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Biographie
Poison The Well, qui débute en 97 sous divers noms de scène, pratique un hardcore qui laisse également place à des passages chantés ou parlés comme dans Morning Again. Leur excellent EP 5 titres Distance Makes Only The Heart Grow Fonder sort en 97. Après un changement de line-up important, c'est en 2000 qu'ils sortent The Opposite of December puis Tear From The Red (2002) sur le légendaire label Trustkill Records avant de récidiver sur le label grâce à You Come Before You durant l'été 2003, également distribué par Atlantic Records. Puis les tournées se suivent mais ne se ressemblent pas (USA, Japon, Australie/Nouvelle Zélande...). Le groupe ayant été sur la route pendant presque un an, les membres prennent un congé bien mérité en mai 2004.
Versions voit le jour chez Ferret Music courant 2007, suivi par les EPs I/III / II/III / III/III et The Tropic Rot début 2009.
Les derniers opus de Poison The Well en ont fait déchanter plus d'un. La qualité semble avoir diminué au fur et à mesure des années. Artwork rétro, The Tropic Rot ("La pourriture des Tropiques") fait suite aux 3 EPs inégaux et est produit par Steve Evetts (The Dillinger Escape Plan, The Number Twelve Looks Like You, Catch 22, ...). La grosse difficulté pour Poison The Well sera d'offrir un album homogène et tenant sur la longueur.
"Exist Underground" ouvre le bal. Le sourire pointe, Poison The Well livre ici une compo détonante, intense. Du grand Poison The Well en somme. Même chose pour "Sparks It Will Rain", même si la qualité diminue un peu (le chant clair un poil décevant). Dès les premières minutes, Poison The Well semble revenu au meilleur de sa forme, comme l'attestent par la suite le très posé "Pamplemousse" ou le furieux "Celebrate the Pyre". Les musiciens font mouche, vont droit au but et la magie opère à nouveau. A première vue, The Tropic Rot recèle de quelques brûlots intenses ("Makeshift Clay You" ou "Antarctica Inside Me") qui ressoudera les rangs disparates des fans. On retrouve la formule des dernières années : chant clair doublé d'un chant plus hargneux, riffs efficaces et rentre-dedans secondés par des parties plus douloureuses et une partie rythmique généralement un poil trop discrète. Aucune nouveauté, Poison The Well ressasse les mêmes choses, avec plus ou mains de brio.
Mais voilà, les écoutes passent et The Tropic Rot révèle ses défauts. Le chant clair, plus présent, est trop instable, parfois lassant et faussement mélancolique. Ces parties, occupant de plus en plus de place sur les compos, ont la fâcheuse tendance à être vite rébarbatives. Sans pour autant ne demander que de la violence au groupe, Poison The Well arrivait précédemment à créer un équilibre qui se trouve ici rompu. L’autre gros défaut est la présence de certains compos un poil trop classiques, que l’on passera rapidement lors d’une écoute telles "Who Doesn't Love A Good Dismemberment?" ou "When You Lose I Lose As Well".
The Tropic Rot relève le niveau suite à Versions. Il reste certes un fossé qualitativement parlant entre The Tropic Rot et You Come Before You, mais celui-ci n'est plus si important. Poison The Well commence à sortir la tête de l'eau, ne reste plus qu'à reprendre son souffle.
A écouter : Exist Underground - Antarctica Inside Me - Pamplemousse
Poison The Well s'est élevé avec brio sur ses 4 premiers albums, puis tel Icare, chuta sur Versions. Néanmoins, les américains ne s'arrêtent pas là et se lancent dans la sortie d'une série de Eps, regroupés sur I/III / II/III / III/III, composés de chutes studio de Versions.
I/III / II/III / III/III démarre sur les chapeaux de roues, à l'instar de Versions, avec un "New Fast" très punky, condensé énergique comme a pu l'être "Letter Thing" en son temps. Même si le chant semble un peu trop en retrait, la fougue vocale est là, prête à bondir. Malheureusement la joie est de courte durée. "Purple Sabbath" renoue avec les vilains défauts de Versions : un morceau sans entrain, pataud jusqu'à la dernière note de sa conclusion faussement énervée. Le mystère est de courte durée : Poison The Well s'embourbe à nouveau.
