Solefald
Avant-Garde Metal

World Metal. Kosmopolis Sud
01. World Music With Black Edges
02. The Germanic Entity
03. Bububu Bad Beuys
04. Future Universal Histories
05. Le Soleil
06. 2011, Or A Knight Of The Fail
07. String The Bow Of Sorrow
08. Oslo Melancholy
Chronique
Solefald est le genre de groupes avec qui il faut savoir s'attendre à tout. Suite logique de l'EP assez moyen sorti en 2014 qui avait relégué les grosses guitares au placard, World Metal-Kosmopolis Sud nous emmène faire un tour dans les contrées australes. Vision personnelle de l'exotisme de deux illuminés norvégiens.
Dès World Music With Black Edges et ses premières notes de piano sautillantes, on sent que Solefald est déterminé à nous transporter loin de son grand Nord natal. L'expérience s'annonce colorée et dépaysante, parsemée de mouvements et de cassures au fil des titres. Pas question de s'ennuyer car le duo ne se refuse rien parmi les instruments dont il dispose : le traditionnel attirail Metal bien entendu mais aussi un kalimba, une guitare venue du Zanzibar ou encore pas mal d'incursions électroniques. On pourrait croire à un bordel sans nom mais ce serait sous-estimer Lars et Cornelius qui livrent ici un opéra carnavalesque impressionnant. Il n'y a qu'à se laisser happer par ces voix haut perchées et ces orchestrations délurées pour entrer dans cet album aussi facile d'accès qu'élaboré. Même le titre sans doute le moins cérébral de la tracklist (Bububu Bad Beuys) fait son effet lui aussi, porté par des onomatopées répétitives (rappelant System Of A Down) et des percussions survoltées. Comme sur l'ensemble des morceaux, l'énergie est contagieuse et le génie musical présent en permanence; Solefald y place des vocalises harmonieuses donnant du crédit à cet hybride Techno/musique tribale.
En dépit de pas mal de séquences foutraques, les Norvégiens n'en oublient pas la beauté et la grandeur qu'ils maîtrisent tant. Comme quand résonnent les chœurs de The Germanic Entity lors d'un passage élévateur et épique, précédant un nouveau mouvement proche de l'Indus. De leur côté, l'endeuillé String The Bow Of Sorrow et Oslo Melancholy ne manquent pas de refermer sur une note plus sombre ce deuxième chapitre des Kosmopolis.
Ambitieux jusqu'au bout, le groupe brasse large jusque dans ses paroles. A la lecture de celles-ci, on réalise à quel point l'inspiration est puissante et étendue. Au choix entre l'anglais, le français, le norvégien, ou quelques bribes d'allemand, les textes chantent les grands événements du 20e siècle (Future Universal Histories), déplorent l'attaque meurtrière d'Anders Breivik (2011 Or A Knight Of The Fail) ou louent Le Soleil apostrophé dans la langue de Molière. Ce dernier morceau permet d'apprécier pleinement la poésie déclamée à cet « assassin des couleurs » par un ton grave perdu au beau milieu d'envolées majestueuses. Souvent énigmatiques, les vers sont ici aussi presque aussi capitaux que les notes qui les accompagnent pour espérer approcher l'essence de Kosmopolis Sud. A l'image de la musique, la plume est en constant va et viens entre histoires personnelles, Histoire nationale et mondiale, servie par des musiciens ayant le goût du théâtral et de l'avant-gardisme.
Bien qu'à ranger parmi les plus grandes prouesses de Solefald, difficile d'être exhaustif avec un tel ovni qui peut s'apprécier de manière très immédiate musicalement mais demeurer encore bien mystérieux après de nombreuses écoutes, le booklet sous les yeux. Affichant un spectre sonore très large, cet opus a la saveur des œuvres ouvertes à l'interprétation qui ébahissent par leur apparente bizarrerie mais qui nous laissent pensif et perplexe pour longtemps.