Slint

Indie Rock

États-Unis

Spiderland

1991

Chronique

par Falbala

L'écoute de Spiderland est une expérience unique dont personne ne sort indemne. Au-delà de toutes les analyses, dissections, interprétations, décompositions, au-delà de l'impact et de l'influence de cet album, érigé à juste titre en chef-d'oeuvre, il reste une musique indéfinissable, inclassable, infiniment subtile et complexe, dont la force et la profondeur mènent aux limites du supportable.

Car Slint transcende toutes les musiques, créant la sienne propre, aux réminiscences sublimes. Et les chansons, telles des poèmes frissonants, s'écoulent comme autant de songes frôlant le cauchemar, perdus dans des brumes opaques et lugubres. Immersion dans un monde étrange, sombre et inquiétant.
Dérive au long d'une musique fascinante, chaotique et lancinante.
Malaise latent, menace larvée, souffrance imminente.
Jaillissement de sons aigüs, acérés, cinglants, transperçant la chair, vrillant synapses et neurones. Musique insidieuse, triturant le corps et l'âme jusqu'aux spasmes nauséeux, musique hypnotique qui prend possession de l'esprit et le taraude sans relache. Spoken words énigmatiques, glaçant les sens et le sang ("Nosferatu Man").
Tension permanente, immanente.
Sur cet exquis supplice, viennent, telles de délicates et légères feuilles mortes, se déposer des mélodies d'une fragile nudité, frêles et vulnérables ; les spoken words se font alors carressants, rassurants et sensibles. Remission éphémère, havres incertains où la mélancolie mène à un obscur désespoir, où l'amour, impuissant, devient dissonant et disharmonique, où, toujours, le malaise, l'inquiétude s'insinuent, s'amplifient, jusqu'à dominer, jusqu'à tyranniser ("Washer").
Angoisse, tourment, prostration.
Et quand les riffs se font plus puissants, plus violents et la tension extrême, le corps, au bord de la rupture, n'est plus que nerfs à vif et se recroqueville en position foetale. La tête entre les mains, dans un balancement névrosé, on s'adonne comme une drogue à cette musique déréglée. Et les cris déchirants de détresse, désespérés, qui clôturent l'album, n'apportent aucun soulagement, aucune consolation, ne laissant à chacun que solitude et désarroi ("Good Morning Captain").

Et souvent, lors des mornes journées automnales, quand les larmes de pluie s'abattent sur les vitres, les mélodies de Slint et les mots de Baudelaire s'enlacent et s'enchevêtrent. Et de mes yeux embués coulent des larmes, car Spiderland n'est autre que le reflet de nos vies.

19

Sur Myspace, en live : For Dinner, Nosferatu Man, Breadcrumb Trail

Les critiques des lecteurs

Moyenne 18.67
Avis 6
DustyTill May 25, 2019 12:11
Meilleur album de tous les temps. Tout le reste est superfétatoire.
20 / 20
Chorizo May 9, 2009 13:00
Une claque émotionnelle, en tension. Le ventre noué tout le long. L'écoute est douloureuse, sur la brèche, "Washer" est à ce titre un bijou à tirer les larmes.



Au-delà du ressenti, ce disque est aussi au carrefour des genres, navigant entre post-rock, spoken words, grunge. Fondateur et culte.
18 / 20
vince-shi December 6, 2007 19:00
Superbe chronique. L'album est grandiose, doucement mélancolique, sous tension constante. Et le son est tout bonnement génial. Je le classe sans problème dans mes albums préférés.
18 / 20