Des horizons tristes et mélancoliques, des tourbillons de rage voilés d'un halo de mélodies désenchantées, mais toujours et au-dessus de tout, la lutte, même désespérée, la rébellion, même désabusée. Colère et détresse face à cette société consumériste qui dégrade l'homme, et les samples extraits du film Network de Sidney Lumet (1976), appuient avec force la critique du néocapitalisme sauvage et deshumanisé que dénonce Sand Creek Massacre.
Dans la lignée de Tragedy, parsemée de jaillissements épiques rappelant Alpinist, les néerlandais procurent de l'ampleur et de l'envergure à leur musique, cherchant à créer une atmosphère particulière et une tension tangible. Les titres, aux multiples variations, ne perdent jamais de leur intensité, conservant impulsion et dynamique sur les mid-tempos. Des passages rapides, enlevés, effervescents, un chant ravageur, des riffs efficaces et percutants et de belles mélodies qui s'amarrent dans nos mémoires, Sand Creek Massacre est à la hauteur de son ambition musicale et "Beneath The Waves", tragedyen à souhait, un véritable hymne à entonner sur les barricades.
Il n'y a là effectivement rien de véritablement novateur, mais Sand Creek Massacre nous offre quatre titres de haute volée, excellemment bien composés et superbement inspirés, qu'il serait fort dommage d'ignorer.
Est-ce la faute de Years of Decay si le spectre lumineux de nos sociétés se décline uniquement du gris au noir ? Entre résignation et tentation de reprendre les choses en main, l'espace est plus ténu qu'il n'y paraît. Le temps d'une réflexion, d'un sentiment, d'une image, d'une parole, on passe du combat à la soumission. Et vice-versa. C'est un peu comme celà qu'il faut voir Years of Decay. Vindicatif, punk dans l'esprit et dans le verbe, les rennais surfent sur la vague suédoise des Totalitar ou Krigshot pour exprimer une colère primaire que les deux basses de JB et Greg se chargent d'expectorer de la façon la plus dure qu'il soit ("The Screams of Dying Cowboys (Redneck Olympics) - Consume", "Walk the Tightrope").
Lorsque vient le temps du doute, les mélodies prennent le dessus ("Dominations"), le chant de Caro devient plus craintif, maladif, anomique (superbe "Life & Agony"), Years Of Decay présentant alors un profil plus fragile, davantage tourné vers les formations comme Schifosi. Des titres plus précis, plus percutants aussi, un contenu peut-être un poil plus homogène que le premier lp paru en 2007 pour un résultat largement positif qui laisse pas mal de regrets à l'heure où le groupe semble avoir mis la clef sous la porte.
Sand Creek Massacre et Years Of Decay proposent un split de grande classe et d'une réelle efficience. C'est également l'occasion de mettre en avant la vitalité et le talent de la scène crust mélodique européenne, qui à la suite des maîtres américains que sont Tragedy, Remains Of The Day et From Ashes Rise et des espagnols d' Ekkaia, présente une floraison de groupes d'une qualité remarquable avec notamment Alpinist, Finisterre, Minuala, Fall Of Efrafa, Easpa Measa, Lies Feeds The Machine ou autre Divisions Ruin.
Tracklist : Sand Creek Massacre side, 1. Black Haven, 2. What If You're Right?, 3. I Fail, 4. Beneath The Waves. Years Of Decay side, 1. Walk the Tightrope, 2. Dominations, 3. New Heretics, 4. DNA, 5. The Screams of Dying Cowboys (Redneck Olympics) - Consume, 6. Life & Agony.
Le split est dispo chez Subversive Ways.
A noter que les deux faces sont dispo en dl sur les sites de Years Of Decay et Sand Creek Massacre.
Merci à Fragone pour le paragraphe concernant Years Of Decay.
A écouter : Beneath The Waves, Black Haven (Sand Creek Massacre), Dominations, Life & Agony (Years of Decay)