Difficile de canaliser tant de passion et d'enthousiasme pour un disque d'une telle qualité tant ce genre de rencontre auditive est rare ! La première excursion se révèla incertaine et étrange, dans la quête de repères je tentais de raccrocher chaque notes à des bases connues. De ce premier regard, je n'ai su tirer que la nette image de Tool. Il faut reconnaître que S-Pam multiplie les points communs et certains passages troubleront même les plus avertis. La construction des morceaux, la manière d'aborder la rythmique et les mélodies, beaucoup d'éléments forcent la comparaison, plutôt élogieuse d'ailleurs. Mais c'est en multipliant les écoutes et en approfondissant l'exploration de chaque morceau que la vision s'éclairçit, les deux formations sont à la fois semblables et différentes, telles deux droites parallèles qui ne se croiseront que si l'on s'écarte du modèle de pensée admis par la majorité. L'idée d'un potentiel clone se dissout alors dans la richesse bluffante d'un aussi jeune groupe.
Passé le mur d'enceinte, on découvre une architecture agressive, flirtant aussi bien avec massivité que légèreté, mais parfaitement réfléchie et organisée. L'absence presque totale de voix renforce l'aspect inaltérable de chaque minute écoulée en ces lieux. Si quelques paroles se font entendre, elles savent se placer en retrait et demeurer discrètes telles des enjolivures à la fois superflues et indispensables. Les compositions se montrent bien souvent indomptables, la base basse/batterie insufle le nécessaire de violence pour rendre certaines minutes hostiles et inhospitalières. Les ambiances s'affrontent, se croisent et se conjuguent rendant l'édifice totalement inclassable. Le trio excelle dans la pratique d'une sombre lourdeur maîtrisée à l'image d'un Memento que seules quelques riffs de guitares parviennent à éclaircir. Le spectre de leurs influences se fait insistant par instant (les intros de Warm Blue ou de Sin Gas laisse planer quelques secondes des sonorités d'origine Toolienne) mais se dissipe dans la durée des morceaux. Car c'est vraiment dans l'aspect étiré des compositions que les reliefs se montrent les plus intenses et savoureux.
Face à la teneur agressive et massive qui domine l'album se dressent des poches d'oxygène loin d'être superficielles. S-Pam se montre également à l'aise avec des parties aériennes magnifiquement orchestrées. On pense à Lateralus mais aussi par moment à Sigur Ros comme sur l'éphémère mais berçant The Rhodora. Les samples et claviers, par ailleurs quasiment absents, prennent une place de choix dans ces instants d'acalmie. Le vaporeux et très Pink Floydien Piano se fait un ambassadeur de cette légèreté plus accessible où l'électrique s'offre des allures plus rock. Le groupe va même jusqu'à s'aventurer sur un terrain purement énergique avec un Oil Spoon groovy, sombre et survitaminé.
Qu'importe les pierres utilisées, S-Pam étonne par sa précoce maturité. Leur parcours me pousse à les ranger entre un Tool virulent et un Kafka mental. La marche entre simples musiciens et réels architectes est franchie et leur musique, aussi bien que le visuel de l'album, demeure énigmatique et inclassable. Mes yeux brûlent dorénavant d'impatience des les admirer sur scène.
A écouter : Memento, Warm Blue, Oil Spoon, Piano...