Siskiyou

Folk / Pop

Canada

Nervous

2015
Type : Album (LP)

Chronique

par Chorizo

Première sortie de Constellation cette année, Nervous est un disque maladif. Écrit lors de la convalescence de Colin Hueber, alors atteint d'un mal mystérieux à l'oreille, qui engendra notamment une hyperacousie douloureuse, le nouvel album de Siskiyou porte en lui les stigmates de cette affection. Loin de rester prostré, le duo en fait pourtant matière à un nouveau souffle, offrant ici l'album le plus abouti et le plus gracieux de sa discographie, quatre ans après un Keep away The Dead qui mettait déjà la barre haute.

La chambre musicale dans laquelle évoluait Siskiyou semble ici voir ses murs lentement se rapprocher, jusqu'à l'étouffement. Tout en retenue, le jeu de cordes délicat du duo n'a jamais semblé aussi fragile, bâtissant de belles pièces à l'émotion non feinte. "Babylonian Proclivities", évoluant autour du violon trainant d'Owen Pallett, ou "Jesus in the 70s", et ses chuchotements angoissants, semblent pouvoir se briser à tout instant. Sans grandiloquence aucune, même lorsque la voix de Colin Hueber se rapproche dans ses plaintes de celle de Will Butler (Arcade Fire période Neon Bible, une influence étonnante sur "Bank Accounts And Dollar Bills" ou "Wasted Genius" qui rappelleront ces jours où ces derniers savaient encore émouvoir), Siskiyou tisse des mélodies folk rock au fil tendu, comme un journal au témoignage cathartique et délicat.

C'est donc à pas feutrés qu'avance désormais Siskiyou. Un rideau de velours noir entoure Nervous, qui donne à la production un aspect également calme et angoissant. "Violent Motion Pictures", pièce maîtresse du disque, est teinte d'une violence sourde impressionnante, que relèvent la progression inéluctable du morceau et le saxophone étouffé de Colin Stetson. On pense aussi à Thee More Shallows dans la clarté des mélodies et l'urgence qu'elles renferment. À de brefs moments, Siskiyou retrouve d'autres couleurs que le noir ("Wasted Genius", "Imbecile Thoughts"), ouvrant ainsi la porte à d'autres possibilités plus folk, plus enlevées aussi. Encore fébriles, elles amènent pourtant des éclats qui offrent un contraste particulier et appréciable à Nervous.    

Avec une économie d'effets palpable, Siskiyou parvient, à l'instar de Tindersticks, des compagnons de label, à puiser dans une palette d'émotions variées afin de livrer un disque classieux et en gardant le ton intimiste qu'on leur connaissait. Cette touche de noirceur, si éphémère soit-elle, n'est pas pour déplaire. Incontestablement une réussite mais on doutait qu'il pût en être autrement.

15

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