Portal

Post Black Metal

Australie

Ion

2018
Type : Album (LP)
Tracklist
01. Nth
02. Esp Ion Age
03. Husk
04. Phreqs
05. Crone
06. Revault Of Volts
07. Spores
08. Phathom
09. Olde Guarde

Chronique

par Skalkulo

Est-il encore permis aujourd'hui de croire que l'on peut casser les codes musicaux ? Peut-on sincèrement imaginer que quelque chose de neuf est envisageable ? N'est-ce pas une gageure de penser qu'en jouant « autrement », on créera « autre chose » ? La musique codifiée n'a cessé d'être violentée depuis un siècle et demi ; Wagner et ses dissonances « résolues », son « accord de Tristan », Schoenberg et ses assonances « intolérables » (op.10), John Cage et son silence de « 4:33 », le dodécaphonisme, la musique spectrale, concrète, électro-acoustique, l'ambient, le bruitisme... Ces révolutions sonores ont transformé la musique, par intégrations successives. Au mieux ont-elles généré de nouveaux codes, devenus rapidement de nouvelles normes. Au pire ont-elles déplacé légèrement le paradigme de la « classique manière ». Ainsi s’agrège et se désagrège l'histoire récente de la musique... Alors tout est foutu ? Tout a été fait ? Votre violoncelle joue de la flûte ? Pas de panique ! Par le jeu des croisements de styles, de leurs superpositions, de leurs fusions, la musique continue de créer et de recréer, de nous faire rêver... et certaines de ces aventures acoustiques paraissent tellement « révolutionnaires » qu'on les croirait presque inédites : Portal.
Depuis Seepia, leur premier album sorti en 2003, le groupe australien n'a pas vraiment cassé de codes, se « contentant » de définir les contours de sa « mystérieuse identité » : pseudo latinisant pour chaque membre, déguisements alambiqués sur scène (dont certains semblent tout droit sortis de l’imagination de Night Shyamalan – « The Village »), secret absolu autour du line-up, paroles inaudibles voire illisibles. Portal continue de jouer du death-metal expérimental qui rappelle quelquefois Morbid Angel (période Altars of Madness) ou Pestilence (Consuming Impulse) et y insère des vocaux growlés frigorifiques, atténués par un mixage façon joyeux bordel hors de contrôle.Trois albums aussi sales et miasmatiques que la graisse d'une friteuse qui vient de cuire 300 croquettes de fromage, puis Vexovoid en 2013 ou la crasse qui sort quelque peu de l'ombre. Un petit quelque chose de différent. Léger.
ION, le très attendu cinquième LP du groupe, sort enfin et confirme ce que l'on soupçonnait depuis les débuts : à force de donner à chaque effort « un peu mieux de la même chose », Portal finirait par atteindre les cimes et, surtout, mettrait tout le monde d'accord ! C'est chose faite. En trente-sept minutes, les australiens réussissent à résumer les diverses influences croisées qui conglomèrent leur style depuis vingt ans : de la Noise / dark-ambient de l'intro (Nth) qui vient cureter les membranes du tympan à la lime à ongles, à l'outro (Olde Guarde) qui sert à vérifier que l'oreille interne n'est plus que fibres déchiquetées ; du death metal "expérimental" (ESP ION AGE, Husk) lorsque les guitares explosent et brisent les tempos, dès les premières secondes, de riffs en riffs, comme si les tritons d'un Trey Azaghtoth se frayaient un chemin parmi les descentes de manche d'un Patrick Mameli ; des expériences micro-tonales de Phreqs, nouveau mètre-étalon de la discographie de Portal où la guitare de Horror Illogium descend par quarts de tons tandis que celle d'Aphotic Mote hypnotise à l'octave... Jute Gyte n'est pas loin...
Mais si ION nous donne à entendre tout cela, avec précision, c'est que la production est limpide, presque propre ! Pour la première fois, Portal assume ses extrémités et n'a plus peur de laisser entendre les détails. Et tout s'éclaire. La masse grasse des premiers albums s'est muée en une densité presque raffinée où l'on distingue chaque note de guitare, chaque frappe de batterie (phénoménale comme toujours) et chaque nuance de l'empreinte vocale de The Curator (Husk, Phathom). Pour toutes ces raisons et pour l'artwork sublime créé par Zbigniew Bielak (digipack, booklet), ION marquera son époque. A n'en point douter.
Portal n'a jamais eu besoin de tenter de casser des codes : cela fait bien longtemps qu'il les a transcendés !
Un album indispensable.

17

A écouter : 1

Les critiques des lecteurs

Moyenne 15.43
Avis 7
metgopsypeth123 January 10, 2019 14:06
Définivitement pas terrible. L'ambiance est bien posée c'est indéniable mais pour le reste ça tourne en rond pendant 40 min et le pire c'est que ça semble décalé la moitié du temps, c'est insupportable pour les oreilles ^^
7 / 20
HerEgen February 28, 2018 17:09
Pas mieux. Violence nébuleuse et jupitérienne. Je ne connais que cet album du groupe et je n'ai pas envie d'écouter les autres tout de suite, tellement celui-ci a déjà une belle matière à gratter.
16 / 20
SkaldMax February 27, 2018 23:45
Portal a fait un bon en avant avec ce Ion. Beaucoup moins atmosphérique et plus confiné, comme le dit justement Skalkulo on saisit bien mieux ce qui se joue, et pareil pour la palette de styles des Australiens.
16 / 20