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Biographie
Protest The Hero est un groupe canadien d'Emocore barré, formé à Whitby en 1999 sous le nom éphémère de Happy Go Lucky. En 2002 et 2003 sortent respectivement les eps Search For The Truth et A Calculated Use Of Sound. En 2004, le quintet gagne le Canadian Independent Music Award dans la catégorie artiste metal, devant Alexisonfire. L’année suivante, ils enregistrent Kezia, premier véritable album du groupe, racontant l’histoire d’une jeune femme nommé Kezia du point de vue de trois personnages différents (un prêtre de prison, un gardien de prison et Kezia). Après une tournée avec des groupes comme Anti Flag, Dragonforce, The Fall Of Troy, The Bled… le groupe commence en janvier 2007 la composition de Fortress (enregistré en septembre de la même année), qui sortira finalement en janvier 2008. Le troisème album sort en 2011, intitulé : Scurrilous.
Décidément, l'objectivité m'en fait voir de dures, ces temps-ci. Il faudra que je vous parle du récent Caligula's Horse et du futur Haken, pour lesquels je sens que mon fanboyisme risque de transparaître. Mais Protest The Hero continue d'exceller à ce qu'ils font de mieux ET à y adjoindre l'effet de surprise, ce qui fait de Palimpsest une nouvelle épreuve pour mon impartialité (spoiler alert : cette galette va choper une excellente note).
Puisque le mot existe aussi dans notre langue, savez-vous ce qu'est un palimpseste ? Moi non plus. Il s'agit du nom donné à un support (souvent un parchemin ou du papyrus) dont on a gommé le premier manuscrit pour en écrire un nouveau. Et c'est de là que part le concept de l'album : comme le dit le proverbe, les vainqueurs peuvent se permettre d'effacer les livres d'Histoire pour les réarranger à leur sauce. Protest The Hero vient arranger ça, réécrivant dix anecdotes du passé pseudo-glorieux des Etats-Unis, en mettant en avant les hypocrisies et les ratés, incarnant ainsi l'immense taureau de la pochette qui vient de cordialement défoncer le drapeau américain dans sa charge. Parmi les sujets traités, la Grande Dépression des années 1930 vue à travers les yeux de Florence Owens Thompson (The Migrant Mother), la grande inondation de mélasse de Boston en 1919 racontée par une victime (All Hands), les sombres réalités derrière l'essor de l'industrie militaire à la fin des années 30 (The Fireside), le système carcéral (Reverie), le génocide des Amérindiens (Little Snakes)...
Dès le 16 avril, quand The Canary a été dévoilé, on pouvait sentir que Palimpsest allait valoir le coup. Si le single est en effet un des titres phares de l'opus, ce cinquième album n'a pas vraiment de piste de remplissage. Toutes sont de futurs cas d'école (s'il existe un jour des écoles de Mathcore Prog) en terme de construction et de structure, d'efficacité dans le choix des phrasés ou des riffs, de subtilités et de grooves dans le jeu de batterie. Pourtant, on vient de le souligner, bien que rien ne soit à jeter, il y a des morceaux-phares. C'est la que le groupe fait fort : ils ajoutent des éléments qui magnifient leur musique, sans la dénaturer. Pour faire simple : sans tomber dans l'orchestral, on remarque des arrangements pour cordes (ou pour synthé) a de nombreux endroits, qui soulignent avec emphase les riffs acérés typique du combo. Et il ne s'agit pas d'un hasard ou d'un cas isolé : on parle de quatre-vingt pour-cents des titres. Les chœurs du refrain de The Fireside remplissent le même office, déclinant la formule intelligemment ; et trois interludes d'une minute chacun, joués au piano, renforcent encore la donne. Pas d'inquiétude : PtH n'adoucit pas le propos pour autant. Ça joue toujours un Metal Prog qui tricote sur une batterie technique et étonnamment Punk, mais l'ensemble sonne comme mieux mis en valeur, plus mature peut-être. Au final, la formation canadienne réinvente son style, créé quelque chose d'unique, et propose un album vraiment très satisfaisant à écouter. Après s'être endommagé les cordes vocales en 2018 et ayant subi un an de convalescence, qu'en est-il de Rody Walker ? Eh bien les enfants, il est tout simplement au sommet de son game. Son chant clair prédomine, comme souvent par le passé, et est toujours précis et hargneux. Mais sa palette n'est pas réduite à ça, son semi-saturé est plus vénère que jamais, ses screams et son growl sont au top. En plusieurs occasions, il alternera différentes techniques avec aisance (et pertinence, au service du morceau), comme au milieu de Gardienas ou de Soliloquy. Quant aux couplets de The Fireside, leur furie est bluffante, tant dans l'agressivité du chant que dans son débit effréné.
