Q & Not U fait définitivement partie d'une classe à part. Celle de ces groupes pouvant jouer de la new wave, de l'indus ou de la bossa nova sans que l'on se pose trop de questions sur leurs motivations.
Il n'empêche que l'on est en droit de se sentir un peu déconcerté à la première écoute de Power, troisième album du groupe. Même s'il est indéniable que Q & Not U poursuit l'orientation initiée par Different Damage, à savoir un rock largement influencé par le son new wave des années 80, on constate une accélération dans leur évolution musicale, due en partie à un élargissement de leur champ d'investigation autorisé notamment par l'usage quasi systématique du synthé. Doté d'un sens de l'équilibre hors du commun, Q & Not U nous entraîne dans un numéro lui permettant de butiner un peu partout tout en conservant son propre son et sa crédibilité. A ce titre, l'ambiance funky qui se dégage de "Wet Work" mais surtout de "Wonderful People" est assez édifiante et peut rebuter les âmes non aguerries à cet exercice de style. Construit autour d'une rythmique synthé rappelant les grandes heures d'Earth Wind & Fire (sans blague), ce morceau permet à Chris Richards d'exploiter et de mettre à l'épreuve des capacités vocales dont Different Damage nous avait déjà donné un aperçu, à savoir une voix suraigue à faire pâlir d'envie les Bee Gees - ceux qui restent du moins.
Tout aussi surprenante est la présence de titres que je qualifierais par défaut de "bucoliques", "Throw Back your Head" où Q & Not U nous dévoile, par l'utilisation du pipeau, l'aspect troubadour de sa personnalité ou "District Night Prayer" chanté en choeur qui n'aurait pas détonné dans la B.O. d'un film de Rohmer.
Toutefois, Q & Not U n'entend pas trop bouleverser complètement ses habitudes et quelques morceaux sont plus ou moins conformes à ce que l'on attend d'eux habituellement, à savoir un rock bondissant où l'empreinte de Fugazi est, quoique à un degré moindre, toujours présente. "X-Polynation", "Book of Flags", ou "Tag Tag" font toujours la part belle aux guitares semi saturées - voire pas du tout - même si les parties de synthés ont tendance à prendre beaucoup plus de place.
Power est un album difficile à définir et à appréhender. On peut se risquer à le qualifier d'expérimental même si, paradoxalement, il s'avère beaucoup plus accessible que ses prédecesseurs. En revanche, ceux qui auront aimé Different Damage auront peut-être plus de mal avec celui-là, les obligeant à un grand écart auquel ils n'étaient peut-être pas préparés. Pour ceux qui ne connaîtraient pas il est légitime et fortement conseillé de s'intéresser à ce groupe intelligent de manière à ce qu'il ne reste pas dans l'ombre comme Bluetip ou Far.
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A écouter : "Tag Tag", "X-Polynation", "Wonderful People"