Contrairement à bien d'autres styles, le Metal a toujours pris très à coeur de s'appuyer sur des visuels significatifs, fonctionnant comme des indices voire des compléments à part entière d'une oeuvre musicale. Le choix d'une telle illustration pour ce premier effort de Régiment pouvait alors laisser perplexe quant au contenu. Un groupe NSBM pas très fin ni très doué qui miserait sur un apparat sulfureux et cache-misère ? Question légitime étant donné le nombre de formations trop portées sur l'étiquette, mais vite repoussée une fois plongé dans ce premier brûlot enraciné dans la boue et les tranchées.
« Le siècle est mauvais, l'heure est trouble »
Régiment nous transporte immédiatement au coeur de la Grande Guerre, la Der des Ders et ses soldats éreintés. Sur une base Black-Death où le growl agit comme un vent glacial et meurtrier, le quatuor fait retentir un vrai vacarme dans ses instrumentations. La batterie se fait lourde et puissante comme pour faire trembler la terre (La Sape) tandis que la six-cordes dépeint la vélocité des assauts. Et malgré une atmosphère que l'on imaginerait obscure et suffocante au vu du contexte, la guitare ne se gêne pas pour lâcher de bonnes lignes mélodiques typées Heavy : La Mort Du Nègre se paye entre autres un riffing non loin d'un The Trooper des sieurs Maiden. Un penchant pour la mélodie qui joue en faveur des Français, puisque chaque morceau se démarque des autres et ne fonce pas tête baissée dans des Extrêmes déjà trop entendus. En Avant ! se montre exaltant, épique par sa lente mise en marche et son riff répétitif, tandis que Sauvagerie Prussienne s'abat comme une chape de plomb inévitable. Partagés entre violence sourde aux rythmiques martiales et notes accrocheuses, les morceaux purement Metal trouvent un équilibre intéressant.
« Il n'y aura pas de morts parmi nous, il n'y aura que des héros et des martyrs. »
On Les Aura ! ne se démarque pas par la nouveauté mais s'attache plutôt à créer une ambiance crédible et prenante. À grand renfort de samples et de musiques d'époque, difficile d'oublier la source d'inspiration majeure de cet album. On pourra voir en ces séquences de simples accalmies quelque peu accessoires, mais ce sont pourtant des passages clés de l'oeuvre où se dévoile la dimension personnelle de la guerre. Un final comme Credo laisse l'auditeur accéder à l'intimité d'un de ses semblables, un Autre partagé entre souffrances et espérances qui dévoile la part d'humanité laissée de côté lors des combats. Une plus-value d'affect qui vaut au groupe de se différencier d'autres amateurs de champs de bataille comme Hail Of Bullets ou Marduk qui bien souvent ne soulignent que la violence physique en omettant la guerre des esprits.
Les membres de Régiment n'en sont pas à leur coup d'essai, et le passif de certains d'entre eux (Grylle, Borgia) explique cette facilité à transporter l'auditeur un siècle en arrière. Porté par des compositions bien pensées ainsi qu'une écriture se détachant d'un Metal trop belliqueux et primaire, ce premier opus encourage vivement à tendre l'oreille pour la suite des hostilités.