Avec ce Fear of a Blank Planet, Porcupine Tree renoue avec une certaine limpidité mélodique tout en reprenant le fil progressif de ses compositions. Se présentant d'un bloc, cet album d'une heure évacue l'éparpillement de Deadwing au profit d'une certaine unité d'ensemble aussi bien musicale que thématique.
Dans un monde cybernétique et désincarné, Porcupine Tree décline l'inquiétude artistique et la peur du vide avec une belle assurance. Cet album se montre volontiers rock, avec des riffs à l'avenant en ouverture (Fear of a Blank Planet), mais sans jamais oublier de planer, offrant les fibrillations atmosphériques sans lesquelles Porcupine Tree ne serait plus le même groupe. Les 6 mouvements s'enchaînent sans temps mort, formant une seule et même grande piste musicale aux battements mesurés, aussi bien dans les rythmes mid tempo privilégiés que dans le chant aérien de Steve Wilson, mais également à travers des arrangements amples où les cordes majestueuses et les claviers discrets trouvent toujours leur place (My Ashes).
Le coeur de ce disque réside en Anesthetize, longue piste de près de 18 minutes qui concentre tout le pouvoir impressionniste de Porcupine Tree. Délicate, cristalline, autant que profonde et inquiétante, sa musique autorise tous les vagabondages de l'esprit. Des guitares qui saturent comme aux meilleurs moments d'In Absentia rappellent que le groupe sait aussi se jouer des figures classiques sans perdre en qualité, glissant ça et là quelques refrains accrocheurs facilitant l'assimilation ou bien un riff incisif hérité du métal. Les breaks se succèdent ainsi en toute fluidité jusqu'à la césure abrupte qui transforme le morceau en déclamation étirée où l'on perçoit un brin d'Anathema acoquiné avec la poésie de Mercury Rev.
Porcupine Tree déploie ainsi ses toiles enchantées par touches généreuses et évocatrices, gagnant immanquablement les hautes sphères pour rêver un peu plus fort, déclamer l'enfance perdue (Sentimental) ou aspirer à une échappée belle. En cela, la formation, comme d'autres contemporaines, perpétue l'héritage de Pink Floyd, sans avoir à rougir de l'éventuelle comparaison, forcément injuste. Porcupine Tree possède ses propres forces, ses facilités et ses exigences. La mélancolie n'est évidemment pas exclue du tableau, pas plus que l'immédiateté des formes, que ce soit des mélodies de guitares et de cordes entremêlées avec la force de l'étreinte (Sleep Together) ou bien des arrangements tantôt épiques, tantôt fantômatiques d'une déception amoureuse(Way Out Of Here).
Fear of a Blank Planet offre ainsi un beau voyage musical, dense et enrichissant dont chaque étape est de qualité et renforce la puissance de l'impression d'ensemble. Celle d'un beau disque aux textes et aux images touchantes dédiées à une jeunesse tourmentée.
Un aperçu de cet album ici.
Anesthetize est un des meilleurs morceaux que j'ai entendu dans ma vie. Tout y est: intro douce et intrigante, milieu entraînant et prenant, avec de superbes riffs typés metal, et outro des plus planantes. Un bijou.
Le reste de l'album est fantastique, d'ailleurs SW joue encore "Sleep together" en live.