Il ne fait aucun
doute que pour beaucoup d’entre vous, les trois années d’attente qui ont séparé Communion de The Great Mass ont été très, très longues. Quelle suite offrir à Communion,
un album charismatique, inspiré et puissant, qui a joui d’une charge
émotionnelle assurée par des refrains inoubliables (Annubis, Sunlight
Moonlight, Sangreal) ? Ce même album qui a permis aux Grecs d’accéder
enfin à la notoriété et à la reconnaissance qu’ils ont cherchées pendant tant
d’années !
Dès lors, le suspense est total et la question sur toutes les
lèvres : les Grecs ont-ils réitéré l’exploit, le miracle même, avec The Great Mass? Ou au contraire sont-ils tombés dans la facilité et
projettent maintenant d’assurer la première partie de Justin Bieber ?
Voici sans plus attendre un élément de réponse qui fera pousser à certains un profond
soupir de soulagement.
D’entrée, on
remarque que la formule n’a pas changé. Septic flesh reste Septic flesh, et la formation nous
assène son death métal empreint de mysticisme perdu entre légendes sumériennes,
égyptiennes et chrétiennes, le tout relevé d’orchestrations sombres et grandiloquentes
et de constructions à double vitesse à couper le souffle. On évolue donc en
terrain connu, mais cela reste tout de même un plaisir que de retrouver le
combo en pleine forme.
Pour ce nouvel opus, les Grecs ont décidé de mettre le paquet. Et pour ce faire, le groupe a fait appel ni plus ni moins à l'orchestre philharmonique de Prague pour les orchestrations, et à l'incontournable Peter Tägtren à la prod, qui soit dit en passant a fait un boulot monstrueux avec les parties de musique classique. Septic flesh avait tous les atouts en main pour nous faire rêver.
Disons-le tout de suite, cet opus a clairement été pensé pour plonger
l’auditeur dans l’inquiétude et l’insécurité, et ce dès la pochette, une statue
gris pâle tombant en arrière dans une pose dramatique et dont le cou ouvert met
à nu une chair rouge vif qui contraste violemment avec le reste de l’artwork.
Le ton est donc
donné avec le visuel, et l’album sera du même acabit : les orchestrations
théâtrales délivrées par l’orchestre, qui lorgnent vers
le gothique (A Great Mass of Death, Oceans of Grey), contrastent avec le death metal
rythmé et sans concession des helléniques (Five-Pointed Star, Vampire of
Nazareth, The Undead Keep Dreaming) et le chant spectral et lancinant de Sotiris
tranche avec la voix d’outre-tombe de Seth. La voix claire fait d’ailleurs plus
d’apparitions sur cet opus, que ce soit pour soutenir le chant guttural de Seth
ou pour s’y opposer. Le contraste s’effectue également au sein même des pistes, qui se révèleront leurs richesses au fil des écoutes, et qui changent
brusquement d’orientation avec une redoutable efficacité, comme Pyramid God (dont
les violons vous rappelleront sûrement le thème d’un certain film de Darren
Aronofsky sorti en 2000 (Requiem For A Dream pour ceux que ça soule de chercher))
ou The Vampire of Nazareth sur lequel s’invite Iliana Tsakiraki (Meden Agan)
pour faire profiter au groupe de sa voix d’opéra.
Avec Rising et Therianthropy, le groupe a aussi essayé de reproduire des titres
dans la même veine que Annubis ou Sunight Moonlight, à savoir des titres plus
mélodiques et efficaces, mais le résultat est moins convainquant que sur les
chansons sus-citées. Les constructions labyrinthiques de Communion trouvent
écho sur The Great Mass à travers notamment Mad Architect, à l’intro affolée et
affolante. Enfin, et pour en finir avec les comparaisons avec Communion, notons
le travail de titan effectué avec les orchestrations, qui non contentes de
soutenir les compos en prenant diverses formes (chœurs, violons, clavecins,
cuivres, nappes etc), sont à présent des éléments à part entière. On assiste à
une réelle fusion des genres, fusion maîtrisée à l’extrême et qui insuffle à
l’album un souffle épique en plus de lui fournir un équilibre intrinsèque parfait,
entre brutalité pure et ambiance torturée et tragique.
Vous pouvez
respirer de nouveau. The Great Mass, surclasse bel et bien Communion. Peut-être
manque-t-il aux titres un soupçon de charisme qui nous aurait permis de mieux
les garder en tête, comme Septic flesh a su le faire sur Lovecraft’s Death, Babel’s
Gate ou encore Persepolis, dont les hymnes résonnent encore dans nos oreilles.
Gageons que les Athéniens ne sont pas au sommet de leur art et qu’ils sauront
trouver le moyen de le pousser à son véritable paroxysme sur le prochain album.
C’est du moins tout ce que l’on peut leur souhaiter !
A écouter : The Vampire of Nazareth, A Great Mass of Death, Apocalypse, Mad Architect