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Biographie

Quicksand

Implanté au sein du terreau Hardcore New-Yorkais, Quicksand se forme sur les cendres de Moondog au commencement des années 1990 avec Walter Schreifels à sa tête, chanteur de Gorilla Biscuits et bassiste de Youth of Today. Le quartet s'inscrit dans le processus d'émancipation du Punk/Hardcore de l'époque, avec Fugazi, Snapcase et Drive Like Jehu entre autres, et ne tarde pas à pondre son premier EP éponyme via Revelation Records. S'ensuit une tournée en compagnie du gratin Rage Against The Machine, Helmet, White Zombie, Anthrax, etc. De quoi se faire remarquer par la major Polydor qui signe le premier album de Quicksand, Slip, en 1993. Naturellement le groupe se voit tourner avec The Offspring l'année suivante, pour 250 dates. La machine est lancée et sort Manic Compression en 1995 via Island Records (ex-Polydor), pour exploser les charts et se rendre au Vans Warped Tour afin de casser les nuques des "kids" ricains.

Alors au sommet de la montagne Quicksand s’effrite et se disloque fin 1995. Peut-être que le succès est survenu trop rapidement, néanmoins les conflits internes (et sans doute la pression de la maison de disques) ont eu raison du groupe. Après quelques réunions scéniques et rumeurs de reformation de plus en plus pressantes, le quartet se remet à l'écriture d'un nouvel album en 1998, invité dans le même temps à partager une tournée avec Deftones et Snapcase. Malheureusement les tensions refont surface et ce qui devait être le troisième album est avorté. Nouvelle séparation, de longue durée cette fois - pendant que Schreifels est parti former Rival Schools - jusqu'en 2012.

Quelques apparitions scéniques plus tard, le groupe lance une tournée nord-américaine en 2013, joue au festival belge Pukkelpop et se met à travailler sans pression sur du nouveau matériel en long format, officialisé en 2017, distribué par Epitaph Records, et nommé Interiors. Quatre ans plus tard, le trio sort Distant Populations.

16.5 / 20
2 commentaires (16/20).

Distant Populations ( 2021 )

Quicksand. Quatre albums en trois décennies et de la classe à revendre à la tonne en 2021. Cette chronique pourrait s’arrêter après ce bref résumé de la carrière du groupe emmené par Walter Schreifels et garder toute sa pertinence. Ce serait cependant lui faire injure de ne pas insister, quitte à se répéter à de nombreuses reprises dans les lignes qui vont suivre, sur le bonheur que procure chaque nouvelle occasion de se pencher sur la musique du trio.

Après la franche réussite qu’était Interiors en 2017, peu de doutes subsistaient sur la capacité du groupe à rester au (haut) niveau dans ses compositions, à garder toute sa fraîcheur malgré les années, et à proposer suffisamment de renouvellement au sein d’une recette éprouvée. Distant Populations enfonce le clou. Quicksand n’a besoin que de 32 minutes pour donner une leçon d’efficacité, avec tout ce qu’il faut pour assurer une durée de vie conséquente chez l’auditeur de ces 11 morceaux (dont un interlude) jouissifs.

L’agressivité des années 90 transpire encore (Lightning Field, EMDR), mais sur des ambiances que le groupe travaille de plus en plus, donnant des terrains d’expression variés à la voix de Walter Schreifels. Sur Brushed, très Radiohead dans l’esprit, ou sur le quasi-dub Katakana, il montre qu’il n’a rien perdu de sa capacité à transcender à peu près n’importe quel morceau. La musique de Quicksand, si elle suit une tendance de plus en plus "aérienne", sait aussi toujours peser bien comme il faut quand la situation l’exige (Inversion, Colossus, Missile Command).

Nostalgie ? Sur Phase 90, Walter Schreifels la joue slacker et désabusé ("Trying to finish the book I was reading / I put it down for too long, too long / I got distracted by other things, other dreams"). Ce voyage dans le temps a juste ce qu’il faut de réconfortant, sans alourdir inutilement Distant Populations de regrets futiles sur une époque, bénie je vous l’accorde, mais qu’il ne sert à rien de vouloir recréer à tout prix.

Pas la peine de trop s’attarder sur la production de cet album, elle est totalement cohérente avec celle d’Interiors et avec le chemin suivi par le groupe. Tout le monde trouve parfaitement sa place et sonne très naturellement. Je signerais tous les jours pour des demi-heures de musique aussi pertinentes, respirant le talent et la sincérité et, surtout, laissant encore espérer de très belles choses à venir.

16.5 / 20
2 commentaires (17.75/20).
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Interiors ( 2017 )

Le retour aux affaires de groupes marquants des années 90, tendance forte de ces deux dernières années, ne nous a pas offert que des disques mémorables. La renaissance de l’une des formations les plus excitantes du mouvement Post-Hardcore, enfin concrétisée par un album, nous avait donc plongés dans un état d’impatience teinté d’inquiétude. Si les membres de Quicksand sont restés très occupés durant le hiatus du groupe, l’essence du quatuor (devenu trio cet automne après les démêlés judiciaires du guitariste Tom Capone), n’a finalement pas été diluée par le passage du temps et des projets divers. Interiors se caractérise d’emblée par sa production, très loin de celle, décriée, de Manic Compression. Quicksand tient à vivre avec son temps et n’essaie à aucun moment de recréer le son qui lui était propre il y a plus de vingt ans. A la fois rond et précis, le rendu final s’avère d’une efficacité imparable. La qualité des compositions et la sincérité de leur interprétation suffisent à inscrire la démarche du groupe dans son époque, balayant toute tentation nostalgique.