Ainsi, "Shuffle", "Bowie", "A# No.1" et "Run Desire Gone Clean". Les compos s'enchaînent sans grosse surprise malgré de très bons passages ("Shuffle" et sa basse dantesque ou "Run Desire Gone Clean" écrasant avec un rythme hardcore) et d'autres plus banals ("A# No.1" et son refrain douloureux ou le rock lascif de "Bowie"). Le chant alterné réapparait sans conviction, plus par manque que par réelle motivation, et cela se ressent sur la plupart des nouveaux morceaux. Ceux-ci sont joués sans fausse note, précis sur tous les plans, mais n'en restent pas moins emprisonnés dans une sensation de redite. Ne nous méprenons pas, Poison The Well n'est musicalement pas mort, arrive encore à faire vibrer ses cordes, tantôt avec réussite, tantôt avec banalité. L'ombre des précédents opus plane encore sur les américains pour que la sensation de regret disparaisse définitivement. I/III / II/III / III/III n'est pas foncièrement mauvais, mais on retrouve les fausses notes de Versions. A mi-chemin entre You Come Before You et Versions, I/III / II/III / III/III permettra pourtant à Poison The Well de sortir la tête de l'eau avant The Tropic Rot.
A écouter : New Fast - Shuffle
L’adage est connu : Changer d’équipe, c’est bien souvent changer de manière de faire. Avec un nouveau bouleversement de line up et un tronc d’arbre qui commence à arborer pas mal de cernes, Poison The Well n’a pas dérogé à la règle en revenant pour son 4e album (hors EP) avec une toute nouvelle version de sa musicalité.
Tambourinant comme un huissier furieux à la porte d’un squatte illégal, Versions démarre pied au plancher avec un "Letter Thing" punk au possible qu’on croirait composé pour réveiller un mort. Dix ans dans les pattes et un feu intact. Elle est où la pilule ? C’est ici que l’avertissement est de mise, ce premier titre ne représentant absolument pas la tonalité de Versions. A y regarder de plus près, il s’agirait même de l’arbre qui cache la forêt. En effet, si on excepte "The Notches That Create Your Headboard" et "Naive Monarch" (titres les plus explosifs), on ne peut pas dire que les fûts sont martyrisés, PTW affichant un visage quasi méconnaissable, lourd et pataud.
Casser le rythme ou explorer de nouvelles voies sur un ou deux titres auraient pu séduire, mais l’accumulation des compositions, au schéma identique, finit par engluer les floridiens dans un marécage rock ("Pleading Post", "Riverside") peu inspiré ("Slow Good Morning"). La magie du chant alterné disparue, la double pédale raccrochée au vestiaire, PTW semble enlisé, malgré la rage vocale de Jeffrey Moreira qui essaie tant bien que mal de donner une impulsion à une machine grippée.
Au final, seulement 3 ou 4 titres à retenir, c’est peu pour ceux qu’on considérait jusqu’alors comme des cadors du genre. Personne ne reprochera à PTW d’avoir voulu s’orienter vers un nouveau cap. En ce sens, ce n’est pas l’horizon mais bien le chemin emprunté qui pourra laisser dubitatif, car en plus de manquer de jus, le manque d’originalité est à déplorer, l’effort empruntant énormément à Thrice et Cave In. Indigne d’un groupe qui a tant inventé.
A écouter : "Letter Thing", "The Notches That Create Your Headboard", "Naive Monarch"
Pour cette chronique je vais me sentir obligé d’employer partiellement la première personne du singulier, tant ce groupe et cet album en particulier ont marqué mon adolescence perturbée. Découverts environ à la même période qu’une bonne partie de la nouvelle scène hardcore (Refused, The Dillinger Escape Plan, Converge, Botch, Vision of Disorder et consorts), encore épris par Deftones, Korn, Glassjaw et autres formations estampillées « nu-metal » correspondantes à ma génération, Poison The Well s’est invité dans mes oreilles au moment opportun. You Come Before You fut ma première expérience avec l’œuvre des américains, et je ne m’en remets toujours pas à l’heure où j’écris ces lignes.
Évidemment, après avoir rincé ce troisième album je me suis jeté sur les précédents, ce qui m’a fait réaliser que You Come Before You est véritablement le disque charnière de Poison The Well, celui où l’aspect mélodique entrevu sur The Opposite of December et surtout Tear From The Red a pris du galon, au même titre que la rage viscérale, ici décuplée, arrachant les tripes une par une, non sans finesse et dextérité. L’association de ces deux éléments est permanente, d’une puissance émotionnelle tout à fait nouvelle pour moi en ce début de siècle, d’une efficacité telle que je me retrouvais souvent fébrile à son écoute, au bord des larmes, en position quasi-fœtale. Comment rester insensible face à la correction Ghostchant, qui combine d’emblée la maestria instrumentale et l’intensité aux multiples variables d’un chanteur (le monstrueux Jeffrey Moreira) alors au sommet de son art ?
