Je n'ai jamais eu le courage d'écrire sur Psykick Lyrikah. Pour plusieurs raisons. La difficulté de dépeindre ses œuvres sans en dénaturer la sève en est certainement le point principal, en outre j'ai beaucoup trop de respect pour ses textes et sa musique qui m'ont suivis à travers les années et me sont désormais personnels, presque sacrés. Plus que tout, comment se montrer à la hauteur et crédible quant en face de soi on a certainement l'une des meilleures plumes que le Hip-Hop n'aie enfantée ces dix dernières années?
Alors on se fait violence, on évite de penser à David contre Goliath, on rassemble ses médiocres tournures de phrases et l'on essaye au mieux de parler de cette dernière sortie, Jamais Trop Tard. Un titre posé là, comme pour signifier, malgré le fait qu'il existe ces artistes qu'on aime garder pour soi, il est peut-être enfin temps que Psykick Lyrikah n'avance plus masqué, sorte de ses ombres, ne soit plus l'apanage de quelques curieux. Ca fait pourtant presque dix ans qu'il le mérite. Il n'est pas le seul a avoir démoli ces barrières d'un Hip-Hop caricatural et imbécile. Dans un style pas si éloigné, on évoquera par exemple Klub Des Loosers, La Rumeur, Rocé, Nonstop pour n'en citer que quelques-uns. Que ceux qui auront l'audace de faire le rapprochement avec Fauve peuvent aller jouer sur l'autoroute, merci. Psykick Lyrikah et son projet à géométrie variable est et a toujours été un groupe à part, de ceux qui poussent le Hip-Hop à autre niveau, qui l'émancipent, lui créent un futur.
Jamais Trop Tard est justement une nouvelle stèle qui vient garnir ce champs discographique décidément incomparable. Acte révélait un côté plus introspectif et épuré orienté guitare / voix alors que Vu D'Ici revêtait sa belle robe d'ambiances Post-Rock apocalyptique - à défaut de trouver un meilleur terme. Cet album est moins homogène en terme d'ambiances, mais dans la continuité de Derrière Moi à savoir un Hip-Hop / Electro taillé dans le roc, frondeur et irascible. Sa diversité est toujours impressionnante, son expérimentation passant avec habilité d'un pavé Rock abrasif qu'est La Ligne Rouge, à des titres plus posés (Décembre), Jazz d'une classe folle (Le Soir Pour Toi), Electro aux basses lourdes (Le Souffle) ou presque dancefloor (Mon Visage, Jamais Trop Tard). Même si certaines sonorités se veulent tapageuses, plus accessibles, elles possèdent mille fois plus de cachet que d'autres productions médiatisées. Robert Le Magnifique, Olivier Mellano et Marc Sens (Zone Libre) complices de longue date pour la plupart (mais pas que) ne sont pas étrangers dans cette affaire d'architectes de murs en flammes (Invisibles, Les Marches De l'Enfer).
Si d'un album à l'autre, Arm change la forme, la dureté du ton reste immuable. Car Psykick Lyrikah ne serait rien sans ses textes, de ceux qui frappent sans prévenir, s'abattent sur toi comme l'obscurité en plein hiver. Plume goudronnée, flow de lave, couplet colérique, tiédeur et mélancolie urbaine, voilà un aperçu de son style tandis que Iris et Ancrages viennent épauler le rappeur. Mais le plus important, c'est cette émotion qui se dégage des textes, qui savent toucher durablement « J'laisserais plus des torrents sous les yeux, des moments perdus à compter les étoiles sous les dieux » sur le morceau éponyme, qui en fait, encore une fois, un MC à part. N'essayez pas de tout comprendre, faites vous vos propres histoires, jonglez avec les mots, créez les sens. Tout l'intérêt de Psykick Lyrikah est là et c'est bien cela qui le rend unique.