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Biographie

Shape Of Despair

Fondé en hiver 1995, par les deux guitaristes death Jarno Salomaa, leader du groupe, et Tomi Ullgren, Shape Of Despair est un des groupes essentiels du doom finlandais. Loin du classicisme d'un Reverend Bizarre, la formation évolue plutôt dans un registre funeral doom riche d'ambiances désespérées et emplies de rêves. A l'origine, le groupe s'appelle Raven et enregistre une première demo sous ce nom en 1998, Alone In The Mist, avec comme chanteur Azhemin de Thy Serpent, et T.M. derrière les fûts. C'est à cette même époque que Nathalie S. rejoint le groupe et lui offre la voix angélique qui fait encore ses beaux jours. En septembre, de la même année, Raven change de nom et devient Shape Of Despair. A la sortie de Shades Of, leur premier album, en 2000, le groupe reçoit le renfort de Samu Ruotsalainen, le batteur de Finntroll, et T.M. passe au chant growl. Leur musique languissante, portée par des synthétiseurs créateurs de superbes ambiances vaporeuses et mélancoliques, leur ouvre les portes du succès. En 2001, Angels Of Distress enfonce le clou avec l'apport du violon de Toni Raehalme et un mariage très réussi entre les voix de Nathalie et de Pasi Koskinen (ex-AmorphisAjattara), dont le growl fait merveille. En 2004, la belle aventure s'est poursuivie avec un nouvel album, Illusion's Play, plus atmosphérique, sur lequel on retrouve à la basse, Sami Uusitalo de Finntroll. Avec un line-up enfin stabilisé, Shape Of Despair devrait encore surprendre dans les prochaines années. Très actifs, les Finlandais sortiront successivement un album éponyme en 2005, Written in my Scars en 2010, un split en 2011, avant de revenir en 2015 avec le sublime Monotony Fields, repoussant encore un peu plus les limites de la mélancolie.

17 / 20
2 commentaires (16.5/20).
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Monotony Fields ( 2015 )

De longues années d'attente et ça y est le voilà, le nouveau disque de Shape Of DespairMonotony Fields. Venant d'un groupe phare de la scène doom, et plus particulièrement funeral doom, on attendait quelque chose de grandiose.  

Le premier morceau Reaching The Innermost donne le ton. Riffs pachydermiques, nappes de claviers éthérées et chant guttural au possible. L'atmosphère est lourde, funèbre, prenante. On peut même entendre des chœurs angéliques en fin de piste. On se retrouve ainsi en terrain familier. Petite nouveauté, la longueur relativement plus courte des morceaux. La piste suivante Monotony Fields s'habille quant à elle d'un souffle spectral, le growl étant contrebalancé par des chœurs en arrière plan sonore. L'effet produit est saisissant, c'est beau tout simplement et profondément cathartique. Avec ces deux pistes magistrales, on perçoit bien vite que la puissance évocatrice de Shape Of Despair est intacte. 

Descending Inner Night se fait cristalline en ouverture et prolonge tant la démarche musicale que la thématique funèbre de ce Monotony FIelds où la mélancolie et le sentiment d'abandon sont rois. Les paroles sont définitives "As I helplessly watch The descending of The final inner night". La nuit est un refuge pour les âmes blessées, fêlées  qui hantent cet album. The Distant Dream Of Life mêle riffs plombés et mélodie plus fine et nous emporte dans l'abysse si proche de la mort, et pourtant "Still dreaming of life". Singularité de ce morceau, le chant clair qui fait son apparition. Encore une réussite éclatante pour Shape of Despair

Withdrawn laisse éclater le désenchantement complet avec des lyrics explicitant le désespoir "it's all over for me All my words perished All my deeds undone". Le chant semble nous parvenir d'une caverne obscure, profonde, effrayante. Les arrangements et les chœurs participent encore de la réussite de cette belle pièce de funeral doom. In Longing suit à peu de choses près la même trame avec le même recours à de longues plages musicales simplement habillées de voix claires magnifiques avant que le chant guttural ne prenne l'espace. Ce parti pris nous offre des moments fabuleux tant la musique et les voix s'entremêlent en un bouillonnement d'émotions. 

The Blank Journey s'ouvre sur quelques notes délicates de piano avant d'enfoncer le clou de la détresse. "Have I given Too much of myself For this journey' s'interroge le chanteur. Probablement, mais pour quel résultat ! On est encore une fois saisi par ces guitares destructrices, cette voix antédiluvienne, ces nappes de claviers glaciales, ces chœurs angéliques. Shape of Despair déconstruit la vie pour mieux enchanter la mort. Le requiem final Written In My Scars impose ainsi une dernière ambiance mortifère, imprécatrice, implacable.  