On ne peut pas, ce n’est pas concevable, du moins pour quelqu’un qui a un minimum d’ancienneté dans l’intérêt qu’il/elle porte au genre. Résister au cassage de reins qui caractérise Zombies Are Good For Your Health ne serait pas raisonnable, tout comme ne pas daigner remuer sa boite crânienne en mid-tempo sur For a Bandaged Iris et l’accordéonisé The View From Here Is…A Brick Wall, ou ne pas verser au moins une larmichette sur le presque post-rock et torturé Apathy Is A Cold Body. D’autant plus que You Come Before You bouillonne de créativité à tous les niveaux, sans coup de mou, de la première à la dernière note, et porteur d'une jouissive mélancolie. Tout s’imbrique naturellement, poussé par une production délicieuse et un travail impressionnant sur les guitares, aussi efficaces et vigoureuses lorsqu’il faut tailler dans le gras le plus épais que dans l’agencement de mélodies fragiles et cristallines, voire dissonantes (Sounds Like The End of The World), ponctuellement agrémentées de tonalités bluesy du meilleur effet, qui seront développées au sein de l’objet suivant, le sous-évalué Versions, puis The Tropic Rot.
Je n’ai pas de souvenir équivalent d’alliance mélodie/violence aussi chiadée dans mes jeunes esgourdes en cette époque lycéenne. You Come Before You demeure hors du temps, l’un des albums d’une vie, la mienne en l’occurrence, mais il semblerait que je sois loin d’être seul dans ce cas. J’ose espérer néanmoins que ce grand disque fera frissonner ceux qui découvrent Poison The Well aujourd’hui, il le mérite amplement.
A écouter : en observant la fin du monde.
Après un excellent 5 titres, voilà donc le 1er album très attendu de Poison The Well. Première nouveauté: un changement de line-up important (c'est le cas de le dire) puisque seul le batteur est resté et il n'y a désormais plus qu·un chanteur. Mais ça n·a affecté en rien la qualité du groupe qui durcit le ton par rapport à leur premier EP: des riffs plus rapides et plus durs que jamais, des breaks plus nombreux et le nouveau chanteur remplace sans problème ses 2 prédécesseurs. Au début, on peut être un peu dérouté lors des 1ères écoutes par les changements de rythmes fréquents et les passages acoustiques qui débarquent au milieu de purs moments de violence. Mais après quelques écoutes attentives, The opposite of december produit son effet. Poison the well nous offre sur cet album un parfait condensé de violence et d'émotion, un hardcore efficace sans jamais être simple et lassant.
En effet, après des riffs tranchants se succèdent des passages acoustiques de toute beauté. Le combo affirme son style avec la succession de passages criés, chantés et parlés (qui font penser au 1er album de Morning Again). Le chant passe sans problème de déchirements vocaux à des passages chantés parfaitement maîtrisés. Les titres suivent la même recette mais ne se ressemblent pas et sont tous des petits chefs d'oeuvres. L'album démarre en trombe avec "12/23/93", on a à peine le temps de se poser qu·on en prend déjà plein la gueule: riff tranchant et lourd, chant hurlé. Puis vient un court passage acoustique et le groupe repart de façon encore plus brutale avant que suive une magnifique partie chantée.
Toutes les caractéristiques qui font que l'on aime ce groupe sont présentes dès le 1er titre. Et on continue à s'en prendre plein la gueule avec les titres suivants: "A wish for wings that work" et son magnifique passage acoustique, les spoken words de "A fist rendering of me", le riff d'intro de "To mandate heaven" qui n'est pas sans rappeler the Dillinger Escape Plan par sa rapidité et sa brutalité.
L'album se conclut en apothéose par un passage acoustique sur lequel Jeffrey Moreira pousse ses derniers hurlements. On sent la sincérité du groupe dans le chant et les paroles plutôt introspectives. Au final, on sent une nette évolution par rapport à leur 5 titres, mais le groupe a su conserver son style caractéristique qui fait qu·il est maintenant une référence dans la scène metal-emo-hardcore et apprécié également par un groupe comme Deftones.
Bref, un album compact et efficace qui alterne violence et accalmies avec un réel talent. On pourra seulement reprocher à ce skeud sa courte durée de 30 minutes, mais franchement, si tous les albums faisaient 30 minutes et avaient des morceaux d'une telle qualité, on y gagnerait au change.
