Indie, Hardcore, Screamo, Ambient, Black et même Classique. Respire est à la fois tout cela et rien de cela. Malgré la profusion de cette liste, Dénouement est tout sauf un patchwork, une juxtaposition de styles. Certains y verront ainsi un album de Screamo teinté de touches Post-Black (aidé en cela par la production de Jack Shirley), d’autres l’inverse. Afin de clore les débats, le sextet de Toronto s’est autoqualifié de « Post-Everything ». Ce n’est pas ici qu’on leur donnera tort.
Avec une subtilité remarquable, les cinq morceaux de Dénouement voient donc s’imbriquer une multitude d’éléments d’inspirations variées (riffs lumineux, trémolos, nappes évanescentes, blasts, chant éraillé ou clair…) sans que l’on ne sache plus véritablement ce qui doit être rattaché à quelle chapelle : chaque influence semble avoir été lentement digérée. Rien n’étant singé, on n’arrive jamais véritablement à mettre le doigt sur la source de toutes ces choses qui nous en rappellent d’autres. C’est peut-être également cela le talent.
Cette diversité trouve certainement ses racines dans la scène DIY de Toronto de laquelle est issu Respire et dans laquelle le groupe est fortement impliqué. Elle se retrouve également dans la composition de ce que le combo nomme sa « famille élargie », la multitude de musiciens aux parcours divers qui gravitent autour du sextet. Neuf d’entre eux sont crédités. On y retrouve là plusieurs choristes mais aussi des trompettistes, un joueur de trombone, un accordéoniste, ou un saxophoniste. Le résultat de l’adjonction de toutes ces sonorités est tout simplement bluffant. Si le violon ou le violoncelle s’invitent désormais très régulièrement dans nos pages ce n’est absolument pas le cas des autres instruments qui, ici, ne relèvent pas du gadget mais donnent à l’album une tonalité particulière et se mettent au service du propos.
D’une façon plus générale, l’ensemble des variations collent parfaitement au thème développé par Dénouement, celui du long et lent chemin vers la sortie de l’addiction. Les cinq morceaux abordent ainsi les différentes étapes : la douleur du manque, les affres du remord, les rechutes, l’espoir d’une sortie du tunnel jusqu’à la dernière étape titre éponyme. Si des premiers titres se dégage un mélange de souffrance, de désespoir et de rébellion (Haunt, Shiver), Catacombs, et en particulier son sublime passage central au violon, joue un rôle de pivot. Virtue, qui lui succède, vient confirmer cette progression. Portant en lui quelque chose de lyrique, le morceau, en suscitant un mouvement d’élévation, semble symboliser l’inespérée sortie de l’addiction.
Ce qualificatif est ici rarement utilisé pour définir un album mais Dénouement est un bel album qui réussit à saisir la fragilité de certains passages compliqués de nos vies. L’ensemble de la section instrumentale dite classique, amenée avec un naturel surprenant, est définitivement l’un des points forts de l’album. Les plus intéressés de cette dimension de l’album pourront d’ailleurs se pencher sur Memorial (An Accompaniment), qui est la version « symphonique » de Dénouement.
Respire et Memorial (An Accompaniment) s'écoutent tous les deux sur bandcamp.
A écouter : Bound, Catacombs