Lorsque mon collègue Mayalabielle a demandé qui voulait s’occuper du nouveau P3C, j’ai sauté sur l’occasion, craignant qu’il ne souhaite s’approprier le créneau et que tout cela tourne à l’affrontement sur Rocket League (que j’ai toujours réussi à éviter habilement par des stratagèmes de fuite). Heureusement, le bougre semblait de bonne humeur ce jour-là et m’a proposé de faire une double chronique. Ma première. Et deux personnes ne semblent pas de trop pour parler de Tête Blême.
Alors que la sortie était prévue pour le mois de mai 2020, la situation sanitaire a poussé le groupe à lâcher son bébé presque six mois plus tard. Pogo Car Crash Control n’a d’ailleurs pas manqué de teaser allègrement Tête Blême avec des clips comme ce fut le cas avec Déprime Hostile, le premier album du groupe. Trois ans se sont écoulés depuis, trois ans de tournées durant lesquelles le groupe a acquis une réputation très solide sur la scène rock/metal française, et à raison.
Avec Tête Blême, P3C semble plus sûr de lui en proposant un album plus compact et bien plus homogène que son aîné.
Plus de ballade pop-isante comme Insomnie, ou de vibes californiennes semblables à celles de Je perds mon temps. Tout s’est recouvert d’un bonne couche de gras, à commencer par la prod qui s’est considérablement épaissie. Le potard de gain a été poussé plus loin sur l’ampli guitare, la batterie sonne bien plus moderne et le chant se pare d’une panoplie d’effets variés qui mettent parfaitement en valeur la voix d’Olivier.
Le spectre musical s’étend ainsi du Grunge jusqu’au Punk très énervé (voire même Thrash Crossover avec l’outro de Trop défoncé), avec un BPM moyen assez raisonnable mais des riffs pachydermiques délivrés par un combo basse/guitares très épais aux dissonances nombreuses. Les lignes vocales sont également plus menaçantes avec un sacré paquet de parties saturées, graves et aigües, qui font l’étalage de la versatilité du bonhomme derrière le micro.
HolyRillettes.
Votre second serviteur s’incruste pour en rajouter une couche ! Le travail en studio de Francis Caste (enregistrement et mix) donne une dimension beaucoup plus profonde à la musique de P3C. Si vous ne connaissez pas le type, sachez simplement qu’il a collaboré avec Black Bomb A, Ultra Vomit, Regarde les Hommes Tomber, Hangman’s Chair et bien d’autres… Son expérience accumulée lui a permis de saisir et sublimer les caractéristiques stylistiques du quatuor. Au global, ces changements servent complètement les propos du groupe qui déverse une rage noircie par rapport à l'opus précédent Déprime Hostile (les différences de couleurs entres les deux pochettes).
Au delà de la production, ce côté nonchalance-cradingue-cheveux-gras est parfaitement illustré par les paroles de cet opus. Les thèmes sont empaquetés dans une couche de banalités balancées telles quelles à la face de l’auditeur. Cependant, une écoute attentive révélera tout autre chose, à mi-chemin entre sarcasme à l’ironie salée goût sudation et vérités acerbes sur le genre humain. Même si l’usage constant du “je” donne un caractère très introspectif aux paroles de Tête Blême, les tournures et les constructions invitent l’auditeur à s’identifier au propos hurlés par Olivier. Le titre Qu’est-ce qui ne va pas ? tourné sous forme de questions/réponses est un exemple de cet introspection personnelle dans son propre esprit torturé.
(Ah et au fait, le prochain qui dit que cette chronique en duo n’est pas la meilleure, on lui crache notre rancune à la gueule !).
Après un Déprime Hostile plus que convaincant, le tournant métallisant, plus lourd et plus méchant, de Tête Blême va mettre tout le monde d’accord. Avec un son à mi-chemin entre le Punk, le Hardcore et le Metal, le groupe fédère des fans aux goûts divers sous son drapeau. Force est de constater que P3C marque de sa patte d’ours bourré, la scène Rock et Metal française. Cette science du chorus ultra catchy est clairement la plus grande force des banlieusards.
Pour plus de saveur, prière de dégustez ce Tête Blême accompagné d’une bière tiédie par le soleil d’une après-midi de stock-car à Diémoz (après le confinement, bien sur).
Mayalabielle.
A écouter : Qu’est-ce qui ne va pas ?, Pourquoi tu pleures, Miroir, Trop Défoncé