D'après ce que j'ai pu
en entendre et lire, ce nouveau Saint Vitus a laissé pas mal de
monde déçu voir un peu amer.
Cela m'a d'autant plus
surpris qu'il m'a plutôt enthousiasmé. Effectivement, il m'a été
difficile de ne pas apprécier ce disque qui m'a paru comme être la
continuation logique et presque normale de la discographie des
parrains du doom. C'est comme si ils ne s'étaient jamais séparés,
l'alchimie est toujours là. La sauce prend dès la première piste,
une Let Them Fall revancharde sur laquelle on reprend immédiatement
goût au groove d'outre-tombe caractéristique de leur musique, comme
un heavy sous lexomil qui garde sa force et son attaque derrière une langueur morbide.
On pourrait comparer ce
Lillie : F-65 à Frozen In Times d'Obituary, qui avait marqué
le retour du groupe par de nouvelles compos quasi-identiques aux
anciennes. Mais là où les floridiens avaient pêché, c'était par
manque d'inspiration et par écriture presque automatique. Mais ici,
point de fausse entrée, ni de flagrant délit de repos sur les
lauriers. L'inspiration est toujours là, le talent est toujours là.
Il y a quelque chose de presque magique d'entendre un album qui
aurait très bien pu sortir il y a une grosse quinzaine d'années et dont on
peut déguster toutes les saveurs comme au premier jour. Dave
Chandler a exactement le même son de guitare qu'avant, que la
production s'est évertuée à rendre à l'identique avec cette espèce
de saturation qui sent à la fois le cimetière et la poussière, ces
putains de riffs qui peuvent limite renvoyer Justin Oborn d'Electric Wizard
à ses chères études si j'exagérais, et ses furieux solis à la
limite du noise. On retrouve toujours ces envolées punk à la Black
Flag qui donne au Vitus toute sa différence par rapport au Doom traditionnel très orienté NWOBHM (sur The Bleeding Ground
particulièrement), des doomeries carrément glauques qui vous font
sentir comme un croquemort dépressif en plein dans sa quatrième
oraison funèbre de la journée (The Waste Of Time, avec son riff qui
a le goût d'un bad trip en milieu urbain délabré) et du larsen
en-veux-tu-en-voilà sur une Withdrawal qui anachroniquement, ne
laisse plus de doute sur la provenance de l'accordage des guitares
d'Eyehategod. En prime, le Vitus se paye même le luxe de nous
gratifier d'un tube, en l'occurence Blessed Night, dont la coolitude
sommitesque reste très longtemps en tête (on ne se demande pas
pourquoi ils ont imprimé des ticheurtes à son effigie) et qui ne
quittera à mon avis jamais la setlist du groupe jusqu'à sa fin grâce à sa puissance rock'n'roll qui fait malheur en live.
La seule différence que
l'on peut sentir se fait sur le chant de Wino, qui tel un vieux
whisky, a prit énormément de bouteille avec le temps et toutes ces
années à trainer du côté du stoner, s'est chargé d'une saveur
rock'n'roll des plus délicieuses qui se fait sentir dès que besoin
est avec ses petites intonations rocailleuses très The
Obsessed/Spirit Caravan ect...en se mêlant dans les complaintes doom
typiques qu'on pourrait croire venu droit de Born Too Late, le côté
geignard en moins.
Après malgré toutes ses
qualités (tout de même un peu subjective, mais la part de
subjectivité d'une chronique est tout de même importante sinon
on en serait réduit à commenter les compétences techniques d'Imgwe Malmsteem plutôt que de vous expliquer à quel point Ceremony vous
tabasse la gueule et le mental et que c'est pour ça que vous devez
les écouter), je peux comprendre que ce disque soit décevant pour
certains. Oui effectivement, sept chansons seulement après près de
vingt ans d'absence, ça fait un peu léger, d'autant plus qu'en
enlevant Vertigo et Withdrawal (deux instrumentales sympathiques mais
pas forcément obligatoires), ça ne fait plus que cinq.
Effectivement, ne faire que reprendre les choses là où ils les
avaient laissés, même avec talent, ça peut paraître insuffisant
pour un groupe désormais culte et dont la réputation règne sur le
genre doom comme une autorité presque vénérée.
Mais honnêtement, si cet
album est une bonne surprise pour moi, c'est parce que je n'avais pas
beaucoup d'attente vis-à-vis de Saint Vitus, dont je considère que
cette reformation tient quasiment de l'accident historique
miraculeux. En effet, à l'époque, tout le monde s'en battait
royalement les couilles et malgré la capitalisation d'une réputation
qui n'est plus à faire, une réunion éclair en 2003 n'avait pas non
plus soulevé l'enthousiasme de la plèbe. Et si on prend en
considération les polémiques sur quel chanteur doit revenir, les
relations entre les membres, le batteur original qui clamse
entretemps et le fait que Wino soit un PUTAIN de poissard (tout ce
qu'a entreprit ce mec au plan personnel comme musical a fini par
lamentablement foirer et tout ça bien malgré lui. J'ai un immense
respect pour ce mec qui a une vie à pleurer mais qui n'a jamais lâché le morceau), je n'aurais pas misé grand chose sur ce cheval
là.
Donc quand d'autres
attendaient comme le Graal une nouvelle galette de la part du Vitus,
je regardais l'avancée du projet - initialement quelques concerts
avec une forte audience histoire de se refaire de la lose d'antan -
de loin en attendant le moment fatidique où ça allait inévitablement
foirer. Voilà pourquoi ce Lillie : F-65 m'aura tant plus et
déçu les autres : je m'attendais à une bouse, j'ai eu un très
bon album de doom. D'autres s'attendaient à une délivrance divine,
il n'ont eu qu'un très bon album de doom.
A écouter : Let Tjem Fall, Blessed Night