Après pas mal de ratées infructueuses dans le passé, Robert Plant réitère sa bonne expérience avec les illustres musiciens avec qui il collabora sur Dreamland afin de former The Strange Sensation. Autant l'annoncer de suite, Mighty Rearranger sonne comme un vrai renouveau.
Dès le début, ne serait-ce qu'avec les percussions tribales d'Another Tribe, on ressent clairement l'influence saillante des voyages de Plant en Afrique, influence que l'on retrouvera tout du long de cet album. Du coup il en ressort un petit air de No Quarter pas forcément désagréable mais quelque peu déroutant si l'on compare ceci aux oeuvres de Led Zep', et même de Plant en solo, elles, plus proches du Blues ou du Hard Rock.
Shine It All Around surprend moins dans le sens où elle plus ancrée dans un esprit plus bluesy comme en témoignent le solo de Skin ou la prépondérance de la basse. La rythmique est diantrement efficace, la batterie est carrée comme pas deux, tandis que la basse est jouée de façon plutôt syncopée, assurant un groove infernal. La voix chaude et profonde de Plant est là pour couronner le tout en nous faisant parcourir un frisson le long de la colonne vertébrale. Quand un morceau est bon on le sent dès les première secondes, et c'est assurément le cas ici. Même chose pour Freedom Fries, chanson politique très enlevée bâtie une nouvelle fois sur un rythme à toute épreuve.
Sur Tin Pan Valley, Plant murmure ses phrases sur une mélodie toute calme, très Dub, menée de mains de maître par les anciens membres de Portishead, ainsi que par une basse bien chaude. Par moment la chanson éclate, laissant à Adams le temps de s'exprimer brièvement sur des sonorités plus orientales. Le mélange est impeccable. Autre mariage intéressant, celui du Blues et de la musique orientale sur The Enchanter et Takamba. On y retrouve une alternance entre paroles glissées au creux de l'oreille, et chantées haut et fort. La musique suit bien évidemment cette logique, nous faisant naviguer entre les genres musicaux, du Blues au Trip Hop en passant par le tribal. Proprement dépaysant.
Le petit bijou de ce disque est sans conteste Mighty Rearranger où y retrouve avec plaisir Plant à l'harmonica. Sur une rythmique très soutenue, Skin et Adams nous gratifient de riffs Blues entraînants, tandis que Plant s'en donne à coeur joie entre chant de bluesman et soli d'harmonica. Le petit plus reste cependant le break, puis la montée spectaculaire orchestrée par la batterie, le clavier de Baggot et la voix crescendo. La 'classe' incarnée pour tout dire.
Inutile de vous faire languir, tout n'est pas bon sur ce disque. All The King Horses, Dancing in Heaven et Somebody Knocking sont décevantes de par leur caractère répétitif basé sur une seule rythmique et un chant monotone. Pas vraiment mauvaises, elles sont juste plus faibles que les autres qui font la part belle aux variations harmoniques, et où Robert Plant laisse éclater sa voix.
L'ultime piste, Brother Ray, rend hommage au Ray Charles, récemment disparu. Des percussions tribales soutiennent un air de piano faisant honneur à ce grand grand pianiste.
Robert Plant confirme la bonne impression laissée avec Dreamland en sortant un disque éclectique, enchanteur, assurant un dépaysement total. Sa voix est certes moins enlevée qu'auparavant mais reste ô combien transcendante et teintée d'un certain mysticisme ambiant. Quant aux textes, ce sont toujours de merveilleux poèmes d'une beauté devant laquelle on ne peut être qu'admiratif, tout comme devant la musique d'ailleurs, Plant ayant toujours su s'entourer de musiciens de talent. Sans doute le meilleur album de Plant depuis IV de Led Zeppelin, ni plus ni moins.
A écouter : Shine It All Around, Freedom Fries, The Enchanter, Mighty Rearranger