Pour cette chronique je vais me sentir obligé d’employer partiellement la première personne du singulier, tant ce groupe et cet album en particulier ont marqué mon adolescence perturbée. Découverts environ à la même période qu’une bonne partie de la nouvelle scène hardcore (Refused, The Dillinger Escape Plan, Converge, Botch, Vision of Disorder et consorts), encore épris par Deftones, Korn, Glassjaw et autres formations estampillées « nu-metal » correspondantes à ma génération, Poison The Well s’est invité dans mes oreilles au moment opportun. You Come Before You fut ma première expérience avec l’œuvre des américains, et je ne m’en remets toujours pas à l’heure où j’écris ces lignes.
Évidemment, après avoir rincé ce troisième album je me suis jeté sur les précédents, ce qui m’a fait réaliser que You Come Before You est véritablement le disque charnière de Poison The Well, celui où l’aspect mélodique entrevu sur The Opposite of December et surtout Tear From The Red a pris du galon, au même titre que la rage viscérale, ici décuplée, arrachant les tripes une par une, non sans finesse et dextérité. L’association de ces deux éléments est permanente, d’une puissance émotionnelle tout à fait nouvelle pour moi en ce début de siècle, d’une efficacité telle que je me retrouvais souvent fébrile à son écoute, au bord des larmes, en position quasi-fœtale. Comment rester insensible face à la correction Ghostchant, qui combine d’emblée la maestria instrumentale et l’intensité aux multiples variables d’un chanteur (le monstrueux Jeffrey Moreira) alors au sommet de son art ?
On ne peut pas, ce n’est pas concevable, du moins pour quelqu’un qui a un minimum d’ancienneté dans l’intérêt qu’il/elle porte au genre. Résister au cassage de reins qui caractérise Zombies Are Good For Your Health ne serait pas raisonnable, tout comme ne pas daigner remuer sa boite crânienne en mid-tempo sur For a Bandaged Iris et l’accordéonisé The View From Here Is…A Brick Wall, ou ne pas verser au moins une larmichette sur le presque post-rock et torturé Apathy Is A Cold Body. D’autant plus que You Come Before You bouillonne de créativité à tous les niveaux, sans coup de mou, de la première à la dernière note, et porteur d'une jouissive mélancolie. Tout s’imbrique naturellement, poussé par une production délicieuse et un travail impressionnant sur les guitares, aussi efficaces et vigoureuses lorsqu’il faut tailler dans le gras le plus épais que dans l’agencement de mélodies fragiles et cristallines, voire dissonantes (Sounds Like The End of The World), ponctuellement agrémentées de tonalités bluesy du meilleur effet, qui seront développées au sein de l’objet suivant, le sous-évalué Versions, puis The Tropic Rot.
Je n’ai pas de souvenir équivalent d’alliance mélodie/violence aussi chiadée dans mes jeunes esgourdes en cette époque lycéenne. You Come Before You demeure hors du temps, l’un des albums d’une vie, la mienne en l’occurrence, mais il semblerait que je sois loin d’être seul dans ce cas. J’ose espérer néanmoins que ce grand disque fera frissonner ceux qui découvrent Poison The Well aujourd’hui, il le mérite amplement.
Poison the well reste égal à lui même avec cet album si ce n'est qu'il a pris un virage plus mélodique exepté sur des titres bourrins comme "crystal lake". "You become for you" est aussi bon que les anciens albums de Poison the well ni plus ni moins.