A l’heure où nous regardons d’un œil horrifié les déboires
de nos ancêtres aux siècles derniers, nous aimerions parfois voir en notre ère
le havre de paix, la démocratie limpide teintée de bons sentiments que l’on se
complait à nous vendre en permanence. Et
alors que certains tournent le dos d’indifférence, Silent Dawn souhaite en
découdre et annonce un « bas les masques » général. Prenant le
contre-pied de ce jeu de dupes, le collectif brestois se fait durant plus d’une
heure porte-parole de la révolte au fil de quinze titres Melodeath aux
influences diverses. C’est donc les armes à la main et la vendetta dans les
veines que nous nous plongeons dans ce Kleptocracy, le cœur rempli d’un espoir
de lendemains plus cléments.
Porte-drapeau de la vindicte, le groupe sert à la plèbe
avide d’en découdre un Death Metal rôdé, loin d’être le renouveau du genre :
voix de stentor, double-pédale et guitares saturées sont au rendez-vous pour
battre la cadence d’une armée d’insurgés. Optant pour un son et des plans
familiers aux amateurs du genre, les gars de Silent Dawn s’autorisent malgré
tout quelques échappées Indus via l’intégration de claviers et autres éléments
électroniques (« Masquerade Of The Inflamed »)qui se mêlent
agréablement à la rudesse des cordes et des fûts. Le mélodique n’est également
pas en reste, Kleptocracy est parsemé de soli et harmoniques mêlés à un chant
clair (rappelant quelque peu Dagoba) qui est certes rarement exploité de
manière optimale, mais employé avec une parcimonie à laquelle même certains
piliers de la scène ne savent pas se tenir. Le dosage de la brutalité et des
envolées lyriques est donc maîtrisé, les chants de victoire se parent de chœurs
agressifs tandis que la marche vers la liberté semble inexorable, n’oubliant
sur son passage aucun des oppresseurs. Dirigeants sataniques, belliqueux et
sans scrupules, tous en prendront pour leur grade si l’on en croit le quintet
breton.
Poussant le concept jusqu’à ses limites, Silent Dawn n’entend
épargner personne et a tendance à se perdre au cœur de cette quinzaine de
morceaux : l’ensemble est très conséquent, et l’auditeur moyen se verra
sans doute lassé à l’écoute de certaines tracks (« Fashion Control »,
« Electron Of Madness ») qui finalement apportent peu de nouveauté
arrivé au milieu du disque. Pour autant il serait dommage de manquer les
moments marquants de cet album : parmi eux, cet « Interlude 1 »
qui parvient à mettre en valeur le couple guitare solo/chant clair et que l’on
souhaiterait voir durer plus longtemps. On pense également à « Remember »
ou « Final War », pièces versant davantage dans les riffs accrocheurs
et les mélopées gutturales qui rythment l’album et font quelque peu oublier les
minutes moins plaisantes de la galette. Finalement, « Cycle Of Pain »
montre un véritable potentiel, l’émotion
se fait forte et c’est facilement que l’on se laisse bercer par ces notes de
guitare sèche avant que l’envie ne nous prenne de scander le refrain au beau milieu
d’une foule à l’unisson, accompagnant les musiciens d’un cri du cœur partagé
par la légion des insoumis.
Kleptocracy est une preuve irréfutable d’ambition de la part
de la formation, un projet colossal qui malheureusement perd de sa valeur du
fait de la longueur globale de l’œuvre. Sans doute qu’une sélection plus fine
de la tracklist finale eut allégé l’album, ce qui aurait ainsi permis de l’apprécier
uniquement pour les qualités qu’il nous offre. Prenons le pari que la prochaine
offrande prouvera l’évolution du groupe, car si l’on en croit ses lyrics, « Silent
dawn is the moment of hope, and faith is reborn each morning »
A écouter : Cycle Of Pain