Cette confiance dans sa capacité à écrire des morceaux à la fois tendus et touchants permet à Quicksand de ne jamais donner l’impression de forcer son talent. Les douze titres d’Interiors, dont deux interludes, s’enchaînent avec le plus grand naturel. La rage qui caractérisait Slip et Manic Compression s’exprime de façon moins virulente, plus subtile. L’album fait la part belle à des titres mid-tempo, sur lesquels le travail subtil effectué sur les guitares fait merveille, dessinant des mélodies que le chant de Walter Schreifels incarne avec émotion (Cosmonauts, Interiors, Hyperion). Plus directs, Under The Screw ou l’abrasif Fire This Time accélèrent la cadence, sans jamais tourner le dos à une certaine introspection propre à la musique du groupe. Le plaisir que l’on prend à l’écoute de Feels Like A Weight Has Been Lifted, et son gimmick très « RATMien », ou du très bon Warm And Low, qui réconcilie Fugazi et Failure, est immense. La rythmique est imposante, mais réussit à élever les morceaux plutôt que de les écraser. Une prouesse à mettre au crédit, encore une fois, de la qualité du travail effectué par Will Yip à la production.

Quand Quicksand flirte ouvertement avec le Noise Rock (Sick Mind, Fire This Time), c’est en gardant son identité. Une constante tout au long d’Interiors, qui parvient à évoquer le passé sans nostalgie gratuite, à nous parler de nos espoirs plus que de nos regrets . « How does the light get in ? », interroge Walter Schreifels sur l’excellent Illuminant, qui ouvre l’album. Une question à laquelle les Américains répondent avec pertinence sur Interiors : la lumière est là où l’on décide de la voir. Chez Quicksand, elle filtre de chaque note et vient éclairer avec grâce le retour d’un groupe qui nous manquait finalement encore davantage que nous le pensions.

Manic Compression ( 1995 )

Paraît-il qu'un des précurseurs du Post-Hardcore fait son retour discographique en fin d'année, c'est le moment opportun pour revenir sur l'une des pierres angulaires de la musique amplifiée des 90's : Quicksand et son (avant) dernier album, inspirant consciemment ou inconsciemment nombre de contemporains dans les milieux plus ou moins hardcorisés.

En 1995 on a déjà eu Fugazi, Slint ou bien Drive Like Jehu, produisant un Hardcore allégé en fibres, tirant sur la Noise et régulièrement chanté ou scandé, non sans conviction. Cette année-là il y a aussi Deftones qui casse le game avec Adrenaline, Helmet qui chatouille le succès d'un peu trop près, mais également Quicksand, explosant au vol après la sortie du bien nommé Manic Compression, signé sur la major Island Def Jam (ex-Polygram, Universal), trop de pression, voilà tout. Le monde pleure et regrette la courte épopée d'une formation qui a posé les bases d'un noyau dur renouvelé en seulement un EP et deux albums.

Un héritage musical qui témoigne d'un feeling traversant les âges avec nonchalance, pouvant s'en sortir à l'aise parmi un paquet de productions actuelles. Le deuxième disque long de Quicksand offre d'ailleurs un panel assez exhaustif de ce que deviendra toute une scène des années plus tard. Certains titres du gabarit de Backward ou Divorce caillassent vite et bien, d'autres préparent le terrain, disposent et enchevêtrent les guitares avec retenue et réflexion (Delusional, Simpleton, Landmine Spring). L'ensemble fait régulièrement cohabiter la tension et le souffle, via un groove élastique et imprévisible, sublimé par une montée en puissance morceau après morceau, en particulier l'enchaînement magique Blister/Brown Gargantuan/East 3rd St./Supergenius, juste avant une cerise de 6 minutes 30, aux faux airs de jam Stoner.

La voix se démarque du mix sans pour autant en faire des tonnes, et on remarque davantage des subtilités allant chercher de quoi se nourrir chez Ian McKaye (Fugazi), Perry Farrell (Jane's Addiction) et Richard Patrick (Filter). La basse est centrale et bavarde mais ne s'accapare pas la conversation, les six-cordes étant elles aussi dotées d'arguments faisant mouche, jonglant habilement entre lourdeur Metal et excroissances Noise, tandis que la frappe reste souple, mesurée, sachant être belliqueuse aux instants clé. Dommage simplement que la production soit un peu faiblarde, ne mettant pas toujours en valeur la qualité du contenu. De quoi attiser la curiosité d'entendre une éventuelle réédition de l'album, et de Slip tant qu'à faire, pourquoi pas.

Imparfait (et tant mieux), Manic Compression demeure comme son prédécesseur un incontournable du genre, deux des artefacts qu'il faut écouter ou réécouter pour cerner correctement les origines d'un courant qui ne cessera d'être mouvant. En attendant la toute prochaine livraison.

A écouter : entre les lignes.