Comme lorsque l’on sent l’approche de l’hiver dans le souffle du vent, Saor se construit sur un ressenti. D’abord celui de la musique, évident et simple par l’expression de sa force puis, plus subtilement, par ce qu’elle porte. Avant d’entrer dans cet univers, il faudra passer les Guardians, veilleurs formidables au service d’une œuvre peu commune.
Guardians sort 2 ans après le très bon Aura, délai assez court quand on sait qu’Andy Marshall est seul auteur compositeur et interprète. 5 titres de plus de 10 minutes chacun pour un résultat d’une cohérence et d’une qualité rare. Chaque seconde est empreinte d’une magie unique, faite de subtiles variations (Autumn Rain), de calmes (Hearth) et de tempêtes (The Declaration). Sans révolutionner le genre, Saor fait du très bon Black Folk, basé sur des mélodies traditionnelles jouées avec des instrument non saturés qui sont étirées et transformées pour évoquer les terres pelées par le gel et où la vie en elle-même est une forme de courage. Polies par de nombreuses couches d’instruments différents, elles deviennent un propos à part entière, le nombre d’or de la construction de rêves épiques.
C’est pourtant bien au-delà de la qualité de son écriture que réside l’intérêt de Saor. On n’écoute pas Guardians en faisant autre chose, on ne comprend réellement son impact que quand le cœur se soulève avec violence, quand la musique délaisse le cerveau et son analyse pour déverser ses vibrations directement dans l’âme. Au-delà des mots, ces envolées furieuses comme le vent, ces accalmies et caprices racontent l’histoire d’un peuple fier, faite de martyrs et de tyrans, de racines qui grondent de colère et d’espoir s’abreuvant du sang de tout un pays. Les mélodies débordent de leur lit musical et entrent en résonance avec une multitude d’ombres inconscientes qui dansent devant nos yeux sans que l’on puisse les voir.
Saor est d’une grande sophistication. En plus d’être une belle pièce de composition, c’est au niveau du prisme des sentiments que l’on trouve l’intérêt de Guardians. Fort, beau, sauvage, intense, les qualificatifs pourraient être aussi nombreux qu’inutiles alors qu’une écoute attentive suffit à dévoiler les trésors que protègent ces Gardiens.
A écouter : Oui