, aux ambiances Rock Prog proche d’Ayreon ou de Marillion) ; la place de la basse dans le mix, vraiment audible (prenez-en de la graine, Dream Theater !) ; la fraîcheur du son de guitare apporté par l’instrument fretless de Ron Thal ; avoir séparé l’intro Figaro’s Whore du titre Divine Addiction, pour s’éviter facilement cette minute de solo de clavier inutile… L’exécution est bien entendu parfaite, ce qui n’est pas une surprise compte-tenu du C.V. des intervenants ; et même constat pour la production (assurée par Mike Portnoy et Derek Sherinian en personnes). On est agréablement surpris par le travail vocal tout au long de Psychotic Symphony, la voix grave et rocailleuse de Jeff Scott Soto se plaçant en porte-à-faux par rapport aux voix « high-pitch » communes dans le genre, pour un rendu des plus appréciables. Et même si les Sons Of Apollo proposent une musique pointue et technique, comme évoquée ci-dessus, cela ne les empêche pas d’avoir composé de nombreuses parties vraiment pêchues et efficaces.
Au final, ce qu’on regrette le plus en écoutant la première offrande des Américains, c’est tout simplement ses auteurs. Psychotic Symphony donne l’impression que Portnoy et Sherinian ont recruté trois porte-flingues de luxe pour satisfaire leur envie de rejouer du Dream Theater ; tout en refusant de l’assumer, en déguisant leur démarche derrière des artifices instables, pour faire croire qu’il s’agit d’un tout autre style de musique. L’opus est néanmoins pétri de qualités, à commencer par l’indéniable talent des cinq protagonistes. Comme il s’agit du premier, on fermera les yeux facilement, se laissant captiver par les points positifs de la galette. Mais on espère une suite dans laquelle Sons Of Apollo ne se voile plus la face et joue ce que qu’on attend d’un tel line-up avec franchise, et non plus avec retenue.
A écouter : God Of The Sun, Coming Home, Signs Of The Time.
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