A écouter : A fist Rendering of me ; My mirror no longer reflects
1998. Alors que Jimmy Eat World, Texas Is The Reason, The Get Up Kids and Co propagent la deuxième vague emo, un groupe de Floride débarque avec un EP venu de nulle part, mélangeant métal, hardcore, punk et emo. Héritiers d’un Boy Sets Fire des débuts (époque This Crying, This Screaming, My Voice Is Beeing Born datant de 1996) ayant troqué ses premières influences screamo pour des dessous bien plus metalliques, les 5 américains vont tout simplement avec ces 5 titres s’imposer comme l’un des groupes les plus influents du metalcore « moderne » en injectant une bonne dose d’émotions dans ce style cantonné jusque là à son côté brutal. Parallèlement, de cette création va également apparaître les premières notes de ce qu’on appellera plus tard l’emocore. Pourtant, ce Distance Makes The Heart Grow Fonder, malgré sa qualité et son importance reste jusqu’à ce jour injustement méconnu et trop souvent ignoré au sein de sa discographie. Coup de projecteur donc pour une réhabilitation méritée !
L'auditeur assidu des derniers efforts du groupe se trouvera peut-être décontenancé par la teneur de ces 5 brûlots de metalcore émotionnel tant il émane de ce EP un esprit spécial. Si l’écoute actuelle, avec le poids des années pourra donner une impression de metalcore classique, il faudra saisir au vu de la date ô combien les 5 titres furent précurseurs. Evitant les écueils de l'emocore actuel par une urgence et une sincérité palpables, ce disque, aujourd’hui encore, se dégage du lot des innombrables productions, qui alternent le désormais traditionnel binôme vocalises chantées/criées. La musique de Poison The Well pose son empreinte schizophrénique, au sens psychiatrique du terme, avec deux entités se partageant le même corps, et c’est là sa force car l’opus explore ses deux tendances sans finir écartelé, réussissant à les réunir dans un tout « à la fois » et tout « en même temps ». La hargne et le désespoir se confondent alors, à la manière d'un Mr Jekyll et Dr Hyde partagé entre ses deux pulsions. En somme, tandis que The Opposite Of December dissocie le plus souvent clairement furieuses envolées metalcore et accalmies mélodiques avec de nombreux breaks, Distance Only Make The Heart Grow Fonder... assemble ces différents passages en un bloc compact, mais nullement indigeste. "In your face" comme dirait l'autre...
Le premier titre, « Grain of Salt », est un modèle du genre: l'alternance entre parties chantées et parties criées (chacun des 2 chanteurs s'occupant exclusivement de sa "spécialité") fonctionne à merveille, tandis que les riffs tranchants des deux guitares accompagnent parfaitement le tout. On a alors l’impression d’entendre un orage grondé, en même temps qu’une brume mélodique nous auréole. Les spoken-words de Aryeh Lehrer font également mouche; déblatérés d'une voix où l'on remarque encore une expression de désespoir adolescent, on sent l'émotion nous gagner à leur écoute avant de se faire submerger par le mosh-part qui prend le dessus. Les autres titres sont dans la même lignée, lorgnant vers leurs voisins floridiens de Shai Hulud et Morning Again avec un metalcore qui laisse la part belle aux émotions. On retiendra tout particulièrement "Torn", sur lequel le groupe se fait plus mélodique et plus désespéré que jamais. Quant aux paroles, tantôt revendicatives tantôt plus personnelles, elles sont l’âme de ce corps en feu.
Réédité par Undecided Records avec en prime un superbe artwork signé J. Bannon, deux titres live (tirés de The Opposite Of December) et un titre amputé du "only" pour un CD au nom quelque peu plus court, Distance Makes The Heart Grow Fonder, se rappel à nos bons souvenirs. Réécouter ce EP, c’est partir en quête des origines du métalcore/emocore, où les groupes ne s'embarrassaient pas de fioritures, allant directement à l'essentiel, pour adopter ainsi la quintessence originelle des groupes de hardcore. En ajoutant à cela quelques riffs metals et une bonne dose de mélodies et d'émotions, Poison The Well a marqué ce courrant musical de son empreinte et l’on ne répétera jamais ô combien les From Autumn To Ashes, Killswitch Engage et Underoath doivent aujourd’hui une fière chandelle au triptique floridien Morning Again - Shai Hulud - Poison The Well...
A écouter : en se replongeant dans le passé
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