Le groupe du youtubeur russe Alex
Terrible sort un nouvel album. Dans une musique qui va vite, tape fort et est
très agressive, il est difficile de se trouver une identité marquée, qui plus
est quand le genre est l’un des plus populaires à l’heure actuelle. Sur Kostolom, Slaughter to Prevail parvient cependant à être différentiable dès les
premières notes. On va essayer de comprendre pourquoi.
Le premier élément de réponse qui parait
évident, est la voix du vocaliste, très
connue dans le milieu pour sa puissance et sa tonalité caverneuse, reconnaissable
immédiatement. Un peu comme Slipknot à ses débuts, d’ailleurs.
Tout comme Corey avant 2002, la
voix d’Alex Shikolai est tellement puissante en growl qu’il a du mal à la
contrôler en chant clair. Le numéro 8 de Des Moines avait pris des cours de
chant entre Iowa et Vol 3 : The Subliminal Verses pour maitriser sa
colonne d’air et devenir le chanteur qu’on connait aujourd’hui. Le chant à
moitié en russe (et l'accent très prononcé du vocaliste en anglais) jouent aussi dans l’identité musicale de Slaughter to Prevail, cependant,
la voix n’est pas le seul élément qui donne au groupe une saveur particulière,
et contrairement aux apparences, ce ressenti
est dû à beaucoup de finesse et d’intelligence de leur
part.
On sent l’ensemble de la formation bien
plus en maitrise sur ce qu’ils font sur Kostolom. Au niveau des
cordes, les compères prennent le temps de faire durer des riffs pour mettre en
valeur le suivant afin d’avoir un effet maximum. On a des pauses bien senties, des mesures diminuées
qui laissent place à des breaks venus de nulle part.
Les lignes de guitare ne sont (pour une essentielle majorité) pas aussi graves
que tout ce qui se fait en ce moment chez la concurrence, ce qui fait gagner les
mélodies en lisibilité, un peu à la manière de Beneath the
Massacre. On a d’ailleurs parfois même droit à
des furtivités en sweeping qui rappellent le groupe québécois. Pour en citer
quelques exemples, on retrouve ça sur Baba Yaga ou Head on the Plate,
qui demeurent avec BoneCrusher (la traduction de Kostolom btw) les chansons les
plus abouties de l’album. Avec peut-être une mention honorable
pour Ouroboros. Le mix choisi est aussi particulier, très début 2000, et bien que
ça puisse sembler
curieux au début, c’était vraiment un choix judicieux de leur part de
positionner les guitares ainsi, toujours dans un souci de lisibilité globale.
Jack Simmons a beau faire le taf à la
compo et Alex Shikolai avoir une voix de nounours enroué, le boss du groupe est désormais
Evgeny Novikov, le batteur. Expliquer tout ce qu’il apporte
serait
compliqué en quelques lignes, mais si on n’a à aucun moment une sensation
d’ennui ou de déjà entendu pendant les morceaux,
c’est essentiellement grâce à lui. En substance,
il trouve toujours un moment pour rajouter un roulement entre deux coups, caler
un contre temps venu d’une autre dimension, ou
une rafale de double pédale assassine… Les exemples sont nombreux. À
coté de ça, ses beats sont très propres,
exécutés avec énormément de feeling et beaucoup de maestria, à la manière d’un Eloy Casagrande
(Sepultura). Ses nombreuses cloches (au moins cinq) sont, si on y prête attention,
ses moyens de ponctuer des phrases musicales et de casser le rythme, et les réponses entre elles sont des pépites qui viennent
tinter aux oreilles. Déjà dans Katalepsy il régalait,
mais là,
c’est vraiment la cerise sur le gâteau.
Slaughter to Prevail peut continuer sur
cette ligne-là
autant qu’ils veulent. Équipés de leurs masques dentés et dorés, les cinq
camarades au line up quasiment entièrement remanié depuis Misery Sermon ont
visiblement décidé de frapper un grand coup et de placer la Russie sur la carte
du deathcore. Changements gagnants ! Un album très lourd, à écouter et
réécouter !