Rosetta
Postcore

The Anaesthete
Chronique
Aujourd'hui, le problème majeur de Rosetta, c'est d'avoir fait de son premier album, The Galilean Satellites (2005), une des références incontournables de la scène Postcore. Pavé dans une mare de souffre, ce n'est pas un hasard s'il reste encore cité ici et là à l'aune des nouvelles sorties du genre. Depuis, il faut l'avouer, la qualité a été très inégale jusqu'au faible A Determinism of Morality (2010) qui a vu le groupe abandonner tout ce qui lui était propre dans un album convenu et impersonnel.
The Anaesthete a voulu se poser dès son annonce comme un retour aux sources. L'album est intégralement auto-produit, n'est distribué que digitalement dans un premier temps, puis en CD en Europe et en Australie avant - si les fonds le permettent car le groupe ne fait pas mystère de ses déboires financiers - une distribution physique plus large aux US. Clairement, Rosetta veut redevenir maître en ses terres.
[Insérer ici en passant une remarque rigolote sur la pochette]
On a beaucoup reproché au précédent opus de manquer de rage et de ce souffle dans lequel la bande de Michael Armine a fondé sa notoriété. Surplombé d'un logo façon Black Metal, The Anaesthete renoue frontalement avec cette attaque si particulière : une voix qui rend ses tripes et, en toile de fond, des mélodies qui s'étirent jusqu'à se déchirer. Les guitares redeviennent rugueuses, les riffs abrasifs (en témoigne l'expéditif "Myo" qui, isolément, aurait pu être composé par Cave in). La section rythmique porte les morceaux; mention spéciale à la batterie omniprésente, au jeu fin renforcé par le mix brut qui donne l'impression d'un vrai retour terre à terre, comme sur "Fudo".
Tandis que A Determinism of Morality sonnait franchement court, Rosetta prend ici davantage le temps de voyager et d'installer ses montées pour mieux préparer ses climaxes. C'est particulièrement vrai sur "Ryu", très efficace titre d'ouverture avec ses dix minutes qui renvoient directement aux débuts du groupe, ou "Hara" qui démarre pied au plancher puis s'aère avant de laisser place à la charge finale. En portant l'effort sur la construction de ses titres et la gestion des breaks, le quatuor assure un impact prolongé. Sur une bonne grosse moitié du disque, en alternance avec des morceaux plus guerriers, le pari est réussi. On en arrive même à oublier l'interlude cheesy "Hodoku" qui aurait eu sa place sur A Determinism... mais apparaît ici en complet décalage.
Alors que reste-t-il de The Anaesthete? Du tout bon sur toute la ligne? L'album aurait gagné à être amputé de ses deux dernières plages, "Ku" et "Shugyo", plus ambiancées, trop longues, moins pertinentes. Dans le même genre, Empros de Russian Circles faisait le job il y a deux ans. Même si l'on est soulagé de constater le retour en forme, il n'est pas sûr que Rosetta ait quelque chose de nouveau à dire et, à choisir, on préférera se replonger dans les débuts de la discographie quand il traçaient leur sillon au lieu d'entamer un énième tour de piste.
The Anaesthete... que dire ? Après un misérable A Determinism Of Morality on espérait alors un digne retour des Philadelphiens. Et c'est plutôt mitigé.
J'ai l'impression de me retrouver face à l'Enfant Sauvage de Gojira. On l'attend, on l'écoute, il sonne bien mais... mais ? Il sonne bien mais il sonne creux. En effet The Anaesthete me fait penser à cet album des français où la recette est bien connue, un manque fou d'innovation et une bonne poignée de couilles pour en prendre assez dans la gueule et trouver ça géant.
Bon, il est vrai qu'ici la recette n'est pas (quasi-)la même que les débuts de Rosetta mais la structure se ressent nettement.
Au final quand on l'écoute on l'aime mais sera-t-il vite oublié jusqu'à une nouvelle écoute qui nous fera autant vibrer ??? Et vieillira-t-il (bien plus mal) comparé aux prémices des doux succès de ce groupe bien plus talentueux qu'il n'en paraît ?