Shape of Despair nous comble avec Monotony Fields, un chef d'oeuvre de funeral doom, profond, hypnotique, éthéré autant que d'une lourdeur abyssale. Tout est merveilleusement à sa place sur ce disque où la mélancolie est reine, où la mort triomphe. 

A écouter : l'ensemble
18 / 20
7 commentaires (18.64/20).
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Angels Of Distress ( 2001 )

L’enregistrement de ce deuxième opus était une épreuve de taille pour le groupe. En effet, le grand succès d’estime rencontré par leur précédent effort les appelait à se surpasser pour continuer sur leur lancée et devenir un des groupes phares du doom finlandais, et pourquoi pas du doom tout court. Et force est de constater qu’ils ont réussi. Dès le premier regard, on sait à quoi on a affaire. Une forme diaphane ayant vaguement l'apparence d’un ange sur fond gris en guise d’artwork, et 5 chansons aux titres évocateurs, pour une durée de quasiment une heure. Pas de doute, c’est bien de doom dont nous allons parler ici.

Le cortège funéraire se met en branle sur Fallen, morceau relativement court comparé aux autres titres, qui plonge tout de suite l’auditeur dans un funeral doom du plus bel effet et qui donne le schéma que suivront à peu près tous les morceaux de l’album. L' atmosphère est lourde mais aussi très éthérée et prenante, chargée de tristesse, due aux claviers superbes ainsi qu’à une section rythmique très itérative et minimaliste, mais efficace, soutenue par les chœurs lancinants et par les envolées du violon, puis l’arrivée du growl en fin de morceau, monolithique, destructeur, sublime, aux lyrics annonciateurs du ton de l’album : « I’ve lost my strength, I’ve lost my sanity, I’ve seen myself falling and I’m tired to stand .»

Arrive ensuite le morceau titre, véritable pièce maîtresse de l’album. Tous les composants de la musique du groupe se confondent en une véritable danse mortuaire, avec cette atmosphère toujours plus pesante, menaçante, telle les dernières heures d’un désespéré. Quant aux voix, les chœurs toujours présents se marient à merveille avec le growl toujours plus destructeur. Les lyrics sont de toute beauté quoique difficiles à interpréter, mais qu’importe, la magie opère et nous voilà transportés dans le monde désespéré de Shape of Despair, en compagnie du mystérieux interlocuteur, caressé par sa voix sublime, pourquoi pas celle d’un ange de détresse (angel of distress): «Let me caress you,  Let me take you through my worlds ».

Cette structure toute en harmonie des éléments musicaux et en ambiances fabuleuses est suivie par deux morceaux, Quiet These Paintings Are et ...To Live For My Death..., tous deux assez semblables par leur durée et leurs textes, magnifiques de simplicité encore une fois. Ainsi, pour le premier, ceux-ci sont basés sur d’étranges couleurs qui lentement perdent de leur éclat, à n’en pas douter, les couleurs de la vie, « Quietly these colours will fade, but soon they will be as one », uniformisées dans la mort. Quant au second, il s’agit d’une interrogation existencielle qui débouche sur un constat terrifiant, implacable, irréversible: « I did not want to live for my life, nord did I even want to life for my death ». Ces textes expriment de plus en plus explicitement ce qui est à venir, l’inéluctable fin.

Le morceau final, Night’s Dew, est un instrumental qui sert d’outro au disque. Il s’agit du morceau le plus « rapide » de l’album (entendons nous bien, il s’agit de funeral doom), où les instruments fusionnent dans un final extatique;  l’ambiance est à son apogée tandis que le rythme retombe puis repart, amenant lentement notre âme à sa destination finale. L’absence de lyrics n’est pas un problème, et confirme les intentions que nous pressentions de plus en plus au fil de l’album : notre chanteur et guide s’en est allé rejoindre les anges de détresse, et cet album n’était que le cheminement de son âme vers son but ultime.

Shape of Despair réalise avec Angels of Distress un véritable chef d’œuvre, peut être la plus pure incarnation du funeral doom. Comme souvent, les aficionados du genre adoreront, les autres s’ennuyeront ferme, mais certains néophytes y trouveront leur compte, tant cet album peut être considéré comme une superbe fenêtre sur le genre. A travers ce disque, il nous est permis de plonger plus profondément encore dans l’univers abyssal du groupe, un monde ou tout n’est que tristesse et où lumière et espérance sont bannies à tout jamais, une représentation parfaite du désespoir, la vraie « forme du désespoir » (shape of despair). We’re all doomed, and we love it.



 

A écouter : encore et encore, till the end.