Comment continuer de le dire ? Palimpsest est une réussite totale, de son concept et ses paroles, jusqu'à son rythme et sa construction en passant par ses arrangements intelligents et ses riffs aiguisés. Alors qu'on pensait que Fortress était le point d'orgue de la carrière de Protest The Hero, le groupe pose sans prévenir une nouvelle pierre angulaire à sa discographie, et possiblement au genre entier. Un album de Prog indispensable, et une place assurée sur le podium annuel.
A écouter : The Canary, All Hands, The Fireside, et le reste.
Après Volition, entièrement financé par les fans en 2013, Protest The Hero poursuit sa démarche indépendante en sortant cet EP de manière originale. Chaque mois entre octobre 2015 et mars 2016, le groupe proposait en téléchargement un nouveau titre, accompagné de sa version instrumentale, son artwork, ses paroles... Un paiement unique d'une dizaine d'euros était nécessaire pour accéder à ce contenu, y compris les pistes précédemment sorties si on décidait de prendre le train en marche. Un modèle économique dont on ne saura juger la pertinence ici, mais dont l'originalité ne peut qu'être saluée.
Musicalement, on constate moins de prise de risque. Protest The Hero joue ce qu'il sait faire de mieux, un Mathcore Progressif ultra-vitaminé et truffé de mélodies. La recette opère toujours très bien, notamment grâce à la virtuosité du guitariste lead Luke Hoskin, qui ne s'arrête pratiquement jamais de shredder. Comme dans les autres productions du groupe, c'est souvent les guitares et le chant qui sont mis en avant. Alors que Pacific Myth est la première apparition studio de la nouvelle section rythmique (Mike Ieraldi à la batterie et le producteur Cameron McLellan à la basse), celle-ci n'est clairement pas mise à l'honneur, en dehors peut-être d'un court interlude dans Cold Water où le slap de la quatre-cordes se démarque. On notera un Rody Walker très en forme, dont le chant est décidément de plus en plus versatile. Growls caverneux (dans l'intro de Harbringer, Ragged Tooth), cris suraigus rappelant ceux de Julien Cassarino de Psykup (Ragged Tooth), voix semi-saturée (Tidal), hurlements Hardcore/Screamo (Caravan), et un chant clair punchy un peu partout, tout s'enchaîne et confère une énorme dose de pêche à Pacific Myth.
Mais l'EP reste dans la zone de confort des Canadiens. Bien que tous les titres soient bons, l'ambition semble réellement minimale... jusqu'au dernier morceau, Caravan. Protest The Hero livre ainsi la piste la plus longue de sa discographie actuelle avec presque neuf minutes au compteur. La seconde moitié contient des arrangements d'instruments à cordes, des chœurs et des passages bien plus mid-tempo, autant d’éléments originaux pour le groupe. Les paroles de ce morceau sont réellement conscientes et éclairées, et font écho aux textes plus simplistes des cinq premières plages, leur donnant un impact nouveau. Une véritable réussite. Pacific Myth est donc un bon EP, plein de mouvements et de phrasés accrocheurs. L'efficacité de PtH n'est désormais plus à démontrer, mais on restera légèrement sur notre faim quant à des titres relativement convenus pour la majorité d'entre eux. Si les Canadiens font preuve d'autant de créativité pour renouveler sans dénaturer leur façon de composer qu'ils en ont pour explorer de nouveaux modèles économiques, à l'instar de Caravan, alors leur prochain album pourrait faire beaucoup de bruit.
A écouter : Caravan, Harbringer
Sérieusement, quelles étaient les chances que le successeur de Scurrilous soit autre chose pour Protest The Hero qu'une nouvelle étape vers un métal progressif linéaire délaissant un peu plus ses racines mathcore? D'autant plus en apprenant le départ du batteur Moe Carlson, remplacé en studio par Chris Adler (Lamb Of God) pour l'enregistrement de ce Volition. Sans oublier le lancement par le groupe sans maison de disque d'une campagne de financement de l'album sur internet (objectif de 125 000$ dépassé en seulement 30h!). Tout cela n'aura fait qu'accentuer ma peur de l'intérêt musical de ce nouvel opus, finalement dissipée mais non sans mal.
