Abyss est une chute. Une fuite en avant. Une plongée en eau croupie. Shipwreck, un prédicateur haineux qui s'est inoculé tous les germes du hardcore metal du côté de Cleveland : les miasmes d'Integrity, la lourdeur de Ringworm autant de caractéristiques qui confèrent à sa musique une puissance sans faille, l'efficacité d'un rouleau compresseur doublée d'une approche plus insidieuse, genre la pointe d'un javelot plongée dans un bassin de curare. Le tir de bazooka et l'arme de grand-mère. Impossible donc de calculer les bostoniens dès la première écoute sous peine de rater le principal, l'essentiel. De loin on pourrait penser à un énième rejeton qui va nous assommer de blast et de beatdown, nous achevant dès le troisième morceau. Mais de près c'est une autre affaire. Certes c'est puissant, carré et contondant, solide dans l'approche, mais la teneur véritable est ailleurs.
Shipwreck c'est la faculté d'intégrer quelques passages thrash sans sonner vieillot. De jouer puissamment sans paraître lourdaud. Shipwreck s'apprivoise, s'observe, a besoin de temps pour injecter son poison dans les organismes. Un hémisphère cérébral chargé d'assommer sa proie. L'autre distillant le vicié et l'insalubre façon Converge sur le très bon "Squall" introductif, dérivant par la suite dans un domaine beaucoup plus austère où le combo fait preuve d'excellence ("Zenith", "Ascent"). Les bostoniens dépassent leur propre ligne d'horizon pour aller chercher leur pitance dans des sphères moins convenues, intégrant une certaine dose de mélodie sans pour autant donner dans le mièvre ("Beached", "Helix"). Le tout propulsé par un sens du groove qui les maintient sur le droit chemin d'un hardcore toujours frais dont l'intensité ne faiblit pas d'un iota. Un premier album de grande classe, un coup de latte assuré.
Tracklist : 1. Squall, 2. Nereus, 3. Samur, 4. Beached, 5. Helix, 6. Miasma, 7. Lotus, 8. Erebos, 9. Thaw, 10. Ascent, 11. Zenith
A écouter : Thaw, Ascent, Zenith