Difficile d’aborder un retour discographique que l’on
n’attendait pas, mais vraiment pas, surtout venant d’un groupe jadis culte non
seulement pour son audace créative, mais aussi pour son intégrité infaillible
qui l’a poussé en fin de XXème siècle à stopper toute activité après le succès
dément du merveilleux The Shape of Punk to Come, ne collant pas des masses à l’esprit
anarchiste qui caractérisait le quartet. Et revoilà Refused la bouche en fleur,
foulant de nouveau les planches à Coachella en 2012, pour enchaîner les gros
festivals européens la même année (Sonisphere, Hellfest, Eurockéennes), et même
oser composer un quatrième album qu’on ne souhaitait pas, tristement nommé
Freedom. On croyait tellement aux convictions des suédois, d’autant plus après
un « dernier » concert sauvage interrompu par la police, et encore plus après
la parution d’un DVD rétrospectif promptement nommé Refused Are Fucking Dead.
Alors que s’est-il passé ? Les projets annexes n’ont pas fonctionné (The (international) Noise Conspiracy avec Lyxzen notamment) ? Des embrouilles en
interne (éviction brutale du guitariste Jon Brännström en 2012) ? La découverte
soudaine d’un intérêt pour le fric ? Sans doute un peu de tout ça.
Enfin, ça fait mal au cul de nos certitudes balayées mais
Refused a quand même pondu un disque avec de la musique dedans, parlons donc de
son contenu puisqu’on est là pour ça. Et ce qui saute immédiatement aux
oreilles c’est la production, propre, moderne, voire platement pop par
endroits, comme sur le premier single Elektra, où la voix de Lyxzen s’exprime
avec toujours autant de puissance, la fougue et la spontanéité en moins, et
quelques effets pourris en plus. Ça démarre bien.
Attention tout de même, les compositions demeurent
extrêmement travaillées, le riffing est impeccable, le mid-tempo reste
globalement plaisant bien que moins présent, bref les musiciens n’ont rien
perdu de leurs capacités, seulement tout paraît tellement synthétique, faux,
sans âme. Pour exemple le bancal Old Friends / New War, où la guitare
semi-acoustique semble s'échapper d’un synthétiseur rouillé, où les lignes
vocales popisantes gâchent une dynamique pourtant pas trop mal engagée. Il y a
de bonnes intentions il faut le reconnaître, une volonté toujours vivace de
vouloir casser les barrières, mais à trop mêler l’électronique à un hardcore
lissé, inoffensif, on finit par sonner comme de la pop vaguement virulente
(Françafrique, War On The Palaces). Une boite à rythme pourrait sans mal
remplacer la batterie sur une bonne partie de l’objet, manquant cruellement de
personnalité, tandis que la basse (qui elle sonne bien comme une basse) fournit
quelques bons moments, sur le presque insipide Thought Is Blood qui peut
évoquer les Clash au loin, ou Destroy The Man, l’un des titres les plus
agressifs de l’album avec Dawkins Christ, une agressivité somme toute plutôt
neurasthénique, mais pour le coup ça ressemble un minimum à du Refused.
D’autres comme 366 ou Useless Europeans (les plus longs et consistants)
viennent relever le niveau malgré une production dénuée de relief.
« Sans déconner les mecs, vous chiez dans la colle, quel
gâchis putain ». Voilà les mots qui viennent à l’écoute de ce Freedom,
davantage enfermé dans une benne à recyclage douteux que libéré de quoi que
soit, à moins que les suédois se considèrent libres de servir de la soupe fade pour minettes faussement rebelles et
de renier - au mieux singer - ce qui faisait leur génie, leur identité, musicale du moins. Cela dit, les plus
jeunes et ceux qui découvrent le groupe avec cet album peuvent y trouver leur compte,
tandis que les anciens pleureront des larmes de sang face à cette entreprise de
sape rondement menée. Refused est définitivement mort. R.I.P.
Freedom en écoute sur bandcamp.
Complètement en désaccord avec la chronique !
Tout en ayant comme beaucoup, fortement apprécié lors de sa sortie "The shape of Punk", je ne suis pour autant pas déçu de l'expérimentation sonore que représente ce "Freedom".
Refused, fidèle à ses convictions frappe là où on ne l'attendait pas ! Un peu à l'instar d'un Faith No More qui après un "The Real Thing" adulé balance en pleine poire un "Angel Dust" novateur, expérimental et juste génialissime !
L'on ne peut qu'admirer cette volonté d'évolution et de variété proposé dans cette album aussi riche que surprenant.
Je le découvre à chaque écoute, même après (peut-être même surtout) 5 ans !
Ce disque fourmille d'idée et mérite fortement d'être réhabilité alors que le groupe vient de nous envoyer à la tronche un nouvel EP encore une fois d'excellente facture, porté par le titre ô combien efficace "Malfire".
Bref, retournez-y sur ce Freedom, faites-vous votre propre opinion. Cet album est une vraie aventure sonore entre Rock et Hardcore.
Et pour en revenir à la chronique, Refused ne s'est pas vendu, Refused is just fuckin' free !