J'avais tout de même des raisons de m'inquiéter. Quoique leur ancien batteur n'était pas en-soi une référence dans le progressif, voir celui de l'Agneau de Dieu à ce poste ne laissait présager que doubles pédales à foison sans contre-temps. La preuve avec Tilting Against Windmills et sa batterie en rouleaux compresseurs. Malgré cela, l'Américain remplira honorablement sa tâche en faisant preuve à maintes reprises d'une technicité que l'on n'aurait pas décelée au sein de son propre groupe. De leur côté, les Canadiens reviennent avec leurs ingrédients accoutumés. À commencer par ce chant toujours très aigu et maîtrisé de Rody Walker (Yellow Teeth), trop souvent dirigé en ligne droite mais qui met d'autant plus en évidence les instruments. Vient s'ajouter le retour du chant hurlé (A Life Embossed) et, comme sur tous leurs albums excepté Fortress, la voix de Jadea Kelly sur quelques morceaux. Si ce premier nous avait cruellement manqué, je ne peux pas en dire autant du second, car sans être dérangeante, sa présence reste dispensable de par son timbre en plusieurs points similaire à celui du chanteur. Sans compter les sept autres invités vocaux, dont le bassiste de Propagandhi, Todd Kowalsk. On a pu observer chez certains que ce n'était pas synonyme de qualité mais comme Devin Townsend sur Deconstruction, Protest The Hero ne mise pas entièrement dessus pour nous tenir accrochés pendant presque une heure. On peut ainsi compter sur le travail chirurgical des musiciens à cordes qui font encore une fois preuve d'une virtuosité à couper le souffle. Il est d'ailleurs bon d'entendre à nouveau les guitaristes abonnés au milieu de leurs manches enchaîner riffs déstructurés et contre-temps à une vitesse folle jamais atteinte dans leurs précédents enregistrements (Drumhead Trial). Le tout avec une certaine touche mélodique que l'on pourrait qualifier de "mathcore accessible" tel Option Paralysis de The Dillinger Escape Plan, bien que ces mots furent créés pour ne jamais se retrouver accolés. Hélas ces enchaînements millimétrés sont entachés par quelques rares passages où le groupe s'essouffle et enclenche le pilote automatique (Plato's Tripartite, Mist), vite éclipsés par un déluge de riffs dans les minutes suivantes.
Malgré la courte durée des chansons et leur construction rarement changeante, il faudra plusieurs écoutes pour dompter ce Volition, déroutant par sa conception paradoxale. Canalisant leur ingéniosité débordante en troquant le chaos déstructuré des deux premiers albums pour des plans à la fin prédéfinie, celui-ci n'en reste pas moins technique. Sans doute le plus difficile à cerner de leur discographie mais c'est peut-être ce qui caractérise le mieux la musique des Canadiens, on ne sait jamais à quoi s'attendre de leur part.
A écouter : Without Prejudice, A Life Embossed
Protest The Hero livre son second album, et à l’image de Kezia, ce Fortress se veut séparé en 3 mouvements, à savoir : On Conquest And Capture, Sequoia Throne et Isosceles. Sur cet album plus que sur le précédent, Protest The Hero se veut technique, agressif tout en montrant son héritage Heavy / Thrash grâce au chant et au timbre de Rody Walker.
Barrés, fous, déments, …. Voici les mots qui viennent à l’esprit lors de l’écoute de ce Fortress. Frolant la folie du Mathcore, Protest The Hero déconstruit ses chansons à l’image de "Spoils", avec des breaks inattendus, des passages ou les notes fusent en tout sens… La batterie épileptique, les cordes martelées à une vitesse hallucinante, le chant survolté… Les guitares se veulent atypiques, ajoutant à la perte de repères grâce à des changements de rythme, quelques rapides solos et des riffs brusques, tout cela en l’espace de quelques secondes… Tous ces éléments se combinent et forment des brulots tels que "Sequoia Throne" ou "Goddess Bound". A se demander si le groupe n’était pas dopé à la vitamine C pour dégager une telle énergie tout au long des 41 minutes qui composent ce Fortress. Le featuring avec Vadim Pruzhanov de Dragonforce, jouant le solo de clavier sur "From Limb To Limb," montre que le groupe n’hésite pas à inclure des éléments peu communs et à aller au-delà des barrières musicales. La voix, fortement influencée par le thrash, mixe ce coté mélodique et des moments criards, mais avec une aisance déconcertante. Mais Protest The Hero pousse le bouchon de l’expérimentation comme sur "The Dissentience" ose même incorporer un timbre plus guttural. Quelques passages plus forcés, ajoutant à la perte de repères de l’auditeur, sont disséminés sur Fortress : un chant plus typé hardcore sur "Palms Reads", le metal extrême frôlé sur "Spoils", ….
Au final, Protest The Hero livre un album détonnant, cocktail explosif, à l’image d’un Between Buried And Me qui se serait délesté de ses moments les plus calmes. Nombreuses sont les principales influences du melting pot musical de ce Fortress, mais le groupe s’approprie tout cela pour en restituer un très bon album de Mathcore pour démarrer cette année 2008.
A écouter : Spoils � Sequoia Throne
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