Sed Non Satiata
Screamo / Post

Mappō
Chronique
Après le succès du s/t, Sed Non Satiata se devait de perdurer. On l’espérait, on l'attendait, on l'imaginait, mais on n'a jamais véritablement saisi l'essence de Mappo (littéralement "La Loi Finale", enseignement du Bouddha parvenu à une époque d'incompréhension générale et destiné à disparaître) avant chaque nouvelle écoute. Cycle sans fin, Ouroboros musical, cet album ne se termine que pour mieux se relancer. L'entrée en matière d'"Extrospection" ne vaudra que si la fin de "Soma" été captée, à un tel point que l'effort de Sed Non Satiata de faire un disque plus étalé que l'éponyme en renforce l'unité. Des passages plus Post aux envolées screamoïsantes, le combo ne lâche jamais, armé de son double chant et de ses jeux de cordes pour faire de "Nemesis" ou "Entropia" de petits brûlots dont on n'arrive jamais à éteindre la flamme.
Car tel un révolutionnaire au cœur meurtri, Sed Non Satiata se jette à corps perdu dans la bataille, celle dont le précédent héros tombé au combat - Daïtro pour ne pas les citer - avait déjà brandit son étendard sur Y. Cette tâche rouge, première entrée en matière de Mappo, ouvre une voie directe sur les mots de "Sehnsucht" ou "Ghost", et la french-way-of-screamo n'est que mieux représentée à chaque titre qui passe. On ne jettera pas l'héritage d'Amanda Woodward, Gantz, Daitro ou encore de Mihai Edrisch, mais on rajoutera celui-ci en nouvelle pierre. Lorsque SNS et Daitro se côtoyaient le temps d'un disque en 2008, on ne pouvait deviner que les Sudistes prendraient la suite entre Emo, Post et Screamo, sur le s/t, puis définitivement avec Mappo, allant jusqu'au douceureux "Soma". Globalement, c'est un melting pot de ces genres malmenés depuis plusieurs années qui donne le rythme ; passages plus posés aux airs de Y, détresse de "Nemesis" rappelant "Entre Les Mots" et "Sans Andrea" aux atours instrumentaux de La Chambre Des Morts. On est toutefois loin des élans plus rocks d'Aussitôt Mort sur Nagykaniza, même si le registre est le même sur le papier.
Il est à noter que le combo signe ici certains des meilleurs titres de sa discographie, "Nemesis" et "Vague à l'âme". Tant par les mots que par les notes, Sed Non Satiata appuie, comme avaient su le faire "Urgent d'Attendre" et "Les Colonnes De Soies" en leur temps, là ou la musique touche le plus. Tout se joue sur le pathos, le langage ("Je ne sens plus que l'effroi et la douleur des sévices") n'est qu'un outil de transmission au même titre que les instruments.
Peut-on intellectualiser le tout et gonfler le torse de fierté d'avoir saisi le message caché de Mappo ? Au-delà des mots, qui s'agencent en contant le malheur, est-il possible de voir autre chose ? Dans "Entropia", la déception humaine côtoie le renoncement et la volonté de s'accrocher, quitte à saigner. "Vague a l'âme" clame la volonté d'oubli, de se détacher de certaines choses. On n'y voit que très peu d'espoir, si ce ne sont sur les derniers mots de "Soma", mais plutôt la résignation et l'effacement de l'être.
On se laisse porter, jusqu'à la fin, tels ces personnages condamnés de l'Ile des Condamnés (Stig Dagerman), sans lueur d'espoir véritable ("Je ne sens plus que le souffle froid, qui dans mon dos se hisse. / Je ne sens plus que l'effroi et la douleur des sévices.").
Suite au départ dans l'ombre de Daïtro, on pouvait se demander qui reprendrait la place. Il n'y a aucun doute : Sed Non Satiata en a la carrure. L'éponyme nous le suggérait, Mappo nous le confirme.
"Il y a un certain plaisir à pleurer. Par les larmes, la douleur s'épuise et s'exhale." (Ovide, in Tristes)
A écouter : 1