Protest The Hero
Mathcore

Palimpsest
01. The Migrant Mother
02. The Canary
03. From The Sky
04. Harborside (interlude)
05. All Hands
06. The Fireside
07. Soliloquy
08. Reverie
09. Little Snakes
10. Mountainside (interlude)
11. Gardienas
12. Hillside (interlude)
13. Rivet
Chronique
Décidément, l'objectivité m'en fait voir de dures, ces temps-ci. Il faudra que je vous parle du récent Caligula's Horse et du futur Haken, pour lesquels je sens que mon fanboyisme risque de transparaître. Mais Protest The Hero continue d'exceller à ce qu'ils font de mieux ET à y adjoindre l'effet de surprise, ce qui fait de Palimpsest une nouvelle épreuve pour mon impartialité (spoiler alert : cette galette va choper une excellente note).
Puisque le mot existe aussi dans notre langue, savez-vous ce qu'est un palimpseste ? Moi non plus. Il s'agit du nom donné à un support (souvent un parchemin ou du papyrus) dont on a gommé le premier manuscrit pour en écrire un nouveau. Et c'est de là que part le concept de l'album : comme le dit le proverbe, les vainqueurs peuvent se permettre d'effacer les livres d'Histoire pour les réarranger à leur sauce. Protest The Hero vient arranger ça, réécrivant dix anecdotes du passé pseudo-glorieux des Etats-Unis, en mettant en avant les hypocrisies et les ratés, incarnant ainsi l'immense taureau de la pochette qui vient de cordialement défoncer le drapeau américain dans sa charge. Parmi les sujets traités, la Grande Dépression des années 1930 vue à travers les yeux de Florence Owens Thompson (The Migrant Mother), la grande inondation de mélasse de Boston en 1919 racontée par une victime (All Hands), les sombres réalités derrière l'essor de l'industrie militaire à la fin des années 30 (The Fireside), le système carcéral (Reverie), le génocide des Amérindiens (Little Snakes)...
Dès le 16 avril, quand The Canary a été dévoilé, on pouvait sentir que Palimpsest allait valoir le coup. Si le single est en effet un des titres phares de l'opus, ce cinquième album n'a pas vraiment de piste de remplissage. Toutes sont de futurs cas d'école (s'il existe un jour des écoles de Mathcore Prog) en terme de construction et de structure, d'efficacité dans le choix des phrasés ou des riffs, de subtilités et de grooves dans le jeu de batterie. Pourtant, on vient de le souligner, bien que rien ne soit à jeter, il y a des morceaux-phares. C'est la que le groupe fait fort : ils ajoutent des éléments qui magnifient leur musique, sans la dénaturer. Pour faire simple : sans tomber dans l'orchestral, on remarque des arrangements pour cordes (ou pour synthé) a de nombreux endroits, qui soulignent avec emphase les riffs acérés typique du combo. Et il ne s'agit pas d'un hasard ou d'un cas isolé : on parle de quatre-vingt pour-cents des titres. Les chœurs du refrain de The Fireside remplissent le même office, déclinant la formule intelligemment ; et trois interludes d'une minute chacun, joués au piano, renforcent encore la donne. Pas d'inquiétude : PtH n'adoucit pas le propos pour autant. Ça joue toujours un Metal Prog qui tricote sur une batterie technique et étonnamment Punk, mais l'ensemble sonne comme mieux mis en valeur, plus mature peut-être. Au final, la formation canadienne réinvente son style, créé quelque chose d'unique, et propose un album vraiment très satisfaisant à écouter.
Après s'être endommagé les cordes vocales en 2018 et ayant subi un an de convalescence, qu'en est-il de Rody Walker ? Eh bien les enfants, il est tout simplement au sommet de son game. Son chant clair prédomine, comme souvent par le passé, et est toujours précis et hargneux. Mais sa palette n'est pas réduite à ça, son semi-saturé est plus vénère que jamais, ses screams et son growl sont au top. En plusieurs occasions, il alternera différentes techniques avec aisance (et pertinence, au service du morceau), comme au milieu de Gardienas ou de Soliloquy. Quant aux couplets de The Fireside, leur furie est bluffante, tant dans l'agressivité du chant que dans son débit effréné.
Comment continuer de le dire ? Palimpsest est une réussite totale, de son concept et ses paroles, jusqu'à son rythme et sa construction en passant par ses arrangements intelligents et ses riffs aiguisés. Alors qu'on pensait que Fortress était le point d'orgue de la carrière de Protest The Hero, le groupe pose sans prévenir une nouvelle pierre angulaire à sa discographie, et possiblement au genre entier. Un album de Prog indispensable, et une place assurée sur le podium annuel.
A écouter : 1
Très très bon album, comme toujours avec ces gars là. On reste un cran en dessous de Volition, surtout à cause du mix qui étouffe trop les guitares et aplati la caisse claire ce qui empêche certains passages de vraiment décoller.
Mais quand même la recette est hyper efficace et jouissive!